À Madagascar, le nombre de cas de contamination au VIH est en hausse. Dans plusieurs parties de l'île, les experts parlent même d'épidémies. Mais difficile de connaître l'ampleur du phénomène tant les données disponibles sont parcellaires et anciennes. Pour y remédier, une grande étude nationale de séroprévalence a été lancée la semaine passée par le ministère de la Santé et ses partenaires, sur toutes les femmes enceintes se rendant en consultation prénatale dans les centres de santé publics du pays.
Dans l'un des centres de santé de base de Tuléar, au CSB Mahavatse 1, situé dans un quartier défavorisé de cette grande ville côtière du Sud-Ouest, le taux de positivité des femmes enceintes enregistrées par la médecin du centre, Dr Jocelyne, est des plus inquiétants.
« En neuf mois, entre janvier à septembre dernier, 13 femmes enceintes ont été testées positives au VIH sur 441 dépistées en consultation prénatale. On est centre de traitement, on leur donne tout de suite des traitement ARV (anti rétro viraux). On demande aussi au partenaire de venir se faire tester. Deux d'entre eux ont été testés positifs », rapporte la docteure.
« Taux de contamination très élevé »
Treize femmes contaminées sur 441, soit quasiment 3%. « Quand c'est 1% de séroprévalence au niveau de la population, on considère qu'il s'agit d'une épidémie généralisée », souligne le Dr Ahmat Outman Issa, responsable du programme Santé de l'Unicef à Madagascar.
« Ça signifie que le taux de contamination dans ce CSB est très élevé par rapport aux estimations globales pour Madagascar, où l'on parle d'un taux de prévalence de 0,4% (estimations Onusida 2024) », poursuit le médecin.
Ces différences de chiffres, remarquées à Tuléar, mais aussi à Majunga ou Tamatave au cours d'autres enquêtes ciblées ces derniers mois, montrent bien qu'il était important de mener une étude d'envergure, à l'échelle nationale.
« Ajuster les stratégies nationales » avec cette enquête
C'est désormais chose faite. L'enquête, financée massivement par l'Unicef, a été lancée le 7 janvier 2025. Il s'agit de la plus grosse enquête VIH jamais menée sur l'île depuis 2009.
« L'idéal aurait été de faire l'enquête sur la population générale. Mais on sait que c'est quelque chose de très coûteux. Et le profil épidémiologique de Madagascar, qui est un pays considéré jusque-là, à "faible prévalence", ne permet pas de mobiliser toutes les ressources [financières] nécessaires pour faire cela. Donc on pense qu'avec cette enquête, réalisée chez les femmes enceintes, on aura des chiffres qui se rapprochent de la réalité et qui vont nous permettre d'ajuster les stratégies nationales. »
En choisissant les femmes enceintes comme population cible, les concepteurs de l'enquête estiment avoir limité les biais de sélection : il s'agit de femmes, jeunes ou moins jeunes, réparties dans tout le territoire, et issues de milieux sociaux différents. Les résultats de l'enquête sont attendus pour la fin de ce premier semestre.