Congo-Kinshasa: Ce que l'on sait de la rencontre entre l'ex-président Joseph Kabila et l'opposant Moïse Katumbi en Éthiopie

En République démocratique du Congo, l'ancien président Joseph Kabila prépare-t-il son retour politique ? Il a en tout cas discuté en décembre 2024 avec son ancien opposant, Moïse Katumbi, à Addis-Abeba. Une rencontre qui soulève des questions alors que l'entourage de Martin Fayulu, une autre figure de l'opposition congolaise, affirme qu'il avait également été invité à cette entrevue en Éthiopie. Explications.

· Que sait-on de leur rencontre ?

Les deux hommes se sont rencontrés vraisemblablement le 18 décembre 2024, en Éthiopie. Mais l'information n'a été officialisée que le 26 décembre par un communiqué commun. Dans ce texte, qui n'a pas de signature mais qui a comme contact un proche de Moïse Katumbi - Olivier Kamitatu - il est écrit que les deux intéressés sont préoccupés par la crise sécuritaire et politique que traverse la RDC.

Ils « lancent un appel à la paix et à l'unité nationale, tout en soulignant l'importance et l'urgence du respect des droits fondamentaux - aujourd'hui bafoués - des citoyens, de la préservation de la démocratie et l'État de droit qui ont laissé place à l'oppression et à la dictature ».

Ils « appellent tous les Congolais » à « résister activement face à la volonté affichée par le pouvoir en place de rompre le pacte républicain, fruit d'un large consensus national ayant permis la réunification et la stabilité du pays, ainsi que le rétablissement des institutions démocratiques, au risque d'exacerber les divisions au sein de la population congolaise et d'achever le délitement de notre Nation ». Comprendre : Joseph Kabila et Moïse Katumbi sont farouchement opposés à une révision constitutionnelle, projet porté par le camp au pouvoir.

Enfin, ils demandent aux autres forces politiques de se joindre à ce combat.

· Peut-on s'attendre à une alliance ?

Il est beaucoup trop tôt pour l'affirmer. Ce que l'on sait en revanche, c'est que l'opposition essaie d'organiser un front contre la modification ou le changement de la Constitution. Le premier acte ça a été un communiqué commun signé par plusieurs tendances politiques : le Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD) de Joseph Kabila, l'Engagement pour la citoyenneté et le développement (Écide) de Martin Fayulu, mais aussi Ensemble de Moïse Katumbi.

Depuis, il n'y a pas eu d'action commune entre tous ces partis politiques. D'autres opposants sont sur cette ligne, « ne touche pas à ma Constitution », sans pour autant avoir rejoint ce front. C'est le cas par exemple de Delly Sesanga, qui mène régulièrement des actions, qui tente de manifester. Il n'a pas signé ce premier communiqué commun. Il est aujourd'hui plutôt en lien avec des organisations de la société civile.

Il y a aussi le cas du docteur Denis Mukwege qui s'est positionné aussi dans le camp des opposants au changement constitutionnel sans pour autant s'afficher avec d'autres personnalités politiques.

Et puis, il ne faut pas oublier que l'opposition n'a pas réussi à s'unir lors de la présidentielle de décembre 2023.

Néanmoins, une alliance n'est pas à exclure pour autant : des discussions sont en cours.

· Martin Fayulu avait été convié à l'entrevue d'Addis-Abeba, selon son entourage

Selon les informations de RFI, Martin Fayulu avait par ailleurs été approché pour participer à cette rencontre. C'est en tous les cas ce que l'on dit dans son entourage. Un Martin Fayulu qui avait rencontré Moïse Katumbi, cette fois-ci officiellement, quelques temps plus tôt à Genval, en Belgique.

Selon une source proche de l'opposant, il n'a pas répondu favorablement parce que, pour lui, c'est en RDC qu'il faut agir. Il faut mobiliser l'opposition ici, en RDC, et ce n'est pas encore le temps de jouer sur la scène internationale.

