Après la confirmation de sa victoire à la présidentielle du 9 octobre par le Conseil constitutionnel à la fin du mois de décembre, Daniel Chapo, le candidat du Frelimo - le parti au pouvoir depuis l'indépendance au Mozambique - doit être investi dans ses nouvelles fonctions, mercredi 15 janvier. Son intronisation intervient toutefois dans un contexte de tensions inédit depuis la fin de la guerre civile en 1992, l'opposition et une partie de la société civile contestant son élection.
« C'est qui, Chapo ? Moi, je ne le connais pas Chapo. Ce n'est pas mon président », affirme Paulo. Vuvuzela en main, drapeau mozambicain sur le dos, ce chauffeur de triporteur de Maxaquene, un quartier de Maputo situé à proximité de l'aéroport, est, lui, venu accueillir l'opposant Venancio Mondlane. Candidat malheureux à la présidentielle du Mozambique le 9 octobre, ce dernier, de retour au pays après deux mois d'exil, clame toujours sa victoire et a cherché à couper l'herbe sous le pied du président élu Daniel Chapo en prêtant serment devant la foule qui a fait le déplacement pour le voir. Dans les rues et sur les voitures de Maxaquene, son nom est d'ailleurs partout. Ici, demander ce qu'il en est du président élu déclenche l'hilarité.
Un inconnu
Si Paulo affirme ne pas le connaître, le nouveau président du Mozambique ne passe toutefois pas inaperçu avec sa silhouette de près de deux mètres de haut. Dans ses meetings, le candidat du parti au pouvoir, toujours habillé de rouge - la couleur du Frelimo - domine la foule. Mais il y a quelques mois encore, peu de Mozambicains savaient qui était Daniel Chapo.
Ancien professeur de sciences politiques devenu présentateur radio, celui-ci est entré au Frelimo par la petite porte, sans mandat électoral. Après quelques nominations administratives, il parvient à la tête du district de Palma, dans le nord du pays, en 2015. À l'époque, il s'agit d'un poste à grande responsabilité, car la prospection gazière bat alors son plein dans la région. Puis, Daniel Chapo devient gouverneur de la province centrale d'Inhambane, à environ 500 kilomètres au nord de Maputo, fonction qu'il conservera jusqu'à sa désignation comme candidat du parti à la présidentielle.
Mais alors que celui-ci n'a jamais assumé de responsabilité au sein du bureau du Frelimo, pourquoi la formation hégémonique depuis l'indépendance a-t-elle choisi un candidat avec une envergure politique aussi faible ? « Pour mieux le contrôler, car le Frelimo est divisé », décrypte l'un de ses anciens membres. Il a en effet fallu deux jours de discussions et plusieurs tours de scrutin pour que les membres du Frelimo s'accordent sur le nom de celui qui allait les représenter à la présidentielle. « Comme aucune faction n'a réussi à s'imposer, c'est une marionnette qui a été élue », reprend cette même source.
Rupture
À 47 ans, celui qui devient le 5e président du Mozambique tranche avec ses prédécesseurs. Il est ainsi le premier à n'avoir pas participé à la guerre civile qui a déchiré le pays entre 1975 et 1992. Daniel Chapo est donc censé incarner le renouveau du Frelimo. Lui se présente aussi comme le candidat de l'unité du pays. « Le dialogue nous permettra de renforcer toujours plus la démocratie et notre succès en tant que peuple, déclare-t-il le soir de sa victoire. Nous ne serons une nation qui si nous savons nous écouter. »
Pour chasser sur les terres de son opposant, Venancio Mondlane, Daniel Chapo se présente volontiers aussi comme un homme du peuple, bien loin des apparatchiks du parti. « Je suis né dans la pauvreté. Je me suis déjà réveillé sans savoir ce que j'allais manger. J'ai vendu des mangues dans la rue pour acheter du papier et des crayons. Je n'oublierai jamais mes humbles racines », aime-t-il répéter par exemple. « Il lui sera cependant difficile de conquérir le coeur des Mozambicains tant qu'il sera du Frelimo, explique Josè Lourenço, chercheur en sciences politiques à l'université Eduardo Mondlane. Les gens veulent du changement. »
À la veille de son investiture, plusieurs organisations de la société civile mozambicaine qui ont pu observer les élections générales du 9 octobre ont, elles, déposé une pétition auprès de l'Union africaine afin de lui demander de ne pas reconnaître l'élection de Daniel Chapo.