Le Président du Faso, le capitaine Ibrahim Traoré a présidé, hier lundi 13 janvier 2025, au palais présidentiel de Koulouba, la traditionnelle cérémonie de montée des couleurs nationales. A l'occasion, le chef de l'Etat a invité les Burkinabè à combattre l'impérialisme sous toutes ses formes tout en répondant au Président français, Emmanuel Macron sur le départ des militaires français dans certains pays africains. Nous vous proposons son message en intégralité.
«Je vous souhaite une très bonne et heureuse année 2025, et à travers vous à tout le personnel travaillant à l'institution Présidence du Faso. Je souhaite que 2025 soit une année pleine de santé pour vous, vos familles et vos proches, pour que vous puissiez donner le maximum de vous-mêmes dans le travail pour le bonheur de notre peuple. Que 2025 soit une année où vous verrez tous vos projets couronnés de succès, de prospérité et surtout que tout au long de l'année, Dieu guide notre action, nous protège et veille sur nous.
Je souhaite aussi rappeler à chacun que la lutte contre l'impérialisme doit être intégrée dans nos gènes. Cela doit être une lutte qui se mène de façon implacable et tous les jours, parce que beaucoup de gens n'ont pas compris cette lutte jusque-là. Nos vaillantes forces combattantes sont sur le terrain. Elles mènent le combat contre les valets manipulés, ces criminels qui écument nos campagnes tous les jours, et tiennent bon pour ramener la paix dans notre cher Faso. Autant, elles le font, nos masses populaires laborieuses, que sont les agriculteurs, les éleveurs, se battent aussi pour que nous puissions atteindre l'autosuffisance alimentaire à travers l'accompagnement de tous les techniciens du ministère en charge de l'agriculture. C'est très important.
Et autant qu'eux aussi se battent, dans l'administration nous devons nous battre pour changer de mentalité.
Cette décolonisation mentale, c'est la partie la plus difficile. Et c'est pour cela que nous tenons à vous rappeler constamment qu'il faut changer de mentalité, revenir à nos sources. Et c'est cela aussi le combat contre l'impérialisme.
Toutes les occasions sont offertes pour comprendre l'impérialisme et ses manifestations. Quand je prends les récents propos d'Emmanuel Macron sur l'Afrique, tout africain conscient devrait comprendre très vite tout ce qu'il a dit et ce que cela signifie.
Le général Tiani a évoqué, il n'y a pas longtemps, le changement de tactique ou de stratégie des forces françaises en Afrique. Et je pense qu'il est venu le confirmer. Il s'agit de dissoudre et de garder un dispositif socle. Emmanuel Macron l'a si bien dit et on ne peut que le remercier pour cette sincérité. Même si certains ont voulu mettre la poudre aux yeux de leur peuple, la réalité finit par rattraper aussi. Ils ne partiront pas de certains pays. Ils ont juste dissout le dispositif. Vous ne les verrez plus dans des bases. Mais dans les ambassades, ils seront là.
Ils vont constituer des sociétés de sécurité pour sécuriser leurs sociétés qui existent dans ces pays. Les soldats seront là, mais vous ne les verrez plus en tenue ou rassemblés dans les bases. C'est tout ce que ça veut dire. Ils vont se réorganiser, mais ils seront là. Il a parlé de politesse vis-à-vis de certains chefs d'Etat en leur donnant la primauté d'annoncer la rupture ou le départ des forces françaises. Cela nous importe peu.
Mais tout ce que nous savons, c'est que si vous voulez une rupture avec ces forces impérialistes, c'est simple. Il faut dénoncer les accords de défense. Tout commence par là. Je pense que l'exemple du Tchad, en tout cas, est palpable. Ils ont commencé par dénoncer les accords. Sinon, si on ne dénonce pas les accords, juste dire que les bases quittent, on n'a rien fait. Parce que le problème se trouve dans les accords coloniaux de défense qui ont été signés depuis les Indépendances.
Les plus dangereux ne sont pas ceux-là que vous voyez dans les bases ; ce sont les conseillers militaires. Les conseillers militaires existent dans tous ces pays. Ils ont existé au Burkina aussi jusqu'en fin 2022, jusqu'à ce que nous prenions nos responsabilités. Et, qui sont ces conseillers militaires ? Ce sont ceux-là qui sont censés mettre en pratique la politique de la France ici. Ils doivent travailler à rendre nos armées très faibles pour que la France puisse toujours avoir l'argument d'exister ici. Sous le Président Blaise Compaoré, ils avaient réussi. Nos sentinelles prenaient la garde avec des bâtons.
C'est ce que la France veut de nos armées. Lorsque nous arrivons à cette étape, nous n'avons pas le choix que de vouloir qu'elles viennent s'installer. Mais l'armée burkinabè a réussi à un moment donné à se débarrasser des conseillers militaires.
Malheureusement, en 2019, après l'opération Otapuanu, où ces Français ont vu que l'armée burkinabè avait encore une capacité de réagir face au terrorisme, ils ont appelé le chef d'Etat-major général des armées en France. Ils l'ont instruit à reprendre les conseillers militaires dans toutes les structures.