Est-ce qu'une rencontre est néanmoins possible, par l'entremise du clan Katumbi ? Ce n'est pas exclu. D'ailleurs, le camp Fayulu le reconnait ouvertement.

Est-ce qu'une alliance est néanmoins possible ? C'est encore autre chose : Martin Fayulu et Joseph Kabila n'ont jamais été proches. Contrairement à Moïse Katumbi et Kabila, ils se sont opposés sur plusieurs sujets. Est-ce qu'ils peuvent se retrouver sur celui de la Constitution ? Cela reste à voir.

· Que sait-on des coulisses de cette rencontre initialement prévue à trois ?

On sait que les trois hommes devaient se rencontrer en Afrique pour des raisons pratiques et parce que Joseph Kabila se rend rarement en Europe ; que dans le premier projet, cette rencontre « union de l'opposition » devait être parrainée, chapeautée, par un chef d'État ou un ancien chef d'État, ou un responsable panafricain. Finalement, cela a été un tête-à-tête entre Joseph Kabila et Moïse Katumbi.

Ce n'est en outre pas leur réconciliation puisque ces deux derniers s'étaient déjà officiellement rencontrés auparavant, en mai 2022. Mais c'est quand même la première sortie politique de Joseph Kabila depuis juin 2023 quand il avait convié des responsables de son parti dans la ferme de Kingagati, près de Kinshasa.

D'ailleurs, à Addis-Abeba, Joseph Kabila a aussi rencontré un autre opposant : l'ancien député Claudel Lubaya. Ce dernier dit avoir été poussé à l'exil un peu avant les élections générales de décembre 2023.

Vers une alliance de l'opposition en RDC ? «Le président Martin Fayulu l'a souhaité et la démarche a commencé», affirme Prince Epenge, de la coalition Lamuka Après le tête-à-tête en décembre dernier entre les opposants Moïse Katumbi et Martin Fayulu en Belgique et celui entre Katumbi et l'ex-président Joseph Kabila en Éthiopie, s'achemine-t-on donc vers une alliance entre Kabila et Fayulu lui qui n'a eu de cesse d'accuser l'ex-chef d'État de lui avoir « volé », en faveur de Félix Tshisekedi, sa victoire à la présidentielle de 2018 ?

Rien n'est exclu, répond la coalition de Martin Fayulu tant que ce sera pour obtenir le départ de Félix Tshisekedi et protéger l'actuelle Constitution. L'opposant Prince Epenge, président du parti l'Action pour la démocratie et le développement du Congo (ADD-Congo) et porte-parole de la coalition Lamuka, l'a dit le 12 janvier, lors d'un rassemblement dans l'ouest de Kinshasa hier.

« La question ne se pose pas, lance-t-il au micro de notre correspondant, Pascal Mulegwa. La population kinoise, à travers cette campagne « Changeons Félix Tshisekedi et non la Constitution », appelle à l'unité de l'opposition. Ça tombe bien, parce que le président élu, Martin Fayulu, a déjà prêché l'unité de l'opposition. Nous avons dit que toute l'opposition doit s'unir. Le président Martin Fayulu l'a souhaité et la démarche a commencé. Nous allons fédérer nos énergies. Nous allons mettre en commun nos forces pour mettre fin au rêve d'un troisième mandat que Félix Tshisekedi est en train de caresser. À travers sa démarche d'obtenir un troisième mandat, Félix Tshisekedi va précipiter le Congo dans la balkanisation. C'est inacceptable ! Et cette unité de l'opposition, il ne s'agit pas de citer tel ou tel autre leader : tous les leaders de l'opposition politique qui comptent, nous allons discuter avec eux. Tous ceux qui partagent l'idée que le changement de la Constitution est une menace pour l'unité du Congo et la paix, que c'est un véritable projet diabolique... Tous ceux qui pensent ainsi, nous allons discuter avec eux ».

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