La saison 2024 des courses hippiques a été marquée par des performances remarquables, à l'image de Dominic Zaki, sacré «champion trainer», et des polémiques éclatantes, notamment autour de la performance des commissaires de la HRD et des acteurs influents du giron. Entre stratégies gagnantes, passe-droits présumés et départs fracassants, les coulisses de cette année riche en rebondissements dévoilent des zones d'ombre tout en posant la question : à quoi ressemblera l'avenir de l'industrie hippique mauricienne ?
Zaki, «champion trainer»
Quarante-neuf victoires et Rs 1 992 500 : la saison de Dominic Zaki a été fructueuse. D'autre part, il a eu la chance de disposer de bons chevaux dans différentes divisions. Il a obtenu la confiance de Jean-Michel Lee Shim, qui lui a confié ses meilleurs chevaux. De même, les propriétaires ayant loué des chevaux de la Global Equestrian Ltd (GEL) l'ont soutenu. Est-ce le formidable entraîneur auquel on croit ? Les résultats parlent en sa faveur. Mais a-t-il bénéficié de quelques passedroits ? Nous a-t-on tout dit sur son départ et son retour en fin de saison 2024 ?
Dominic Zaki a entraîné la plupart de ses chevaux à Petit-Gamin. Qu'on le veuille ou non, cette piste a permis à son établissement de connaître moins de blessures et d'être constant tout au long de l'année. De plus, le soutien de Jean-Michel Lee Shim et des propriétaires de la GEL a été décisif. Avec une belle écurie de 35 chevaux en fin de saison 2024, compétitifs dans chaque division, y compris des stars en classe A, Zaki a indéniablement bénéficié de circonstances favorables.
L'aventure de Zaki aurait cependant pu s'arrêter plus tôt. Retour en novembre 2023 avec l'affaire Capkuta. Zaki a avoué avoir utilisé une pommade avec la permission du chef de la sécurité pour traiter Capkuta, blessé. Il avait plaidé non coupable, mais il a été reconnu coupable sous la règle 81.1.23 et condamné à une amende de Rs 15 000. Si Deanthan Moodley avait ordonné le retrait de Capkuta le matin de sa dernière course, son successeur, Riyaz Khan, s'était contenté d'une sanction de Rs 15 000. On se souvient encore du comportement de l'ancien Chief Executive Officer (CEO) de People's Turf PLC (PTP) et du tollé médiatique (partisan) orchestré contre Moodley à l'époque.
Il y a également eu le cas Spotted Pearl, où Zaki a été autorisé à se rendre dans la chambre pour défendre Allyhosain. Il avait même admis que son cheval gris n'était pas au meilleur de sa forme physique. Les questions liées à sa présence ce jour-là ont suscité de nombreuses interrogations.
Comment ne pas mentionner son départ en fin de saison ? On chuchotait que les relations n'étaient pas au beau fixe avec Jean-Michel Lee Shim après une multitude de retours négatifs sur une journée. Zaki, pour sa part, avait déclaré qu'il devait se rendre au chevet de son épouse gravement malade. Peu après, un propriétaire de l'écurie Zaki avait affirmé à la télévision que ce dernier reviendrait par la suite. Notre collègue Nitin Leckraj avait rebondi sur cette déclaration, ce qui avait conduit à des échanges maladroits en plein direct. La situation a été telle que la Mauritius Broadcasting Corporation a dû donner des instructions strictes concernant les interviews en direct.
Zaki est l'entraîneur champion incontesté. Ce titre, il ne l'a pas volé. Il a mis en place un système efficace au sein de son écurie pour faire son travail. Des faveurs ? Peut-être ! Son rôle au sein du giron hippique cette année a probablement été crucial pour la crédibilité de PTP. Son départ et son retour ? Qu'il s'agisse de raisons familiales ou d'un conflit avec le patron de l'industrie, il reste humain après tout.
HRD : C'est quoi la suite ?
