Président de l'Association des maîtres de chant (AMC), Romain Bouesso Samba est l'initiateur du projet de transcription musicale de la rumba congolaise. Musicien professionnel, inspecteur d'éducation musicale, chargé de cours à la Faculté des lettres, arts et sciences humaines de l'Université Marien-Ngouabi, il pense que pour la conservation et la pérennisation de la rumba, il est important de la transcrire sur du papyrus afin de la numériser et la ventiler à travers le monde. Entretien.
Les Dépêches du Bassin du Congo (L.D.B.C.) : Pourquoi l'AMC ?
Romain Bouesso Samba (R.B.S.) : L'AMC n'est qu'un regroupement des sachants de la musique. Mais pas n'importe quel sachant. Ce sont des enseignants issus des écoles de formation musicale, c'est-à-dire de l'École nationale des beaux-arts. Il n'y a pas que cette école, il y a aussi l'Académie des beaux-arts aujourd'hui appelée Académie des sciences et des arts du Congo. Ces professeurs se sont retrouvés donc en association. Nous ne nous arrêtons pas là, nous avons également associé les dirigeants des chorales, ceux qui ont appris au séminaire et qui ont des connaissances en musique avec qui nous avons formé un bloc.
L.D.B.C. : Quels sont les objectifs de l'AMC ?
R.B.S : En créant cette association, nous voulons contribuer au développement socio-culturel de notre pays et donner un plus à ceux qui connaissent déjà par le renforcement des capacités des jeunes musiciens. Certes, nous sommes encore en vie mais nous voulons que notre musique soit pérennisée. Cela n'est possible que par la formation des jeunes. C'est la mission que nous nous sommes donnée pour qu'à leur tour qu'ils la pérénisent et la vulgarisent, parce qu'il y a une espèce qui tend à disparaître...
L.D.B.C. : Quelle est cette espèce alors qui tend à disparaître ?
R.B.S. : Restons dans notre thème qui est la rumba. Cette musique tend à disparaître. Seulement, nous avons toujours l'impression qu'elle est encore là. Oui, grâce à des artistes comme Roga Roga; mais les anciens sont décédés. La plupart des morceaux des anciens sont enregistrés sur des supports vinyles. Malheureusement, ce support est aujourd'hui mal entretenu, et quand vous vous mettez à reproduire le son, il n'est plus fiable.
Alors, pour garder la fiabilité de cette sonorité, il faut se servir des nouvelles technologies de l'écriture musicale. Nous, nous les avons parce que nous les avons acquises dans des écoles de formation (...). Ce sont ces connaissances que nous allons transmettre aux apprenants pour qu'ils écrivent cette musique. C'est pour que la rumba ne puisse pas disparaître et soit transcrite sur du papyrus. Là, elle ne pourra plus disparaître.
L.D.B.C. : C'est quoi la transcription en musique ?
R.B.S. : Transcrire, c'est mettre sur note une mélodie existante. On écrit une portée, on place des notes dessus. L'avantage de la transcription, c'est que les notes ne changeront jamais. Ce qui fera que le son reste conforme. Une fois écrit sur une partition, il n'y aura pas que la voix. Il y aura aussi les guitares, les cuivres, les instruments à cordes et les percussions. Après quoi, on peut la ventiler.
Au cours de ce séminaire qui prend fin le 25 janvier, nous allons faire un coffret qui va contenir une vingtaine de morceaux. Une fois transcrits sur papyrus, nous les mettrons sur l'ordinateur pour les numériser. Ce livre sera déposé au ministère de l'Industrie culturelle, touristique, de la création artistique et des Loisirs qui le conservera, car c'est un patrimoine national et non privé.
L.D.B.C. : Est-ce la seule façon de conserver et de pérenniser la rumba ?
R.B.S. : Les autres moyens sont traditionnels. Lorsque l'on veut conserver un morceau, on allait au studio pour le mettre sur support vinyle et cassette, CD ou clef USB à l'époque. Mais ces méthodes changent au jour le jour. Or, la méthode la plus fiable est le papier (...) C'est ce qui va justifier le patrimoine immatériel de l'Unesco. Avec ce que nous sommes en train de faire, nous pourrons ventiler cette musique plus loin, très loin de nos frontières.
L.D.B.C. : Pour finir...
R.B.S. :Nous avons besoin davantage de sponsors pour la réussite de ce travail scientifique qui va durer un mois et demi. Je salue le dévouement très expressif de M. Maurice Bouesso, coordonnateur stratégique et opérationnel de l'AMC. C'est grâce à son implication que nous parvenons à matérialiser ce projet. J'exprime aux panelistes notre profonde reconnaissance, en l'occurrence le professeur titulaire Édouard Ngamountsika, le Dr Charles Bouétoum et l'enseignant d'éducation musicale Charles Bayekoudila.
Je tiens à remercier Mme Marie-France Lydie Hélène Pongault, ministre de l'Industrie culturelle, touristique, artistique et des Loisirs pour avoir accepté de parrainer cet événement. Je remercie aussi M. Arthur Massamba pour son soutien, ainsi que les sociétés Comptoir d'électricité du Congo et Vival pour leur sponsoring.