Depuis 2024, le cacao, matière première essentielle à la production de chocolat, a vu son prix atteindre des sommets inédits, créant une onde de choc sur l'industrie chocolatière mondiale. En moins de 2 ans, le prix du kilo de la fève est passé de 12 000 à 44 000 ariary.
Avec une hausse spectaculaire de 300% en 2024, la fève de cacao est devenue l'or noir des marchés agricoles. En France, par exemple, qui importe plus de 400 000 tonnes de cacao par an, le chocolat, longtemps perçu comme un plaisir accessible, est en passe de devenir un produit de luxe. Selon Matéis Mouflet, analyste financier chez XTB, le prix du cacao a explosé sur les marchés internationaux.
En octobre 2024, la tonne de cacao atteignait déjà 7 000 dollars sur le marché international, un chiffre astronomique comparé aux 2 000 dollars enregistrés deux ans plus tôt. À la mi-décembre, le prix s'est envolé à 12 000 dollars. Une situation similaire est observée à Madagascar, où les fèves de qualité supérieure, vendues à 12 000 ariary en 2023, culminaient à 44 000 ariary en décembre 2024, marquant une augmentation vertigineuse de plus de 365%. Le beurre de cacao, un ingrédient crucial pour les chocolatiers, n'échappe pas à cette flambée. En Europe, son prix a bondi de 8 à 42 euros le kilo, fragilisant les artisans chocolatiers, déjà confrontés à des marges serrées.
Consommateurs protégés
Face à cette situation critique, les chocolatiers tentent de limiter les répercussions pour les consommateurs. En France comme à Madagascar, les artisans optent souvent pour une hausse modérée des prix, oscillant entre 50% et 100 % en 2024, malgré une inflation à trois chiffres sur les matières premières. Toutefois, cette stratégie a un coût : pour maintenir des tarifs acceptables, certains se tournent vers des produits de substitution ou mélangent le beurre de cacao avec d'autres matières grasses.
Un artisan malgache confie : « Il est difficile de trouver du beurre de cacao pur. Les produits disponibles sont souvent mélangés, ce qui altère l'odeur et le goût du chocolat. » Cette situation nuit à la qualité des produits et menace la réputation d'un secteur déjà fragilisé. Madagascar, pourtant producteur de cacao, voit son marché local envahi par des produits venus de Côte d'Ivoire. Les artisans peinent à s'approvisionner en matières premières de qualité, et la rareté du beurre de cacao pousse certains à revoir leurs recettes.
Décourageante
La situation économique complique encore les choses : le chocolat, considéré comme un produit de luxe, n'est pas prioritaire pour des consommateurs touchés par la paupérisation. Les périodes de fêtes, traditionnellement fastes pour les ventes de chocolat, n'ont pas apporté le répit espéré. « En décembre 2024, nos ventes ont à peine atteint les niveaux moyens des années précédentes. D'ordinaire, elles sont multipliées par trois durant cette période », témoigne un artisan de la Capitale. Pour 2025, les perspectives ne sont guère encourageantes.
Les tensions sur le marché du cacao risquent de perdurer, alimentées par une demande toujours forte et une offre limitée par des défis climatiques et économiques. À Madagascar, où l'industrie chocolatière reste embryonnaire, cette crise pourrait freiner les ambitions d'expansion des artisans locaux, alors que le cacao malgache jouit d'une réputation mondiale pour sa qualité. À l'échelle mondiale, la hausse continue des prix pourrait contraindre les consommateurs à revoir leurs habitudes, reléguant le chocolat au rang de produit occasionnel plutôt que quotidien.
Appel à l'Innovation
Pour surmonter cette crise, les professionnels de la filière devront faire preuve d'innovation et de résilience. La recherche de solutions durables, comme l'amélioration des rendements agricoles - adaptée aux perturbations climatiques - ou le développement de nouveaux procédés de transformation, sera cruciale. Mais au-delà des stratégies économiques, la flambée des prix du cacao rappelle une vérité incontournable : les ressources agricoles, aussi essentielles soient-elles, sont soumises à des fluctuations imprévisibles.
Cette crise met en lumière la nécessité d'un dialogue renforcé entre producteurs, transformateurs et consommateurs pour construire un avenir plus équilibré pour cette industrie emblématique. En attendant, le chocolat, jadis symbole de réconfort accessible, devient peu à peu un plaisir précieux, réservé à des moments d'exception. Une évolution qui, bien qu'inéluctable, laisse un goût amer aux amoureux du cacao.