La presse en général ainsi que certains observateurs du giron étaient assez sceptiques, au début de l'année, quant à la maîtrise de Riyaz Khan au poste de Chief Stipe après le départ du Sud-Africain Deanthan Moodley une année plus tôt. L'Indien, il faut le reconnaître, n'a pas été à la hauteur. Le retard dans certaines enquêtes et son manque d'autorité envers certains protagonistes appelés à rendre des comptes, entre autres, ont fait presque regretter le départ de Moodley. Le board actuel sera-t-il encore en place lors de l'éventuelle saison 2025 ? Pas si sûr ! On parle même d'un démantèlement de la division en vue d'en créer une autre.
On se souvient tous du départ forcé de Deanthan Moodley en octobre 2023. Entre la pression de Jean-Michel Lee Shim pour se débarrasser du Sud-Africain trop rebelle et l'attitude de ce dernier vis-à-vis de sa hiérarchie, car il aurait, entre autres, «overshadow» ses collègues, les hypothèses sont nombreuses.
Promu à la barre, Riyaz Khan a tenté de jouer son va-tout pour convaincre. A-t-il réussi ? Pas vraiment ! Enquêtes où les questions étaient peu pertinentes, difficulté à s'exprimer dans la langue locale, rapports intérimaires et finaux assez vagues, Riyaz Khan semblait bien parti pour ne pas durer. On pensait alors que le poste de chairman lui serait retiré en marge de la saison 2024 au profit d'un autre professionnel. Il n'en fut rien !
Sanjeev Thakan, autre commissaire, a longtemps attiré les foudres de la communauté des turfistes. Lui, il parlait très peu durant les enquêtes. Et s'il le faisait, c'était souvent pour ne pas dire grand-chose. Subramaniyam Mahendher, officiant aussi comme handicapeur, n'a pas été épargné par les critiques. Certains jugeaient incohérentes ses méthodes de pénalités au niveau du handicapping. Il faut aussi dire que les commissaires ont été assez lents dans la tenue de certaines enquêtes. La Horse Racing Division (HRD) parlait de lettre de sommation visant à bien informer ceux qui allaient paraître devant la chambre des faits incriminés et de la date de l'enquête, alors que d'autres étaient d'avis que la défense avait le temps de se faire lorsque les enquêtes tardaient à venir !
Si les jeunes Krishna Lingen et David Labelle faisaient déjà partie de l'équipe en tant que juniors, l'arrivée de l'ancien rédacteur en chef de l'express turf, Ally Mohedeen, a suscité pas mal de réactions. L'expertise d'Ally Mohedeen dans le giron ne peut être contestée, mais certains voyaient sa présence à la HRD comme étant téléguidée. Pour revenir à Lingen et Labelle, bien que ce dernier soit plus cantonné à tout ce qui a trait au sampling, ils auraient, tous deux, été écartés de certaines enquêtes après des désaccords dans l'affaire Spotted Pearl. Une aberration de décision en passant ! Une autre aberration du genre a été les six semaines de suspension de Joorawon sur In With A Chance. Il aurait nettement mérité plus. «Pa kone ki lame inn diriz bann komisier sa zour-la...», estime-t-on dans le giron.
À l'heure actuelle, tout le monde est encore en poste. Les tractations vont bon train pour que certains proches du nouveau pouvoir obtiennent des postes de responsabilité au sein d'une nouvelle entité du même genre, mais avec une appellation différente et des pouvoirs revus. Le Premier ministre aurait signifié son intention de gérer personnellement tout ce qui a trait au gambling dans le pays.
Nul besoin de signaler que certains individus dont le passif n'est guère reluisant sont d'ores et déjà écartés. Autant les Mauriciens, incluant la Dr Marie Claire Domaingue, la chef vétérinaire de la HRD, que le chargé de communication, Jean Hughes Olivier, selon les rumeurs, pourraient bien demeurer sur le board vu leurs compétences et le fait qu'ils sont accoutumés à la réalité de l'industrie. Les étrangers, par contre, pourraient laisser leur place pour marquer une rupture avec l'ancien régime !
