Dans un texte poignant, l'écrivaine Calixthe Beyala interpelle les dirigeants du RDPC, le parti au pouvoir au Cameroun, en se demandant ce qu'ils ont fait du rêve de sa mère. Ce rêve, porté par une foi inébranlable en un Cameroun meilleur, semble aujourd'hui trahi par la réalité d'un pays en proie à la déliquescence et aux crises multiples.
Ma mère, raconte Calixthe Beyala, était une fervente admiratrice du président Paul Biya. Fanatique, elle arborait fièrement ses opinions politiques, même pendant les opérations Villes Mortes de 1991, initiées par le SDF pour protester contre le régime. Présidente d'une sous-section du RDPC à New-Bell, elle mobilisait ses camarades avec une énergie débordante, convaincue que son parti allait transformer positivement le Cameroun.
Issue d'une génération où les femmes avaient peu accès à l'éducation, ma mère, avec son niveau de CM1 ou CM2, s'intéressait passionnément à la gestion de la chose publique. Elle se cultivait, s'informait et développait sa rhétorique, ce que Calixthe Beyala trouvait admirable. Elle participait aux réunions avec des figures comme Mme Foning, croyant dur comme fer en l'avenir radieux que le RDPC devait offrir au Cameroun.
Ma mère nous a quittés il y a quinze ans, emportant avec elle sa fougue et sa foi inébranlable en ce parti. Elle n'y gagnait rien matériellement, mais elle y croyait sincèrement. Aujourd'hui, en observant l'état du Cameroun, Calixthe Beyala se demande ce qu'elle dirait. Que penserait-elle de la déliquescence des institutions, de la corruption endémique, des inégalités criantes et des crises qui secouent le pays ? L'écrivaine est convaincue que sa mère en serait profondément bouleversée.
Avec le recul, il est frappant de constater à quel point on peut consacrer son temps et son énergie à défendre des causes qui semblent justes à un moment donné, mais qui s'avèrent plus tard absurdes, voire néfastes. Le RDPC, autrefois porteur d'espoir pour des millions de Camerounais, semble avoir trahi les idéaux qui séduisaient des gens comme ma mère.
Calixthe Beyala s'interroge : "Maman, m'écoutes-tu ?" Elle qui croyait en un Cameroun uni, prospère et juste, serait sans doute déçue de voir ce que ses camarades de parti ont fait de cette nation qu'elle aimait tant.
Le rêve de ma mère pour le Cameroun était noble et inspirant. Il est triste de constater que cet idéal a été trahi par ceux qui étaient censés le porter. Aujourd'hui, plus que jamais, le Cameroun a besoin de retrouver cet esprit d'engagement et de service public qui animait des femmes comme ma mère.