Ile Maurice: Sylvie Margueritte - «Les besoins les plus fréquents incluent une stabilité émotionnelle et un soutien familial»

interview

Depuis plus de 20 ans, Sylvie Margueritte oeuvre au sein de l'«Adolescent Non Formal Education Network» (ANFEN), apportant son expertise aux adolescents en difficulté. En tant que travailleuse sociale et coordinatrice à temps partiel pour Caritas, elle intervient principalement dans les régions de Poste-Lafayette, Flacq, Poste-de-Flacq, Belle-Mare, Argy, et les environs. Son travail consiste à accompagner les jeunes, à établir des liens avec leurs familles et à leur offrir un soutien psychosocial essentiel. Dans cette interview, elle nous partage son expérience et revient également sur son approche psychosociale.

Pouvez-vous décrire votre rôle en tant que travailleuse sociale et vos principales responsabilités au quotidien ?

Mon rôle implique de toujours veiller au bien-être du jeune en faisant le lien entre le centre Étoile de Mer, qui est le centre-membre d'ANFEN dans lequel je suis postée, la famille et la counsellor d'ANFEN. Concrètement, je suis au centre deux fois par semaine et je rends ensuite visite aux familles afin de mieux cerner les problèmes auxquels les jeunes font face. Lorsque je retourne au centre, nous nous concertons pour trouver une solution afin de pouvoir accompagner le jeune, notamment en ce qui concerne les absences répétées. Une fois par mois, je me rends également au bureau d'ANFEN pour notre réunion psychosociale, ce qui m'aide beaucoup à recentrer mon travail sur l'axe central psychosocial.

Quels sont les défis majeurs auxquels vous êtes confrontés dans votre travail avec les jeunes suivis ?

Les absences répétées de certains jeunes, qui se traduisent souvent par le fait qu'ils font partie de ceux qui sont livrés à eux-mêmes et, de ce fait, sont exposés aux fléaux sociaux de la rue. Gagner la confiance des jeunes est en soi un gros volet de l'accompagnement que nous offrons et prend beaucoup de temps. Même dans le cas où la famille est présente, mobiliser les ressources nécessaires pour leur venir en aide peut être un défi, notamment lorsque les familles en question ne connaissent pas leurs droits ou n'ont pas accès aux informations de base pouvant leur venir en aide.

Quels types de besoins identifiez vous le plus fréquemment chez les enfants que vous accompagnez ?

Ce sont des jeunes en recherche d'affection, de soutien et de compréhension. Ils ont besoin d'un encadrement de qualité, donc qui nécessite un suivi plus pointu et régulier de la counsellor. Les besoins les plus fréquents incluent le besoin de stabilité émotionnelle et un soutien familial. Parfois, ces adolescents ont également besoin d'un suivi médical et psychologique, et mon rôle est de les accompagner chez une psychologue privée que finance ANFEN. Il y a aussi des jeunes qui sont renfermés sur eux-mêmes et pour qui il est difficile de se confier à nous.

Selon votre expérience, quels sont les principaux obstacles rencontrés par les enfants pour accéder à un environnement sain et sécurisant ?

Établir le lien peut être difficile. Comme dit plus haut, il est difficile de gagner la confiance des personnes que l'on accompagne, surtout lorsqu'il s'agit de personnes vulnérables. Il y a le fait d'avoir été déçues par les autres dans le passé. Je fais de mon mieux pour avoir accès aux lieux les plus compliqués en tissant des contacts dans le quartier. C'est là l'essence même du travail de terrain effectué. D'autre part, des parents qui démissionnent de leurs responsabilités sont souvent absents lorsque l'on fait appel à eux, et cela nourrit aussi les situations de rébellion chez les jeunes.

Comment l'approche psychosociale d'ANFEN contribue-t-elle à répondre à ces besoins spécifiques ?

L'approche psychosociale m'aide dans mon travail, surtout avec l'évolution du profil des jeunes de nos jours. Cette approche que prône ANFEN me permet de mieux comprendre le jeune et de trouver la source des problèmes, afin de proposer des solutions pour que le jeune ainsi que sa famille puissent avoir confiance en eux-mêmes et mieux s'exprimer. J'ai également appris à prendre du temps pour moi, surtout mon self-care. Il est important d'être dans les bonnes dispositions soi-même pour pouvoir instaurer la relation de confiance que j'ai évoquée plus haut. D'ailleurs l'approche psychosociale d'ANFEN m'a aidée dans ma propre vie personnelle et familiale, car je suis une grand-mère de trois petits-enfants, ce qui me permet de mieux comprendre leur évolution.

Pouvez-vous partager une expérience marquante où votre intervention a eu un impact significatif sur la vie d'un enfant ?

J'ai eu la chance d'accompagner un jeune qui est aujourd'hui devenu un grand cycliste international avec l'encadrement de tout le personnel du centre Étoile de Mer, ainsi que son équipe de cyclistes. Lorsqu'il est arrivé au centre, c'était un garçon très introverti, qui ne s'ouvrait pas facilement aux autres. En créant des espaces où l'éducation et le soutien psychosocial se rejoignent pour offrir une seconde chance à des jeunes souvent stigmatisés, nous leur permettons de reprendre confiance en eux et de s'épanouir jusqu'à réaliser leurs rêves. Aujourd'hui, ce jeune cycliste et sa famille ont une grande reconnaissance envers nous.

Selon vous, en quoi le travail social peut transformer non seulement la vie des enfants, mais aussi celle de leurs familles ?

Le travail social peut transformer les jeunes en leur offrant les chances d'un meilleur avenir et celle de grandir dans une vie adulte saine et responsable. Dans le cadre de mon intervention, je les aiguille vers les institutions existantes afin qu'ils puissent bénéficier des facilités auxquelles ils ont droit. Il s'agit aussi de leur faire découvrir les talents et potentiels de leurs enfants. Dans certains cas, je réalise que la relation parents-enfants s'en retrouve améliorée. Au final, le bien-être de l'enfant agit comme un catalyseur pour renforcer l'ensemble de la famille et, parfois, même la communauté.

25 ans cette année pour ANFEN

En 2000, à l'initiative de l'UNICEF, quatre organisations non gouvernementales (ONG) travaillant avec des adolescents en échec scolaire ont décidé d'unir leurs forces pour former un réseau. C'est ainsi que l'Adolescent Non Formal Education Network (ANFEN) a vu le jour. Aujourd'hui ANFEN est un réseau dynamique composé de 21 ONG à Maurice et à Rodrigues. ANFEN offre chaque année une éducation non formelle à environ 1 000 adolescents vulnérables, exclus du circuit scolaire traditionnel. L'approche non formelle privilégiée par ANFEN qui s'est révélée la plus adaptée aux adolescents en échec scolaire au niveau primaire, repose sur l'interactivité dans l'apprentissage. Ainsi, les élèves s'engagent activement dans le processus en réinvestissant leurs connaissances dans chaque matière. Leur expérience devient ainsi le point de départ de tout nouvel apprentissage. Vous pouvez en savoir plus sur ANFEN en visitant le site www.anfen.mu

Bio-express

Sylvie Margueritte est travailleuse sociale chez ANFEN depuis plus de vingt ans et coordinatrice à temps partiel de Caritas pour la région Est. Elle est actuellement affectée au centre Étoile de Mer, à Roches-Noires. Elle soutient les adolescents en difficulté, en travaillant activement avec les élèves des régions de Poste-Lafayette, Flacq, Poste-de-Flacq, Belle-Mare, Argy, et les environs.

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