À Madagascar, la pêche à la langouste est suspendue depuis ce 1er janvier pour trois mois dans six régions du sud-est, après que les régions littorales du reste du pays ont connu la même restriction en fin d'année dernière. Cette mesure, renouvelée chaque année, vise à préserver cette ressource halieutique alors que la quantité de langoustes exportées par Madagascar a presque doublé en l'espace de cinq ans. Dans le sud-est de la Grande Île, cette pêche fait vivre environ 100 000 ménages. Pour rester durable, elle doit plus que jamais être réglementée, estiment les spécialistes du milieu marin.
Madagascar a exporté 424 tonnes de langoustes entre janvier et novembre 2024, selon le ministère de la Pêche et de l'économie bleue, contre 220 tonnes en 2020. La forte demande européenne, japonaise et chinoise, incite de plus en plus de pêcheurs malgaches à exploiter la langouste, d'autant que le kilo se vend jusqu'à 20 000 ariarys (4,15 euros), un prix conséquent par rapport à d'autres produits, explique Valerio Dizano.
Ce biologiste marin est à la tête de l'ONG Aquatic Service qui oeuvre pour une pêche durable à Madagascar. « Il y a beaucoup d'embarcations qui pêchent dans une même zone géographique très limitée près des côtes, explique-t-il. La période de fermeture vise à laisser cette ressource se régénérer et cette décision est bien comprise par les pêcheurs. On n'a pas choisi cette période par hasard. On a constaté que, pendant les périodes de novembre, décembre, janvier et février, il y avait un pic de ponte. Si les pêcheurs capturent par exemple 10 femelles, 7 d'entre elles portent des oeufs ».
« Cette ressource est renouvelable mais si elle est mal gérée, ça ne va pas durer très longtemps »
Aucune donnée scientifique récente ne permet d'évaluer précisément l'état de la ressource langoustière dans le sud-est de Madagascar. Mais l'augmentation de la pêche fait craindre un épuisement.
Pour réduire la pression sur les langoustes, l'ONG Aquatic Service préconise ainsi une diversification des activités des pêcheurs. « Pendant les périodes où ils ne peuvent sortir en mer, ils ont toujours d'autres activités qui compensent leur perte de revenus. Les mareyeurs ont opté pour une activité plus agricole. Les pêcheurs pratiquent aussi l'agriculture tout en diversifiant les techniques de pêche pour cibler d'autres espèces, signale Valerio Dizano. La ressource de la pêche est renouvelable. Mais si elle est mal gérée, ça ne va pas durer très longtemps ».
Le biologiste marin Jean Maharavo identifie, lui, un autre risque sur cette ressource. « Fort-Dauphin, qui est la capitale de l'exploitation langoustière à Madagascar, est aussi l'une des zones d'exploitation minière les plus importantes, avec l'ilménite [un minéral, NDLR] par exemple, ce qui risque d'apporter des problèmes de pollution. Les crustacés peuvent accumuler les métaux lourds. C'est à mon avis une menace qui plane. Il y a eu des cas qui ont créé de vrais problèmes entre les pêcheurs traditionnels et les exploitations minières parce qu'il y a eu des mortalités massives de poissons. Donc, il faut bien délimiter les zones de pêche par rapport aux zones d'activité industrielle », plaide Jean Maharavo.
Améliorer la connaissance scientifique pour ajuster les réglementations
Le chercheur regrette aussi une connaissance scientifique des langoustes encore insuffisante. « Parfois, on hésite à financer les projets de recherche parce qu'on dit que c'est un truc à long terme. Mais si on veut préserver les stocks de façon efficace, il faudrait affiner les réglementations, affirme Jean Maharavo. L'un des problèmes fondamentaux, en termes de reproduction des langoustes par exemple, c'est qu'on ne maîtrise pas encore leur cycle. On ne sait même pas où se trouve leur zone de ponte, d'où viennent les larves... »
Le chercheur défend aussi la mise en place de réglementations locales. « La région de Fort-Dauphin correspond à une océanographie subtropicale, avec une eau plutôt froide. Donc, la reproduction des espèces dans cette partie de l'île n'est pas identique à celle que l'on peut observer dans la partie tropicale, comme à Nosy Bé, car ce n'est pas le même type de mer. Madagascar est très vaste. Avoir une seule réglementation pour tout le pays est un problème », conclut-il.