Ile Maurice: Ces scandales qui minent la crédibilité du centre financier

Il est fâcheux que l'ancien Gouverneur de la Banque de Maurice ait été incarcéré au centre de détention de Moka pour son implication dans l'affaire de détournement des fonds publics de Rs 45 millions au préjudice de la Mauritius Investment Corporation. D'autant plus que Harvesh Seegolam officie toujours comme le président de l'Association des banques centrales africaines. Mais, dans un État de droit, la justice est égale pour tous. Cette affaire reprise, par ailleurs, en boucle dans la presse internationale, que ce soit par Reuters, Bloomberg ou The Indian Press, vient entacher la réputation du centre financier.

Ce n'est pas la première fois qu'un ex-Gouverneur est voué aux gémonies. Rundheersing Bheenick avait connu le même sort en février 2015. Arrêté pour vol, recel et blanchiment d'argent, il avait eu moins de chance que Harvesh Seegolam, ayant eu à passer la nuit dans une geôle d'Alcatraz. Ce qui, à l'époque, avait des allures d'une vendetta politique risque de coûter cher aux contribuables, car Rundheersing Bheenick poursuit l'État et le Commissaire de police, leur réclamant conjointement des dommages de Rs 50 millions pour arrestation arbitraire.

A contrario, l'inculpation de Harvesh Seegolam sous l'accusation de conspiration pour détourner les fonds publics n'a rien d'arbitraire. Elle s'insère dans le cadre de l'audit financier initié par le nouvel homme fort de la Bank of Mauritius Tower qui a révélé, entre autres, que Harvesh Seegolam serait intervenu personnellement auprès de la MIC pour que celle-ci approuve en catimini le dossier de financement de Menlo Park Ltd, la holding possédant Pulse Analytics, à hauteur de 1 million de dollars (Rs 45 millions). Ce, alors que cet investissement était classé comme étant à haut risque (niveau de risque 5). Rama Sithanen avait qualifié ce deal comme étant clairement un cas de détournement des fonds publics.

Si la Banque de Maurice a obtenu rapidement une injonction en Cour suprême pour le gel des avoirs de Menlo Park Ltd, en revanche, il y a très peu de chance pour qu'on puisse récupérer la somme de Rs 10,2 millions que les bénéficiaires ont déjà dépensée.

Or, Menlo Park Ltd ne serait que la partie émergée de l'iceberg. En dessous couvent une série d'affaires suspectes avec des ramifications politico-financières.

L'affaire du rachat des 70 % d'actions d'East Coast Hotel Investment, le propriétaire de l'hôtel Ambre, pour laquelle Verde Frontier Solutions - qu'on sait proche de l'ancien régime - a touché une commission de 8 millions d'euros à titre de Transaction Advisor, est une autre énormité. D'une part, l'on peut se questionner sur le choix de Verde Frontier Solutions qui, à l'origine, se spécialisait surtout dans les études de marché et les sondages, pour agir comme Transaction Advisor, alors que le réflexe est surtout de se tourner vers des financiers de haut calibre, notamment les Big 4 des firmes comptables, pour ce genre de structuration financière. Et, d'autre part, la commission de 8 millions d'euros sur une transaction de 48 millions (soit environ 16,6 % du deal) fait sourciller plus d'un dans le monde de la haute finance. Car, généralement, le Transaction Advisor perçoit une commission d'environ 5 % pour ses prestations.

Ce n'est pas tout. Le bureau de l'Attorney General a, de son côté, sollicité le Serious Fraud Office du Royaume-Uni dans le cadre d'une demande d'entraide juridique relativement à trois transferts de fonds de 48 millions d'euros ayant transité par le système financier et bancaire mauricien, avant d'être acheminés vers les îles Caïmans. Il ressort que la société ayant facilité l'un de ces transferts n'a eu qu'une brève existence, soit du 4 au 13 juin 2024 et que toutes les traces de cette transaction ont disparu.

Cela est impensable surtout quand on sait que depuis le triste épisode de son inclusion sur la liste noire de la Commission européenne, le pays a honoré son engagement pris auprès des instances internationales, en particulier le Groupe d'action financière, pour revoir les failles structurelles dans son mécanisme de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme. D'ailleurs, Maurice fait partie de l'un des rares pays à se conformer pleinement aux 40 recommandations du GAFI.

Ainsi, théoriquement, la Financial Services Commission et les institutions engagées dans la lutte contre les crimes financiers sont censées être extrêmement efficaces pour détecter les transactions suspectes et initier, en conséquence, des enquêtes. Cette affaire ayant une dimension internationale pourrait sérieusement entamer la crédibilité de Maurice qui, après maints déboires, est aujourd'hui perçu comme une juridiction de substance par les investisseurs internationaux.

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