Tchad: Attaque près du palais présidentiel - Trop de zones d'ombres

Dix-neuf morts ! C'est le bilan d'une attaque visant le palais présidentiel, qui s'est déroulée dans la nuit du 8 janvier dernier au Tchad. Quelques heures après l'assaut, les autorités de Ndjamena affirmaient que « la situation était totalement sous contrôle ».

Et jusqu'au moment où nous tracions ces lignes, le calme était revenu dans la capitale tchadienne. Mais au-delà de l'émotion et des morts occasionnés, c'est une attaque qui ne manque pas d'interroger. Et ce, au regard du contexte dans lequel elle intervient. C'est-à-dire en pleine visite du ministre chinois des Affaires étrangères, Wang Yi, au pays des Déby, au moment où un autre contingent français signe son départ du pays suivant le chronogramme de retrait progressif dont la date butoir est fixée au 31 janvier 2025.

De là à voir dans ces événements violents qui se sont déroulés autour du Palais Toumaï, un acte de sabotage, si ce n'est une main invisible qui conduirait éventuellement à l'ex-puissance coloniale dont l'armée a été priée de faire ses paquetages dans les conditions que l'on sait, il y a un pas que d'aucuns ont vite fait de franchir. Toujours est-il que dans cette confusion, de nombreuses questions se posent. Y a-t-il un lien de causalité entre ces différents événements ?

Cette attaque osée est la preuve manifeste d'un malaise

Est-ce une malheureuse coïncidence de faits comme il en existe de milliers chaque jour à travers le monde ? Est-ce une volonté de déstabilisation du pouvoir en place ? Ou est-ce une mise en scène visant d'autres objectifs ? Peut-être l'histoire se chargera-t-elle un jour d'apporter des réponses claires à ces interrogations. En attendant, c'est une attaque qui comporte trop de zones d'ombres. D'autant plus qu'en plus de tout ignorer de l'identité des assaillants, on n'en sait pas davantage sur leurs motivations.

Alors qu'à en croire les autorités tchadiennes, il ne s'agit pas d'une attaque terroriste de Boko Haram ni d'une tentative de coup d'Etat comme certains le pensaient au début des événements, mais l'oeuvre de « pieds nickelés » seulement armés, pince-sans-rire, d'amulettes. Et même là, et à moins de pulsions suicidaires, il est difficile de comprendre qu'en ce XXIème siècle, des gens entreprennent de s'attaquer à un palais présidentiel aux allures de forteresse, en comptant seulement sur la puissance de leurs gris-gris.

Cela est totalement irrationnel. Même dans notre contexte africain. En tout état de cause et au-delà de toutes considérations, cette attaque du palais présidentiel, sonne comme une alerte sur la trajectoire de la démocratie au Tchad, en pleine restauration, et dont le processus devait trouver son parachèvement avec les législatives du 29 décembre dernier dont les résultats sont toujours attendus. Lesquelles élections législatives ont été boycottées par l'opposition et pourraient renforcer le pouvoir de Deby fils en cas de victoire attendue de son parti.

Toujours est-il que quelles que soient les motivations des assaillants, cette attaque osée est la preuve manifeste d'un malaise. Et, en plus d'être une mauvaise publicité pour le Tchad, elle fait tache, au moment où le pays est en passe de remettre toutes ses institutions en bon ordre. Cela dit, il appartient aux autorités tchadiennes de savoir faire le bon diagnostic pour trouver la bonne thérapie.

Il reste à espérer que la situation ne tournerait pas à la chasse à l'homme

Car, le pays qui vient de tourner la page d'une transition difficile, ne peut pas vivre dans un climat de perpétuelle instabilité. Il s'agit donc de se poser les bonnes questions pour trouver les bonnes réponses.

D'autant plus qu'avant de légitimer son pouvoir par les urnes, Deby fils qui avait succédé à son défunt père dans les conditions que l'on sait, s'est attelé à poser des actes allant dans le sens de l'apaisement du climat sociopolitique et de la réconciliation de ses compatriotes. Mais tout porte à croire que tous ses efforts sont encore loin d'être suffisants et que pour des raisons que l'on ignore, il y a potentiellement encore de grands mécontents dans ce pays. Surtout que les autorités elles-mêmes semblent écarter la piste terroriste.

En tout cas, au-delà de la vigoureuse riposte des services de sécurité tchadiens qui a permis de neutraliser, de sources concordantes, dix-huit des vingt-quatre assaillants, on espère que s'ils doivent se mettre à table, les aveux des survivants permettront d'en savoir davantage sur les tenants et les aboutissants de cette attaque qui semble encore loin de livrer tous ses dessous. En tous les cas, il reste à espérer que tout cela ne participe pas d'une stratégie du pouvoir visant à nettoyer les écuries...de Deby fils.

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