Comme promis la semaine dernière nous continuons à exposer les idées d'Esther Villar pour susciter un large débat sur le sujet. L'accueil du premier livre - L'Homme Subjugué, était mitigé. La plupart des femmes qui ont réagi ne se reconnaissaient pas dans les propos de Villar. Je reprends in extenso une des réactions :
"Je n'ai jamais entendu parler de cette femme ni ai-je jamais voulu vivre ses analyses surtout dans les villages. Maman avait quatre filles. Elle était bien douée et accomplissait plus que les hommes dans notre village devenant une personne médicament douée pour guérir les autres surtout hommes dans toute la région. Je vais vouloir en découvrir plus. Moi-même mariée je n'ai jamais exploité le mari"
Du côté des hommes qui ont réagi au premier livre de Villar, je reprends une des réactions qui résume les autres :
"Elle est sarcastique, mais formule une critique solide du féminisme misanthrope qui se développait au début des années 1970. Le féminisme que je rencontre aujourd'hui dans le milieu académique américain, formulé par des femmes célibataires, souvent lesbiennes ou trans, est un féminisme pathologique."
Les deux réactions sont, à mon humble avis, justes et dignes de respect. Je n'ai donc aucun commentaire à faire là-dessus car chacun décline son point de vue personnelle à partir de son expérience. L'expérience est sacrée, il serait oxymorique de la remettre en question.
Cependant, lorsque plusieurs lecteurs ont cherché à acquérir le livre de Villar, je me suis aperçu que les éditions anglaises du L'Homme Subjugué sont simplement censurées. On peut retrouver les éditions françaises du live et même quelques extraits en PDF. Esther Vila reste censurée pour les éditions anglaises et non françaises. Deux attitudes symptomatiques de deux mondes face à la contradiction.
Le monde anglais n'est pas très accoutumé à la contradiction, il censure tout ce qui ne va pas dans ses manières de penser. Il a la mentalité des techniciens, les choses sont positives ou négatives, il n'existe pas de dialectique. Comme le disait Herbert Marcuse, l'intelligence anglophone est technologique, pas dialectique. En revanche, le monde francophone s'accommode facilement de la tension entre les réalités apparemment contradictoires. La dialectique est intégrée dans la compréhension des choses.
La mentalité francophone n'est pas technicienne mais plutôt dialectique sous l'influence des philosophes d'outre Rhin. La censure est plus difficile chez les francophones que chez les anglophones. Cela dit, il existe bien sûr de la censure de deux côtés de l'Atlantique et de la Manche. Et de deux côtés il existe aussi des voix qui se lèvent contre la censure.
Dans le présent MDW, nous poursuivons notre exposition des idées d'Esther Villar à partir de son second livre intitulé, le Sexe Polygame. Dans ce livre paru en 1979, Vilar soutient que ce ne sont pas les hommes qui portent la véritable responsabilité des maux dont souffre la condition féminine. Elle accuse les femmes -occupées depuis toujours à manipuler les intentions de l'homme en vue d'en tirer le maximum de profit. Selon Vilar, l'amour repose sur deux instincts : la sexualité et la protection. L'instinct sexuel est satisfait par deux « partenaires sexuels, » tandis que l'instinct de protection l'est par un « objet à protéger ». Il se fait que ces deux types de satisfactions sont incompatibles.
La femme, selon Vilar, aurait optée pour le rôle d'objet à protéger, elle se fait femme-enfant par opportunisme, pour obtenir de l'homme devenu, « père nourricier », la protection matérielle à laquelle elle aspire. Imparfaite en tant que partenaire sexuel, la femme amène l'homme à chercher toujours ailleurs - de femmes en femmes- ce qu'il ne trouve pas sous son toit.
Le Sexe polygame s'ouvre avec une définition du mot amour. Qu'est-ce que l'amour se demande Vilar à la page 9 de son ouvrage. Il préface cette question en disant que l'être humain obéit à trois principes fondamentaux : la conservation (se maintenir en vie) ; la reproduction (transmettre la vie avant de mourir) ; un instinct nourricier (assurer la vie de l'être auquel il l'a transmise aussi longtemps que cet être ne peut lui-même le faire).
