Dans les villages de Madagascar, disséminés dans les régions montagneuses du centre du pays, les forêts luxuriantes des plaines et les riches terres agricoles, la tombée de la nuit plonge les communautés locales dans une obscurité presque totale.
Dans les grandes villes comme Antananarivo, la capitale, les lumières restent allumées la plupart du temps. En revanche, l'accès à un approvisionnement fiable en électricité demeure problématique dans les zones rurales. Ainsi, à la tombée du jour, les rares sources de lumière disponibles sont souvent inefficaces et nocives pour la santé, telles que les lampes à kérosène, obligeant les populations à cesser la plupart des activités jusqu'à l'aube.
Solo Rajaonson, directeur de la communication au ministère de l'Énergie et des Hydrocarbures de Madagascar, souligne l'ampleur du problème : « À l'échelle nationale, seulement 35 % de la population avait accès à l'électricité à la fin de l'année 2023. Dans les zones urbaines, les grandes villes comme Antananarivo et Toamasina, l'accès à l'électricité est relativement répandu (70 % de la population), bien que des problèmes de fiabilité et de stabilité persistent. En revanche, dans les zones rurales, seuls 15 % des habitants y ont accès. »
L'impact de cette situation sur la vie des Malgaches ruraux, ainsi que sur le développement global du pays, est saisissant. Les hôpitaux et dispensaires subissent souvent des pannes d'électricité, mettant en danger la vie des patients. Le manque d'électricité pour alimenter les réfrigérateurs à vaccins et d'autres équipements empêche la fourniture de services de santé vitaux dans de nombreuses régions de Madagascar.
De nombreuses écoles rurales n'ont pas d'électricité pour l'éclairage ni pour les ordinateurs. Il est difficile, voire impossible, pour les élèves d'étudier le soir. Les femmes et les jeunes filles sont particulièrement touchées, car elles sont souvent chargées de la collecte de bois de chauffage pour la cuisine, ce qui leur laisse peu de temps pour se consacrer à l'éducation et aux possibilités professionnelles.
Face à cette situation, l'initiative Énergie durable pour tous (SEforALL), visant à étendre l'accès à une énergie abordable, fiable, durable et moderne pour tous d'ici 2030, a lancé le Fonds d'accès universel à l'énergie (FUE). Grâce à des subventions totalisant 7,36 millions de dollars, le FUE collabore avec des entrepreneurs et des gouvernements de plusieurs pays africains, dont Madagascar, pour étendre l'électrification à travers des mini-réseaux alimentés par l'énergie solaire.
Les mini-réseaux solaires sont particulièrement adaptés aux villages malgaches isolés, où le réseau national reste inaccessible en raison de routes rurales impraticables et d'un manque d'infrastructures. En produisant de l'électricité pour les foyers, les entreprises et les services locaux, ces mini-réseaux favorisent l'autonomie et l'autosuffisance des villages. Une fois en place, ils permettront l'accès à une électricité abordable et fiable pour les décennies à venir.
Les mini-réseaux présentent un avantage supplémentaire : en utilisant l'énergie solaire pour produire de l'électricité, ils contribuent à réduire les émissions de carbone. Cette démarche s'inscrit dans la transformation globale du secteur de l'énergie à Madagascar, qui vise à ce que 50 % de l'électricité provienne de sources renouvelables, l'objectif du gouvernement étant d'atteindre 85 % d'ici 2030. L'urgence de cette transition met en lumière l'impact potentiellement dévastateur des changements climatiques sur Madagascar, exacerbé par les émissions de carbone issues des combustibles fossiles. Dans un contexte de réchauffement climatique, le pays fait face à des phénomènes météorologiques extrêmes, à l'insécurité alimentaire et à la perte de sa biodiversité unique.
Partout où des mini-réseaux solaires sont installés, les communautés en récoltent les fruits. Dans la ville de Belamoty, au sud de Madagascar, l'entreprise allemande Autarsys a construit un mini-réseau avec le soutien du FUE.
Jean Célestin Rakotomalala, vétérinaire à Belamoty, décrit l'impact déjà visible des mini-réseaux : « Les habitants locaux sont vraiment reconnaissants d'avoir accès à l'électricité », confie-t-il. « Les zones rurales, autrefois plongées dans l'obscurité, sont maintenant très lumineuses. En tant que vétérinaire, je peux désormais conserver les vaccins dans un réfrigérateur. Auparavant, le réfrigérateur était alimenté par des batteries de faible capacité, ce qui entraînait des pannes fréquentes. Aujourd'hui, nous sommes en mesure de le faire fonctionner en continu. Notre clientèle s'élargit, car les vaccins sont sûrs s'ils sont correctement conservés. »
« Nous avons également essayé d'augmenter nos revenus en produisant du jus de fruits frais à vendre. Nous écoulons une dizaine de bouteilles par jour, au prix de 3 000 ariarys malgaches [environ 70 cents américains], ce qui suffit à couvrir les besoins quotidiens de ma famille. »
Autarsys a déjà déployé des mini-réseaux opérationnels dans dix autres villages, et trois autres sont en cours d'installation. Des projets sont également en cours dans cinq autres communautés, ainsi que dans des dizaines de localités supplémentaires gérées par d'autres entrepreneurs.
Cependant, des défis subsistent, notamment : les réglementations strictes sur les importations à Madagascar, qui peuvent bloquer certains équipements à la douane ; la nécessité dispenser une formation spécialisée aux fonctionnaires ; et le besoin d'attirer davantage de soutien de la part des donateurs.
Mais vu la façon dont les mini-réseaux s'étendent, Solo Rajaonson aborde l'avenir avec optimisme : « Dans cinq ans, grâce au déploiement continu des mini-réseaux solaires, l'accès à l'électricité sera considérablement amélioré dans les zones rurales de Madagascar », affirme-t-il. « Les communautés rurales bénéficieront non seulement d'une source d'énergie fiable et propre pour l'éclairage et les besoins domestiques, mais aussi de nouvelles possibilités économiques, grâce à l'électrification des entreprises, des écoles et des centres de santé locaux.
En dix ans, nous pourrions instaurer un accès quasi universel à l'électricité dans de nombreuses régions qui étaient auparavant privées d'un approvisionnement en énergie fiable. Les mini-réseaux solaires pourraient devenir un élément essentiel de l'infrastructure énergétique rurale. Ils pourraient également stimuler le développement économique en favorisant l'émergence de nouvelles industries et en améliorant la sécurité, les conditions de vie et les possibilités. »
Grâce à l'électrification solaire assurée par le FUE, l'avenir s'annonce radieux, même après le coucher du soleil.