Eh bien, il n'a pas accepté. Mais de retour au pays, les politiques l'ont instruit d'accepter les conseillers militaires. Et c'est là que les conseillers militaires sont revenus dans l'armée burkinabè en 2019, avec toutes les conséquences qu'on connaît. L'armée était en train de disparaître dans les années 2020-2021. D'ailleurs, c'est le moment où beaucoup de militaires ont dû déserter parce qu'il n'y avait plus d'espoir. On était en train de s'effondrer.
Voilà comment ils travaillent. A l'Etat-major général des armées, dans tous les Etats-majors d'armée, dans les écoles, ce sont eux qui sont censés nous dicter la politique de notre armée. Ce sont eux qui nous disent combien recruter, quand recruter et qu'est-ce qu'il faut en faire. Ils sont dans les écoles pour nous dire comment il faut les former et ainsi de suite. Tant que ces conseillers militaires sont là, vous n'êtes pas indépendants. Votre armée aura juste l'apparence d'une armée qui sera là en train de faire des parades, du cirque.
Mais lorsque viendra la guerre, vous vous rendrez compte que la parade, c'est une chose, mais la guerre, c'est une autre chose. Il faut rompre les accords de défense. C'est la seule façon d'avoir une armée indépendante, de se construire et être fort.
Mais beaucoup de gens ne le comprennent pas. Et même avec ces accords, la France choisit dans nos Etats des élèves-officiers pour aller les former. C'est à travers ces mêmes accords. Mais en réalité, ces officiers qui partent se former en France, pour la plupart, viennent pour servir l'Etat français dans leur pays. Ils ne viennent pas pour servir nos pays. Elle les forme pour qu'ils viennent servir les intérêts de l'Etat français.
J'en veux pour preuve. Lorsque nous nous sommes révoltés, beaucoup d'officiers au Burkina qui ont été formés en France, ont été immédiatement contactés pour leur dire que c'est le moment de se mettre en action parce qu'ils ont été formés pour cela, pour servir les intérêts de la France. La plupart de ces officiers nous ont rendu compte.
Nous avons pris acte et nous continuons de suivre. Lorsqu'un officier formé en France arrive dans son pays et par malheur, meurt soit par accident ou sur le champ de bataille, en France, il y a une nuit d'hommage aux morts dans l'armée, comme partout ailleurs ; à la nuit d'hommage aux morts, on cite le nom de l'officier en question et on dit « mort pour la France ». Elle ne le forme pas pour servir son pays, Elle le forme pour servir l'Etat français.
Et dans beaucoup d'Etats africains, ces officiers sont nombreux. Combien sont patriotes ? Dieu le sait. C'est une leçon qu'Emmanuel MACRON a donnée encore aux chefs d'Etat africains de se rattraper et de pouvoir vraiment mener cette lutte contre l'impérialisme.
Mais en plus de cela, il a aussi offensé tous les Africains dans ses propos. Il y a une partie qui a retenu mon attention, celle où il parlait d'ingratitude et que l'ingratitude est une maladie non transmissible aux humains. Selon lui, lui, il est humain, notre ingratitude n'est pas transmissible à lui. Voilà comment ce monsieur voit l'Afrique et les Africains. Nous ne sommes pas des humains à ses yeux. Peut-être que c'est lui qui n'est pas humain, il ne se met pas dans la classe des humains.
Mais s'il y a bien un ingrat, c'est bien lui. Je pense que s'il n'est pas athée et qu'il prie, chaque matin qu'il se réveille et qu'il prie, il devrait aussi prier les Africains. Parce que c'est grâce à nos ancêtres qu'il existe aujourd'hui une France. Il devrait nous prier. A ses yeux, nous ne devons pas être des humains, nous sommes plus que des humains. Ce sont des messages très forts qu'il passe.
Moi, je pleure le peuple français. Mais, il est bien pour l'Afrique. Il est un mal nécessaire pour nous. Ceux qui veulent se réveiller, se réveillent. Ceux qui ne veulent pas se réveiller, comme on le dit, on ne peut pas réveiller quelqu'un qui ne dort pas. Les Africains doivent se réveiller.
Nous devons travailler à être indépendants, à faire en sorte que nos peuples connaissent le bonheur. Et c'est cela la lutte contre l'impérialisme. Il faut décoloniser les mentalités, prendre en compte toutes ces données, parce que le monde nous donne tellement d'exemples à voir.
Pour eux, il n'y a pas de morale. Ils peuvent vous désigner aujourd'hui terroriste, mais demain, vous êtes un héros. Par leur simple parole, ils décident de ce qu'ils font. Ils parlent de démocratie, mais ils se font eux-mêmes des coups d'Etat constitutionnels entre eux. Ils parlent des droits de l'homme, mais ils déciment des populations ailleurs. L'Africain doit se réveiller, l'Afrique doit se réveiller.
Et, le combat contre l'impérialisme est permanent. Je vous invite à incorporer ce combat, à travailler de sorte que nous soyons réellement indépendants, que nous soyons autosuffisants et que nous puissions nous développer, connaître le bonheur, ce à quoi notre peuple aspire.
Merci ! Je vous souhaite une très bonne année, et qu'à la fin de cette année 2025, en faisant la rétrospective, nous puissions dire que nous avons apporté un grand plus à notre nation. Merci beaucoup à tous.
Que Dieu vous bénisse et que Dieu protège notre chère patrie !
La Patrie ou la Mort, Nous Vaincrons ! »