Cameroun: L'approche communautaire améliore l'accès aux soins dans les zones reculées

6 Janvier 2025

YAOUNDE — L'utilisation d'un modèle de soins primaires orientés vers la communauté (Community oriented primary care - COPC) permet d'augmenter la demande en vaccins au sein de celle-ci. C'est ce que démontre une étude réalisée auprès des communautés isolées de pécheurs dans le district de santé de Manoka, une île située dans la région Douala au Cameroun.

Pour parvenir à cette conclusion, les auteurs de l'étude ont mis en oeuvre un ensemble de services intégrés fournis par des agents de santé communautaires (ASC) et élaborés selon le modèle des soins de santé primaires axés sur la communauté.

"Cette étude confirme que lorsque les soins sont proches des populations, leur accès s'en trouve significativement amélioré"Hemes Nkwa, Youth for Health and Development of Africa (YOHEDA)

Les services proposés comprenaient l'éducation sanitaire sur le paludisme et les maladies transmises par l'eau, le dépistage du paludisme à l'aide d'un test de diagnostic rapide, le traitement des enfants de moins de 5 ans pour le paludisme non compliqué et la diarrhée.

A cela s'ajoutent la prestation de services essentiels de soins prénataux, le conseil en matière de vaccination, ainsi que l'orientation des patients dans les trois aires de santé mettant en oeuvre le projet (Kombo Moukoko, Kooh et Toube).

Les résultats révèlent que la moitié des enfants de moins de 5 ans présentant des problèmes de santé ont été diagnostiqués et pris en charge pour un paludisme sans complication. En outre, lors des visites à domicile, 617 enfants de moins de deux ans insuffisamment vaccinés et n'ayant reçu aucune dose de vaccin ont été identifiés, orientés et vaccinés soit au cours d'un programme de proximité, soit au poste de santé le plus proche dans une aire de santé voisine.

« L'étude a montré une augmentation significative mais progressive de l'acceptation des vaccins, qui est passée de 0 % après consultation de l'agent de santé communautaire au cours du premier mois à 47 % après six mois et à 64 % après un an d'intervention », explique Clovis Sangwe, auteur principal de l'étude, par ailleurs chercheur au Centre de recherche en santé communautaire chez Rural Doctors, une ONG basée à Buéa dans le sud-ouest du Cameroun.

Plus de 180 femmes enceintes ont été identifiées comme ayant besoin de soins curatifs et préventifs. Environ 81 % des femmes enceintes ont bénéficié d'un ensemble minimum de soins prénataux dispensés par les ASC, et 47 % ont été orientées vers des établissements de santé pour des soins prénataux continus et pour l'accouchement, renseigne l'étude.

Enfants non vaccinés

Avant cette intervention, des résultats d'études antérieures menées au sein de ces communautés par Clovis Sangwe avaient montré une proportion « remarquablement élevée » d'enfants non vaccinés, les enfants dits « zéro dose ».

« Une autre étude qualitative conduite dans le même district avait mis en évidence les problèmes d'accès et de demande de vaccins, la population comptant davantage sur les herboristes traditionnels, les unités de santé clandestines et les vendeurs en bordure de route pour obtenir des soins de santé », précise le chercheur.

« Le nombre élevé de maladies telles que le paludisme et les maladies transmises par l'eau a contraint la population à dépendre des herboristes et des vendeurs de médicaments installés en bordure de route, ce qui a érodé la confiance dans le système de soins de santé primaires et aggravé l'hésitation à l'égard des vaccins », insiste ce dernier.

Clovis Sangwe conclut que « l'utilisation d'un modèle de soins primaires orientés vers la communauté pour guider le diagnostic communautaire, fondé sur des données et le développement d'interventions répondant à la fois aux exigences du programme de vaccination et aux besoins de la communauté, est essentielle pour renforcer la confiance de la communauté et augmenter la demande de vaccins ».

Pour Hemes Nkwa, médecin épidémiologiste et présidente de l'association Youth for Health and Development of Africa (YOHEDA), cette étude met en évidence les avantages concrets du modèle de soins primaires orientés vers la communauté, « qui a clairement permis d'améliorer l'accès aux soins essentiels dans des zones souvent difficiles d'accès ».

Selon l'épidémiologiste, le fait que près de 81 % des femmes enceintes aient bénéficié d'un ensemble minimum de soins prénataux grâce aux ASC montre à quel point ce modèle peut jouer un rôle « crucial » dans la réduction de la mortalité maternelle et infantile, une des priorités majeures en santé publique.

De plus, « l'identification et la vaccination des enfants insuffisamment vaccinés montrent une fois de plus l'efficacité du COPC pour combler les lacunes dans les services de santé, notamment en matière de couverture vaccinale. Cette étude confirme que lorsque les soins sont proches des populations, leur accès s'en trouve significativement amélioré », soutient-elle.

Santé communautaire

En effet, l'accès aux soins de santé dans les communautés reculées demeure difficile. Dans le district sanitaire de Djohong, situé dans la ville de Ngaoundéré dans le nord du Cameroun par exemple, l'absence de moyen de transport et l'insécurité dans les aires de santé proches de la frontière avec la République centrafricaine (RCA) ont réduit l'accès aux soins des populations vivant dans des villages enclavés, indique Nafissatou Tilmiza, agent de santé communautaire.

Conséquences : « Ces populations souffraient beaucoup. Certains abandonnaient leurs enfants malades à cause du manque de moyens. Le taux de mortalité infantile était très élevé », affirme-t-elle dans un entretien avec SciDev.Net. Toutefois, cette source relève que la situation s'est améliorée grâce au déploiement des agents de santé communautaire dans ces villages.

« Les communautés ne vivent plus ces difficultés. On prend en charge les cas de paludisme simple, d'infections respiratoires aiguës et de diarrhée simple. Au cas où il y a une complication, on se réfère à la formation sanitaire la plus proche », témoigne-t-elle.

Le Cameroun envisage d'ailleurs de faire de la santé communautaire l'une de ses priorités. C'est le sens à donner au 1eᣴ forum national sur les soins de santé primaire et l'institutionnalisation de la santé communautaire, organisé en novembre 2024 à Yaoundé.

« Nous (gouvernement, secteur privé, société civile) avons convenu de continuer à faire le plaidoyer pour un renforcement du financement et des investissements dans les soins de santé primaires et dans la santé communautaire, de renforcer les agents de santé communautaires dans leur rôle afin que nous puissions compter sur eux, et que notre système change, pas par le haut, mais par le bas », avait ainsi déclaré Malachie Manaouda, le ministre de la Santé, au terme de ce forum.

Les auteurs de cette étude pensent que les étapes mises en évidence dans l'étude peuvent servir de guide pour concevoir des interventions similaires ou d'autres interventions pertinentes dans d'autres communautés à l'intérieur et à l'extérieur du Cameroun.

Cependant, « les communautés qui partagent des caractéristiques et des réalités similaires à celles décrites dans l'étude pourraient bénéficier directement de l'intervention que nous avons développée en utilisant le modèle COPC », conclut Clovis Sangwe.

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