Afrique: Sénégal/France - Changement de paradigme ou rupture ?

9 Janvier 2025
analyse

S'il y a une question où la sémantique a vraiment du sens, c'est bien celle-là, d'ailleurs elle n'est pas propre au cas du Sénégal, mais spécifique à tous les pays concernés par « l'affaire », c'en est une, du retrait des troupes françaises basées dans certains pays d'Afrique.

Pour mieux comprendre le cas du Sénégal, il est bon de comparer la terminologie usitée ici et là pour asseoir la thèse selon laquelle il y a rupture ou non dans cette relation séculaire. Si on prend le cas du Tchad, on parle de dénonciation des accords de coopération militaire, même si on en convient, lesdits accords étaient la base juridique de la présence des forces françaises au Tchad, par conséquent le départ des troupes françaises n'en est qu'une conséquence. En revanche, le Sénégal, du moins si l'on se fie aux propos du président de la République, comme ceux de son premier ministre, relayés par les médias, il s'agit des troupes étrangères basées au Sénégal, sans spécifier leur nationalité, quoique le sous-entendu soit clair pour ce qui concerne la France.

En revanche, la situation est moins claire pour la Côte d'Ivoire, qui elle, parle pour l'instant de rétrocession du camp militaire du 43ème Brigade d'infanterie de marine (BIMA) des forces françaises sis à Port-Bouet déjà débaptisée du nom du Général Ouattara Thomas D'Aquin.

Là où on a peut-être quelques appréhensions, c'est dans la sortie du Président français Emmanuel Macron qui semble dire en substance que c'est la France qui a décidé de son propre chef de retirer ses troupes et de redéfinir son positionnement militaire. Une rebuffade d'orgueil sans doute, car la soudaineté de la décision qui a tout l'air d'être concertée, n'a pas plu. Selon lui, comme par courtoisie la France a laissé la latitude, voire le privilège de l'annonce du retrait de ses troupes par les Chefs d'États des pays concernés y compris le Sénégal. A quelle fin alors ?

C'est comme qui dirait « bis répétita » on reconduit le même schéma défini au moment de la dévaluation du Franc CFA le 12 Janvier 1994, à Dakar, où Abdou Diouf s'était acquitté de guerre lasse, de cette « lourde tâche » d'annoncer la décision de la France de dévaluer de 50% le Franc CFA. Curieuse coïncidence trente ans après, presque jour pour jour, Emmanuel Macron reprend par maladresse ou par arrogance un discours qui du reste est peu crédible aux yeux de certains leaders de la société civile, qu'il avait convié à Montpellier et même de l'opinion, qui y voit un signe de dépit face au fossé qui est train de se creuser entre les gouvernants français et les jeunes leaders émergents en Afrique, qui veulent plutôt un changement de paradigme plutôt qu'une rupture.

Le président sénégalais l'avait d'ailleurs bien dit dans une interview à France 24. En effet, il avait bien indiqué qu'il était inimaginable de voir des troupes armées sénégalaises en uniformes dans des véhicules immatriculés au Sénégal circuler dans Paris. Par conséquent la fin de la présence des troupes françaises était devenue une certitude, quoique pour lui la primeur de l'annonce de leur départ serait réservée aux autorités Françaises.

Cela avait au moins le mérite d'être clair. Toutefois, l'option affichée pour une coopération gagnant-gagnant, faite de respect mutuel, montre qu'il n'y a pas à ce jour une volonté de rupture avec la France, mais avec certaines manières de faire qu'illustre les propos du Président Macron. Les contours de ce nouveau modèle de coopération, qui rompt avec l'ancien, sont tracés. Il   s'agira, du moins pour l'instant, de prestations de services mutuellement avantageux, selon les besoins du pays assumant sa souveraineté, dans un cadre ouvert aux autres pays partenaires et soucieux de bâtir avec tout le monde un cadre multilatéral/ bilatéral garantissant les échanges équitables et la sécurité collective.

Ainsi dit, on voit tracer les voies du renouveau de la coopération qui, quoiqu'on dise, va déteindre sur l'organisation internationale de la francophonie (OIF), quelle que soit l'issue de ce différend.

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