Afrique: Maurice et le continent - Le temps des retrouvailles

Maurice réapprend à regarder vers l'Afrique. Longtemps, notre pays s'est tenu en retrait, fasciné par les promesses économiques de l'Inde et de la Chine. Mais voilà que, d'un geste aussi politique que symbolique, elle se tourne à nouveau vers le continent auquel nous appartenons. Le soutien affiché à la candidature du Kényan Raila Odinga pour la présidence de la Commission de l'Union africaine (UA) marque ce retour aux sources.

Ce réajustement tardif n'en est pas moins salutaire. Le continent africain, loin des clichés de fragilité et d'instabilité, s'affirme comme un espace en mutation. Ses défis, certes nombreux, sont à la mesure de ses ambitions. Maurice, elle, ne peut rester en marge. Car à ignorer l'Afrique, on court le risque d'être ignoré par elle.

L'année 2025 promet d'être un tournant. Des scrutins décisifs - présidentiels, législatifs et municipaux - ponctueront le calendrier politique, du Ghana au Cameroun, en passant par la Côte d'Ivoire. À l'ouest, la CEDEAO, divisée par les départs du Mali, du Burkina Faso et du Niger, tentera de repenser son rôle. À l'est, l'UA se dotera d'une nouvelle direction. C'est dans ce contexte que Raila Odinga émerge comme favori. Fort d'une expérience de Premier ministre et de Haut représentant pour le développement des infrastructures, il porte une vision claire : celle d'une Afrique intégrée et solidaire, prête à relever les défis de son temps. Commerce intra-africain, monnaie unique, infrastructures modernes - ses propositions résonnent avec les aspirations d'un continent avide de transformation.

En s'alignant derrière lui, Maurice ne joue pas seulement une carte diplomatique. Elle reconnaît que l'heure est venue de renouer les fils, de rétablir des ponts abandonnés et de cultiver des solidarités que le temps avait effilochées. Mais les intentions ne suffiront pas. L'heure est aux actes.

Car l'Afrique, on le sait, est un continent d'opportunités, mais aussi de contradictions. Riche en ressources naturelles, elle peine encore à les transformer en richesse durable. Jeune et dynamique, sa population souffre du chômage et des inégalités. Ambitieuse dans ses projets d'intégration, elle est souvent freinée par ses propres divisions.

Maurice devra naviguer avec finesse. Elle pourra offrir ses expériences vacillantes en économie bleue, en énergies renouvelables et en technologies financières. Mais elle devra surtout écouter. L'Afrique n'est ni un marché à exploiter ni un terrain d'aventures pour investisseurs en quête d'eldorado. C'est un espace complexe, où les relations se tissent avec pa- tience et respect.

Le grand reporter polonais Kapuscinski, dans «Ébène», prévenait déjà contre la tentation de réduire l'Afrique à une unité simpliste. Le continent est une mosaïque, un assemblage d'histoires et d'identités. Maurice ne devra pas l'oublier dans sa quête de réconciliation.

Ce retour vers l'Afrique est aussi un retour vers soi. Pendant des décennies, Maurice s'est cherché une place entre l'Asie et l'Europe, oscillant entre des héritages multiples. Mais l'heure est peut-être venue d'assumer cette complexité, de se voir enfin comme un pont, un carrefour, une porte entre les continents.

Soutenir Raila Odinga, c'est plus qu'un choix stratégique. C'est choisir une vision. Celle d'une Afrique tournée vers l'avenir, unie dans sa diversité et résolue à prendre son destin en main. Mais pour que cette vision se concrétise, Maurice devra s'engager pleinement - au-delà des discours, audelà des promesses.

Car revenir vers l'Afrique, ce n'est pas simplement corriger une erreur. C'est affirmer une appartenance. Maurice, avec son histoire tissée d'exils et de rencontres, n'est ni tout à fait africaine ni tout à fait asiatique. Elle est un peu des deux et c'est là sa force.

Ce que Raila Odinga propose, c'est une Afrique où les frontières s'estompent, où les langues coloniales cessent de diviser. Une Afrique, comme il le dit luimême, d'«Africaphones». Maurice, par sa pluralité, peut devenir un modèle de cette intégration. Mais il faudra plus qu'un vote au Sommet d'Addis-Abeba. Il faudra une présence, une constance, une volonté d'accompagner l'Afrique sur la durée.

En février 2025, la Commission de l'UA élira son prochain président. Maurice aura sa voix. Mais après le vote viendra l'épreuve des faits. Soutenir Raila Odinga, c'est aussi soutenir un projet. Celui d'une Afrique qui avance, non par à-coups, mais avec la détermination des bâtisseurs de demain. L'Afrique n'attend pas : elle avance. Il est temps de marcher à ses côtés.

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