Près de 2 semaines après les élections couplées, législatives et municipales, au Tchad, l'Agence nationale de gestion des élections (ANGE) a enfin rendu publics les résultats samedi dernier. Sans surprise, le parti des Deby, fils après le père, le Mouvement patriotique du salut (MPS), en est le grand vainqueur.
Une victoire sans péril quoique l'attaque d'un commando contre le palais présidentiel, le 8 janvier 2025, soit venue rappeler à tous qu'une rébellion ou un putsch n'est jamais loin de déstabiliser le Tchad. Il en a été ainsi depuis François Tombalbaye et Mahamat Deby Itno est bien placé pour le savoir.
Qu'importe ! Avec les résultats de ce scrutin législatif, c'est le point final à la transition ouverte après l'assassinat de Deby père et l'avènement de Deby fils au pouvoir en avril 2012, qui est acté. Le Tchad a désormais les attributs d'un Etat républicain avec des institutions démocratiquement mises en place à la suite d'un "dialogue national inclusif, et souverain", ayant conduit à un référendum constitutionnel, une élection présidentielle, des législatives et des municipales.
La boucle est donc bouclée pour la fin de la transition et pour un Tchad voguant désormais vers le large d'une démocratie pluraliste. Et honni soit qui mal y pense que c'est une succession dynastique qui a été légalisée au forceps, avec de nombreuses pertes en vie humaine et des prisonniers d'opinion à la pelle ! Reste, à savoir si une telle fin de la transition tchadienne satisfait les partisans de la démocratie et de la bonne gouvernance qui poussent les pays africains à la roue pour qu'ils n'inventent plus la roue en matière de gouvernance.
En tout cas, le président Mahamat Deby Itno, cornaquant l'armée et le MPS, a désormais tous les leviers du pouvoir d'Etat entre ses mains. Avec un Parlement dominé aux 2/3 des députés, un exécutif dont les ministres sont tous dévots, tout comme les prochains conseils communaux, il a les coudées franches pour implémenter les réformes dont il s'est prévalu durant la campagne présidentielle. Il est donc attendu au pied du mur pour un Tchad plus solidaire, moins clivant sur des clichés communautaires, voir tribaux qui ont fait le lit des rébellions à répétition. Il a 5 ans pour démentir qu'il a d'autres mérites pour être maréchal et président du Tchad, que d'être né Deby Itno.
C'est tout le bien qu'on souhaite à ce pays stratégiquement névralgique au coeur d'une Afrique subsaharienne dont les peuples s'éveillent sur les impératifs de souveraineté assumée, de stabilité institutionnelle, de développement socio-économique dans la paix et une nouvelle dynamique de coopération régionale et internationale.
Rendez-vous donc à la fin du premier quinquennat pour un premier bilan. Il instruira si Succès Masra, l'opposant le plus en vue actuellement au Tchad et son parti, Les Transformateurs, sont dans le dur ou le vert. C'est connu, ils ont boycotté ces éclectisons législatives et communales, arguant que les dés du jeu démocratique étaient pipés.
On peut comprendre les appréhensions du parti Les Transformateurs et des autres partis qui se sont abstenus de participer aux scrutins du 29 décembre. Mais peut-on gagner une élection sans y avoir participé ? C'est en participant qu'on détecte mieux les imperfections du processus et qu'on est plus à même de proposer des corrections. Se plaindre en se mettant hors-jeu ouvre un boulevard pour le triomphe de l'adversaire. C'est lui donner des verges pour nous flageller, surtout quand on a été Premier ministre comme Succès Masra. De fait, les partisans de Mahamat Deby ont beau jeu de l'accuser de cracher dans la soupe par dépit, après son échec à la présidentielle. Par ailleurs, ils mettent en avant la diversité de partis qui ont participé à ces législatives, avec à la clé au moins 1 élu pour au moins 30 d'entre eux. Au demeurant, le parti arrivé en 2e position derrière le MPS obtiendrait 10 députés.
Cela crédibilise un tant soit peu la nette victoire du parti présidentiel. Les apparences d'une élection démocratique sont donc sauves.