Dupuis son entrée en fonction en novembre 2024, le ministre de l'Éducation, Mahend Gungapersad, a placé la question des téléphones portables en classe au coeur de ses priorités, avec leur interdiction dès cette rentrée scolaire. Selon lui, ce problème présente plusieurs aspects. Dans une interview accordée à l'express dans l'édition du 12 janvier, il affirme que *«le portable est un objet de distraction en classe» et que «sa mauvaise utilisation peut avoir des effets néfastes sur les enfants». Il souligne un autre problème: «Certains professeurs sont eux-mêmes accrochés à leur portable pendant la classe, au lieu de se concentrer sur les élèves.»
Cependant, le ministre a dit vouloir confier à chaque établissement la responsabilité de gérer la situation dans un esprit de dialogue dès la rentrée, en leur permettant de définir des règles adaptées à leur contexte, sans imposer de réglementation spécifique pour le moment.
De son côté, le Curepipe College, qui célèbre fièrement son 63e anniversaire demain, a déjà pris les devants et a instauré une «zone sans téléphone mobile», dès le premier jour de la rentrée des classes lundi, témoignant son engagement envers «un environnement d'apprentissage plus sûr et surtout une meilleure concentration», indique Neetesh Sewpal, recteur et directeur de l'établissement.
L'objectif de ce système, explique-t-il, est de favoriser la communication directe, de renforcer la collaboration entre les enseignants et les élèves, et d'encourager le respect mutuel, tout en renforçant la discipline ainsi que les performances académiques et sportives.
Le recteur et directeur du Curepipe College détaille le protocole mis en place : Chaque matin, les élèves déposent leurs téléphones portables dans des paniers prévus pour chaque rangée de tables. Ces paniers sont ensuite sécurisés dans des casiers (lockers). Les casiers bénéficient d'une surveillance constante grâce à des caméras CCTV 360° installées dans chaque salle de classe depuis 2019. L'après-midi, à 14 h, les portables sont rendus aux élèves. L'ensemble du processus est supervisé par les enseignants et le personnel non enseignant désigné, garantissant ainsi une gestion disciplinée et transparente.
Tous les parents ont été dûment informés des mesures instaurées et Neetesh Sewpal salue leur soutien à cette initiative. *«Nous avions déjà mis en place certaines pratiques, mais le système actuel avec des lockers est bien plus structuré. Auparavant, des étagères étaient disposées le long des tableaux et, à chaque période, l'enseignant demandait aux élèves d'y déposer leur portable. Mais c'était plus time consuming avant chaque classe». Il fait ressortir qu'il ne s'agit pas d'interdire la technologie, mais qu'au contraire, elle est primordiale. «Nous avons déjà installé des projecteurs numériques dans toutes les classes. L'utilisation de la technologie reste présente, mais le problème des portables était un inconvénient même pour les élèves.»
Chaque matin, les élèves déposent leurs téléphones dans des paniers, que sont ensuite sécurisés dans des lockers installés en classe.
Virginie Manikion, mère d'un élève de grade 7, a appris cette mesure lors du jour d'admission le 10 janvier. «Il se passe tellement de choses par rapport aux téléphones portables. D'autre part, parfois, il y avait des vidéos, bonnes ou mauvaises, qui nous permettaient de voir ce qui se passait. Désormais, on ne verra plus rien. Mais cela revient à l'époque où nous n'avions pas de portable. Les élèves pourront aussi mieux profiter de leur temps libre pour parler et jouer. D'autant plus que les réseaux sociaux occupent une place importante dans la vie des jeunes aujourd'hui. C'est une bonne chose dans l'ensemble.» Toutefois, elle s'inquiète du fait qu'il n'y aura pas de contact avec son enfant, qui débute le collège, durant la journée. «C'est un peu stressant, car mon fils fait un long trajet, de Souillac à Curepipe. Mais au primaire, il n'avait pas de portable non plus, mais il était scolarisé dans notre quartier résidentiel. Et tant que le téléphone est bien gardé à l'école, ça va.»