Petit-Gamin : Quand la maltraitance présumée vous colle à la peau
Que se passe-t-il réellement dans le JMLS Equestrian Centre, joyau de Jean-Michel Lee Shim (JMLS) dans le nord-ouest de l'île, plus précisément à Petit-Gamin ? Annoncé comme un centre équestre qui révolutionnerait le visage des courses hippiques, avec notamment une piste plus compétitive et plus sûre que le Champ-de-Mars, le centre privé de PetitGamin a, jusqu'à présent, bien du mal à se faire accepter dans le paysage hippique mauricien. Et ce ne sont certainement pas les persistantes allégations de maltraitance qui risquent de changer la donne en faveur de Jean-Michel Lee Shim.
À titre d'exemple, rappelons que la saison 2024 avait à peine débuté que les rumeurs faisaient état de travailleurs étrangers malmenés dans le centre de Petit-Gamin. Une «fabulation» que la hiérarchie du centre privé avait écartée d'un revers de la main, tendant plutôt vers un cas d'indiscipline qui aurait pris une ampleur disproportionnée dans les médias notamment. Toujours est-il que des images montrant des travailleurs étrangers logés dans des conditions précaires n'ont fait qu'apporter de l'eau au moulin des détracteurs de JMLS. Certes, la direction du JMLS Equestrian Centre a fait circuler une vidéo de ses dortoirs en guise de contre-attaque, mais le mal était déjà fait. Et les images d'un ressortissant étranger alité pendant plusieurs mois des suites d'une blessure n'ont pas aidé le centre de Petit-Gamin à se réhabiliter dans l'opinion publique.
Toutefois, ce sont bien les allégations de maltraitance envers les animaux qui ont plombé la réputation du centre. Comment oublier les images, au cours de l'année, où un coursier s'abreuvait de l'eau de pluie s'infiltrant de la toiture de son box, ou encore les écuries dépourvues ou très mal équipées en termes de literie. S'il est vrai que les fameuses images n'ont pu être authentifiées, leur impact sur la réputation déjà chancelante de Petit-Gamin a été non négligeable. Le renvoi des palefreniers mauriciens au profit de travailleurs étrangers n'a pas été sans conséquence : une réduction significative de la main-d'oeuvre qualifiée au détriment du bien-être des chevaux.
Le cas Gordonstoun risque d'ailleurs de laisser des traces pendant un bon moment. L'alezan appartenant à la famille Taher a connu une bien triste fin après s'être blessé dans son box. En l'absence d'un vétérinaire à plein temps à Petit-Gamin, l'animal a souffert pendant un bon moment avant d'être euthanasié. La fronde, menée par Arvin Boolell, le nouveau ministre de l'Agroindustrie, de la sécurité alimentaire, de l'économie bleue et de la pêche, a vu la Global Equestrian Ltd, domiciliée à Petit-Gamin, être interdite d'importation de chevaux jusqu'à nouvel ordre.
Les défenseurs de la cause animale sont également montés au créneau pour dénoncer le mauvais traitement que subiraient les coursiers à Petit-Gamin. Déjà dans une posture délicate après le changement de gouvernement, JMLS se retrouve avec une nouvelle crise à gérer. Parviendra-t-il à remporter son pari d'organiser des courses hippiques à Petit-Gamin en 2025 ?
Khulwant Ubheeram, le mal-aimé
Par où commencer ? Des propos et des discours incendiaires à chaque occasion. Interdit de séjour aux abords du Champde-Mars de mai à septembre derniers en raison de ses déclarations sur le faux départ de Christmas Icecream. Et que dire du spectacle qui s'en est suivi lors de l'enquête ? Agressé par un directeur de PTP en 2023, mis à l'amende par Moodley en 2022...
Longtemps considéré comme le «protégé» de Jean-Michel Lee Shim, parfois sommé de jouer le rôle de kamikaze de service, Khulwant Ubheeram s'est peu à peu effacé des réseaux sociaux après avoir été lâché par son ancien patron. Vilipendé et insulté en ligne, Ubheeram, surnommé François, reste cependant un sacré personnage.
Ubheeram n'a pas été choisi par Lee Shim par hasard. La force de caractère de cet ancien allié de PTP était un atout lorsqu'elle était bien employée. Cependant, les causes qu'Ubheeram défendait étaient souvent douteuses. La plus marquante reste son intervention télévisée après le faux départ de Christmas Icecream.
