Le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche en tant que 47e président des États-Unis s'annonce comme un tournant majeur dans la diplomatie mondiale. Pour Maurice, il coïncide avec des négociations cruciales et «serrées» par rapport aux Chagos, un dossier profondément ancré dans les luttes de décolonisation, les enjeux de souveraineté et la géopolitique internationale. Ces pourparlers, déjà complexes, risquent d'être chamboulés par la nouvelle administration américaine, particulièrement en ce qui concerne la base militaire stratégique de Diego Garcia.
L'accord proposé par les Britanniques au régime Jugnauth a déjà suscité des tensions au sein du nouveau gouvernement. Maurice revendique trois éléments fondamentaux : la souveraineté complète sur l'ensemble de l'archipel, une révision de la durée du bail par rapport à Diego Garcia et une compensation financière ajustée pour refléter l'inflation dès la conclusion de l'accord. Cependant, des chiffres divulgués dans la presse britannique - 800 millions de livres sterling annuels et des milliards en réparations - ont été démentis par Port-Louis. Pour le Premier ministre, Navin Ramgoolam, «ce n'est pas juste une question d'argent, mais de souveraineté».
La base militaire de Diego Garcia est au coeur de l'accord. Exploitée depuis les années 1960, elle joue un rôle stratégique essentiel pour les ÉtatsUnis, notamment dans la surveillance de la région Indopacifique et lors des conflits en Afghanistan et en Irak. Maintenir ce site opérationnel est une priorité pour Washington, DC, qui considère la base comme un pilier de sa sécurité nationale et de son influence militaire.
L'arrivée de Trump à la Maison-Blanche introduit cependant une nouvelle dynamique. Connue pour son approche nationaliste et isolationniste, son administration précédente avait mis en doute l'utilité des alliances internationales, exigeant davantage de concessions de ses partenaires. Si cette posture se confirme, les pressions américaines pour sécuriser Diego Garcia pourraient compliquer davantage les négociations entre Londres et Port-Louis. La mission Glover en est consciente.
Trump a souvent prôné une politique étrangère axée sur les intérêts américains à court terme, au détriment des considérations multilatérales. Son retour pourrait signifier une réduction de l'engagement américain envers des accords internationaux complexes, préférant des solutions bilatérales favorables à ses propres intérêts. Dans ce contexte, Maurice pourrait faire face à un bloc US-UK renforcé, rendant encore plus difficile la réalisation de ses objectifs de souveraineté sur les Chagos.
En outre, Trump a exprimé des vues protectionnistes et une réticence à maintenir des engagements coûteux à l'étranger. Cette position pourrait se traduire par une demande accrue de contributions financières de la part du Royaume-Uni pour l'entretien de Diego Garcia, tout en négligeant les revendications mauriciennes. Une telle approche risquerait de compromettre l'accord en cours et d'aggraver les tensions.
Pour Maurice, l'accord ne se limite pas à des considérations économiques ou militaires. Il incarne une quête de justice historique et de réparation pour les Chagossiens, déplacés de force lors de l'installation de la base dans les années 1960. Bien que des promesses de réinstallation aient été faites, les modalités restent floues, notamment en ce qui concerne l'exclusion de Diego Garcia des zones de réinstallation.
L'arrivée de Trump pourrait aussi renforcer la résistance britannique à des concessions supplémentaires, Londres cherchant à protéger ses relations privilégiées avec Washington. Le Royaume-Uni, déjà fragilisé sur la scène internationale après le Brexit, pourrait choisir de privilégier ses alliances stratégiques au détriment des demandes mauriciennes, compliquant davantage la situation.
Le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche intervient à un moment charnière pour Maurice. Si les négociations ne parviennent pas à un accord avant son investiture, le rapport de forces pourrait basculer en faveur des puissances occidentales. Dans ce combat, Maurice devra mobiliser toutes ses ressources diplomatiques pour défendre sa souveraineté et s'assurer que l'héritage des Chagos ne soit pas sacrifié sur l'autel des intérêts géostratégiques.
La situation illustre une vérité fondamentale de la géopolitique moderne : même les nations les plus petites peuvent exercer une influence significative lorsqu'elles s'arment de résilience et de stratégies bien pensées. Mais dans un monde marqué par l'incertitude, le retour de Trump rappelle que les victoires diplomatiques ne sont jamais acquises. Maurice devra naviguer avec prudence et détermination pour transformer cette opportunité en un triomphe durable.