Neetesh Sewpal, recteur et directeur du Curepipe College.
Quel impact sur l'apprentissage et le comportement ? Neetesh Sewpal explique que «sans la distraction des téléphones, les élèves participent davantage aux cours et interagissent plus activement avec leurs enseignants et camarades. Les enseignants ont noté dès lundi une amélioration significative de l'ambiance en classe. Même pendant la récréation, les élèves sont beaucoup plus libres. Maintenant, ils ont le temps de discuter entre eux. Ils n'ont plus à se rendre sur les réseaux sociaux ou même à consulter des contenus inappropriés. Hier, nous avons remarqué que les enfants jouaient ensemble et se parlaient davantage. Avant, ils ne prenaient même pas le temps de regarder leur pain en mangeant. L'interaction est très importante.»
Les enseignants ne sont pas en reste et accueillent favorablement cette mesure. Afsanah Baurhoo, trouve personnellement, que c'est une très bonne initiative. *«À l'école, nous avions déjà adopté ces pratiques. Mais avec cette nouvelle annonce du ministre de l'Éducation, je trouve cela extrêmement pertinent. L'année dernière, dans plusieurs collèges, il y a eu pas mal de problèmes à cause des téléphones portables.
Parmesh Bhajun et Lokesh Perbhoo.
Les élèves étaient sur TikTok, par exemple, et n'étaient pas concentrés en classe. Cette nouvelle mesure va aider les enfants de toutes les écoles à mieux travailler. Nous savons qu'un jeune qui passe du temps sur son portable est facilement distrait. En classe, ils retirent discrètement leur portable, reçoivent des notifications, envoient des messages, et se laissent déconcentrer. Certains pensent que le portable est important. Je ne dis pas que ce n'est pas un outil utile, mais à l'école, nous avons des outils nécessaires tels que des projecteurs dans toutes les classes et deux salles audiovisuelles. Le portable a sa place à la maison, pas à l'école.
Nous demandons aux élèves de faire des travaux de recherche. Et en classe, nous avons des moments de partage et de discussion.»* Les élèves estiment également que c'est une bonne mesure. Lokesh Perbhoo, Vice-Head Boy, est d'avis que cette mesure permettra aux «élèves de vaincre leur timidité, d'interagir avec les autres élèves et de ne pas utiliser leurs téléphones mobiles pendant la récréation.»**«Cela les aidera aussi à mieux se concentrer en classe. Ils ne seront pas distraits, par exemple, par les notifications. Cela peut leur permettre de mieux comprendre les leçons et d'améliorer leurs résultats.»
Pour Parmesh Bhajun, Prefect, «cela témoigne de notre respect envers l'enseignant lorsqu'il explique en classe et que nous l'écoutons sans être distraits par nos téléphones. C'est essentiel non seulement pour favoriser les échanges, mais aussi pour participer à des activités. Cela constitue un atout pour notre condition physique et renforce notre résilience mentale.»*
Pour le contact entre les parents et les élèves, cela peut toujours se faire par le téléphone de l'école. Les enseignants feront le nécessaire en cas de besoin.
Par ailleurs, le ministre a annoncé qu'un comité interministériel, qui comprendra la Santé, l'Égalité des Genres, les TIC et l'Éducation, sous la présidence du Deputy Prime minister sera mis sur pied pour examiner la question de l'utilisation du portable à l'école durant les heures de classes.
Il faut savoir que bien que les réglementations varient d'un pays à l'autre, de nombreux pays, comme la France, l'Italie ou les États-Unis, ont déjà mis en place l'interdiction de téléphones portables à l'école. Bien que certaines recherches remettent en question l'efficacité de l'interdiction des smartphones en classe, un rapport de l'Organisation for Economic Co-operation and Development (OECD) de 2024 montre que cette mesure a des effets notables. Dans certains cas, des interdictions totales ont été annulées, jugées trop difficiles à mettre en place, laissant ainsi les enseignants décider selon les besoins de leurs classes.