S'il est peu probable qu'il ait agi de son propre chef, le timing de cette intervention - où Derreck David s'est également prêté au jeu - lui a coûté cher. Suspendu au Champ-de-Mars, cet épisode a marqué un tournant décisif dans la carrière de Khulwant Ubheeram à PTP. Certains murmurent qu'il s'agirait d'un coup orchestré par JeanMichel Lee Shim, cherchant un moyen de l'écarter après des soupçons de divulgation d'informations sensibles à la presse.
Le comportement d'Ubheeram lors de l'enquête Christmas Icecream devant les commissaires de la HRD restera dans les annales comme l'un des affronts les plus marquants envers l'institution. Il a lancé son passeport britannique au visage des membres, remettant en question les valeurs des Indiens. La situation était si tendue qu'un des administrateurs a dû suspendre la séance pour ne pas perdre son sang-froid.
Khulwant Ubheeram s'est même permis d'intervenir dans la salle des commissaires après certaines courses, ce qui lui a valu une amende de Rs 7 500 en 2022, infligée par Moodley. Son manque de tact envers certains employés et collègues a failli lui coûter cher. Invité à parler du projet malgache de son ancien patron sur Top FM, il a préféré s'en prendre à la HRD, enchaînant insultes et accusations.
La collaboration entre Jean-Michel Lee Shim et Khulwant Ubheeram n'a pas duré jusqu'au bout. Les raisons exactes de leur rupture restent floues, mais les rumeurs parlent de fuites d'informations. Jean-Michel Lee Shim reprochait également à Khulwant Ubheeram ses interventions trop musclées, là où une approche plus pragmatique et calme aurait été préférable. Le Deputy CEO de PTP en a fait les frais. Fait notable : aucun employé de PTP n'a été invité au mariage de l'ancien CEO de l'organisation.
People's Turf : Une promesse non respectée
«By the people, for the people and with the people.» Avec le controversé Khulwant Kumar Ubheeram comme figure de proue, PTP ambitionnait ni plus ni moins que de remplacer le Mauritius Turf Club (MTC) dans le coeur des turfistes avec une nouvelle vision inclusive pour les courses hippiques à Maurice. Trois ans après ses premiers pas au Champ-de-Mars, PTP tirait sa révérence pour désormais concentrer ses efforts sur Petit-Gamin.
Que retenir du passage éclair de PTP sur le plus vieil hippodrome de l'hémisphère sud ? La nouvelle organisation avait, en tout cas, mis le paquet pour appâter le client avec des stakesmoney alléchants, même les chevaux non placés ayant droit à une part du gâteau. Comme il fallait s'y attendre, l'embellie n'a pas duré, prenant même un sacré coup dans l'aile en 2023 avec la décision du MTC de ne pas rempiler pour ce qui a été perçu comme une farce : la colocation du Champ-de-Mar s l'année précédente.
Face à ce rebondissement inattendu, PTP a serré la ceinture en revoyant drastiquement ses dotations de courses, au grand dam des propriétaires et des entraîneurs. Pour contrer l'exode des premiers nommés, PTP s'est appuyée sur le concept de horse leasing. Si cela a permis à plusieurs turfistes de vivre leur passion pour les courses à leur façon, les gains espérés n'ont pas été à la hauteur des attentes.
Si, au départ, PTP pouvait être excusée pour son inexpérience dans le domaine, l'accumulation de gaffes, d'approximations et d'indiscipline n'a pas joué en sa faveur. Entre les erreurs persistantes au niveau de l'organisation, les entorses au protocole et un handler qui s'en est même pris physiquement à des turfistes après une provocation verbale, PTP n'a pu s'imposer comme un rival crédible pour le MTC. Certes, l'organisateur s'est entouré de professionnels pour améliorer son produit hippique, mais leur contribution, aussi précieuse soit-elle, n'a pas suffi à transformer PTP en un organisateur respecté. À sa décharge, il faut reconnaître que PTP a é vo l u é d a n s u n e conjoncture particulière, mais le fait demeure que le deuxième organisateur de courses du pays aurait pu rendre une meilleure copie. Et ce ne sont certainement pas ses milliers de détracteurs sur les réseaux sociaux qui diront le contraire.