L'instinct de conservation est asocial, son effort portant exclusivement sur l'individu lui-même. La reproduction et l'instinct nourricier sont des mécanismes sociaux parce que nous avons besoin des autres pour les satisfaire. Dans le cas de la reproduction, nous avons besoin de partenaires sexuels et dans le cas de l'instinct de protection, nous avons besoin d'objet de protection.
L'instinct de protection n'est possible qu'à certaines conditions : a) être physiquement inférieur à celui qui doit vous protéger ; b) lui être également intellectuellement inferieur ; c) lui être semblable. Un partenaire sexuel idéal, selon Vilar doit remplir deux conditions :
1. Une opposition polarisée des deux partenaires dans tout ce qui est spécialement sexuel. C'est-à-dire que le partenaire idéal est celui ou celle qui a des caractéristiques très contrastées de celui de son partenaire ; par exemple une femme avec des traits très féminins, une forte sensualité féminine. Bref, sur le plan physique il faut qu'il y ait un très grand contraste.
2. Une grande ressemblance sur tout ce qui n'est pas aspect extérieur ; une ressemblance sur le plan intellectuel, ou nous devons nous ressembler dans tout ce qui n'est pas spécifiquement sexuel.
Les hommes à fortes barbes, à la poitrine velue, aux larges épaules, aux membres développés, sont généralement plus recherchés que d'autres. Les hommes préfèrent des femmes à la peau douce, à la forte poitrine et aux hanches larges, quand il s'agit uniquement de l'acte sexuel. Plus il y a des polarités individuelles, plus le rapport sexuel tend à être idéal.
En conclusion, Vilar stipule que pour qu'un grand amour apparaisse, il faut que les conditions suivantes soient préalablement remplies :
A) dans l'aspect extérieur, l'un doit être le pôle opposé de l'autre ; l'homme doit être très viril et la femme très féminine.
B) Une ressemblance dans tous les domaines qui ne sont pas spécifiquement sexuels : la même intelligence, la même sensibilité, etc. Le problème est que ces deux conditions sont rarement remplies.
Les femmes très féminines étant biologiquement plus désirées n'a pas besoin d'être intelligente pour vivre. Elle va laisser l'homme qui la désire tant se battre pour elle. Elle ne remplit donc qu'une seule condition indispensable à un véritable amour : l'opposition physique et sexuelle à son partenaire.
Les femmes dont l'aspect extérieur ne diffère pas clairement de celui de l'homme - qui donnent une impression peu féminines- sont pour des raison biologiques moins désirées que d'autres. Les hommes les laisseront tranquille. Pour vivre, ces femmes doivent lutter tout comme les hommes et comme eux se trouveront dans l'obligation de développer leur intelligence. Les femmes qui donnent une impression peu féminine ne remplissent qu'une seule condition de grand amour : celle de l'égalité intellectuelle avec leur partenaire.
Comme le biologique l'emporte sur tout le reste, les hommes préfèrent les femmes non-intelligentes, mais a l'aspect féminin, aux femmes intelligentes mais moins féminines, conclut Villar. Les hommes ne craignent pas l'intelligence chez une femme, ils redoutent son manque de féminité plus que sa sottise.
La conclusion de Villar est que l'homme ne peut pas trouver la femme qu'il aime, et la femme qui accorde plus de valeur à l'amour de l'homme qu'à sa protection n'est pas capable de lui inspirer l'amour. De même que chez la femme, l'absence de caractéristique spécifiquement féminine est le point de départ d'une capacité intellectuelle normale, chez l'homme c'est souvent un certain manque de virilité qui est à l'origine de son intelligence supérieure. Un être inferieur excite l'instinct nourricier, protecteur, de son compagnon, et non son instinct sexuel, et il incite de ce fait à la polygamie.
Comme nous l'avons dit la semaine dernière, l'intellectuel est celui qui reste souvent indécis car il prend en compte tous les aspects d'un problème, aspects qui sont parfois contradictoires. Les questions que met devant nous Esther Villar contient à la fois des aspects vrais et des aspects discutables. Chacun de nous tirera de ces textes ce qui lui permettra de mieux comprendre ce qu'il vit dans son couple et dans ses relations avec les autres individus. Nous n'avons servi que de courroie de transmission pour élargir les horizons intellectuels de nos lecteurs.