L'ancien ministre des Finances et nouveau gouverneur de la Banque de Maurice estime que les atouts de la Fintech, la blockchain et l'intelligence artificielle peuvent aider Maurice à se hisser au niveau des pays qui se sont inspirés des technologies innovantes pour se doter d'un nouveau pilier économique.
Maurice ne laissera pas passer sous ses yeux les immenses opportunités que ces nouveaux outils techniques que sont la Fintech, la blockchain et l'intelligence artificielle (IA) peuvent apporter. Bref, de faire son entrée par la grande porte dans la tendance actuelle qui consiste à repérer les technologies innovantes susceptibles de constituer un nouveau pilier de croissance économique et, en même temps, capables de fournir des éléments pour rendre possible l'inclusion des valeurs propres à un modèle de développement durable.
L'homme, qui est déterminé à transformer ce rêve en réalité, n'est autre que le nouveau gouverneur de la Banque de Maurice, Rama Sithanen. Quel est son objectif ? Il voudrait s'appuyer sur le potentiel de la fintech, de la blockchain et de l'IA pour y parvenir. La première a littéralement transformé le mode opératoire des entrepreneurs du secteur de la finance. La seconde, en raison de la percée qu'elle a rendu possible en matière de stockage et de transmission de données et d'informations sur le plan financier a favorisé l'émergence du phénomène de la cryptomonnaie, notamment le Bitcoin et l'Ether.
Quant à l'IA, elle est l'illustration même de ce que la technologie poussée à ses limites peut faire, à savoir, déployer sa capacité à se substituer à l'intelligence de l'homme. Rama Sithanen veut que l'intérêt de Maurice à développer un nouveau pilier économique à partir des technologies innovantes dépasse les frontières du pays. Il croit qu'il est possible que sur ce plan, Maurice peut s'octroyer un droit de leadership dans la région. «Nous voulons adopter une approche holistique de manière à développer Maurice en un centre régional dans le domaine de la blockchain et de la fintech», déclarait-il, le 30 décembre dernier au Bank of Mauritius Innovation Hub baptisé Innov8.
Créé le 4 septembre 2024, Innov8 est l'expression même de l'organisme régulateur du secteur bancaire de jouer un rôle déterminant en montrant la nécessité de ne pas négliger l'apport des technologies innovantes au développement économique du pays. Le contexte était la remise de prix de la première édition du Hacktiv8 Hackathon Challenge, que 39 participants devaient relever et qui consistait à concevoir une application capable de violer les barrières d'un système de cybersécurité bancaire. Un jeu que trois jeunes du continent africain qui étudient à la Middlesex University ont gagné avec brio. Sharon Salami et Akinbinu Moraanu du Nigéria ainsi qu'Awel Chuang du Soudan du Sud, sont partis avec un chèque de Rs 250 000.
Pour le directeur général (DG) de l'université de Technologie de Maurice (UTM), Dinesh Kumar Hurreeman, il était plus que temps pour le pays de considérer les technologies innovantes comme un moteur de développement économique. «Jusqu'à présent, l'utilisation de la technologie dans les secteurs économiques locaux a été limitée, agissant davantage comme un catalyseur de croissance qu'un moteur principal. L'accent a été mis sur l'amélioration de la productivité et de l'efficacité dans des secteurs comme la fabrication, la banque, la finance, les soins de santé et l'éducation. Par conséquent, Maurice n'a pas encore réussi à positionner les technologies de l'information et de la communication ainsi que les services informatiques comme un pilier économique majeur au même titre que le tourisme, l'industrie manufacturière ou les services financiers», explique-t-il.
Limiter la fuite des cerveaux
Parmi les avantages qu'un pilier économique fondé sur les technologies innovantes peut faire émerger, il cite entre autres, la capacité de séduire la jeune génération et de limiter la fuite des cerveaux ; la possibilité de réaliser des projets d'investissement stratégiques dans les services informatiques et la formation d'une main-d'oeuvre hautement qualifiée comme en Inde ;la mise en place d'un écosystème complet pour encourager l'innovation, favoriser la collaboration et accentuer la commercialisation ; et le développement par des individus et des entreprises, de solutions numériques innovantes qu'ils pourront mettre au service du progrès social et économique.
Le DG de l'UTM ajoute que l'intervention de plateformes telles que le Bank of Mauritius Innovation Hub et d'incubateurs universitaires pourraient faciliter la collaboration entre experts de l'industrie, universitaires, étudiants et passionnés de technologie. Des initiatives qui peuvent entraîner des solutions novatrices dans des domaines comme la Fintech et la Blockchain ; permettre aux secteurs public et privé de s'offrir un regain de dynamisme et de synergie pour exploiter toutes les opportunités susceptibles de transformer Maurice en une économie résiliente et tournée vers l'avenir, en se reposant sur des technologies innovantes qui feraient prospérer le pays dans un contexte global ; et créer des opportunités pour des institutions d'enseignement supérieur tels que l'UTM d'apporter leur contribution au développement des compétences humaines et de la recherche.
Tout en se disant convaincu du potentiel d'un modèle inspiré de la Fintech à permettre au pays de connaître un véritable rebond économique avec la création de nouveaux emplois de même que d'innombrables opportunités pour le monde des affaires, Aslam Kathrada, Managing Director de NAK Enterprises, qui porte un intérêt particulier à tout élément susceptible de créer une nouvelle dynamique dans le développement économique, met en garde contre la résurgence d'un phénomène qui fait tant de mal actuellement à l'économie nationale. «Au cas où le pays ne dispose pas de suffisamment de compétences en Fintech et en IA, la création d'entreprises dont les activités s'articulent autour de ces deux types de technologies, nécessitera des compétences de très haut niveau.»
Pour Aslam Kathdrada, la mise en place de ce nouveau pilier de développement devrait être une indication que les décideurs souhaitent que Maurice devienne une nation intelligente et développe un intérêt pour toute initiative pouvant permettre au pays de s'impliquer davantage dans la recherche de possibilités de développement inspirées des technologies innovantes. «Le concept d'une nation intelligente devrait contribuer à l'amélioration du niveau d'efficacité des systèmes existants dans les secteurs de la santé, de l'éducation, du transport et du secteur financier», soutient-il.
La Chambre de commerce et d'industrie de Maurice (MCCI) est sur la même longueur d'onde que Rama Sithanen.«Maurice», explique son secrétaire général, le Dr Drishtysingh Ramdenee, «dispose déjà d'un positionnement reconnu dans les services, particulièrement dans le secteur des TIC et l'exportation de services. Un facteur qui constitue un fondement solide pour le développement de ce nouveau pilier. Notre écosystème est particulièrement propice pour attirer et stimuler l'émergence d'entreprises et de start-ups spécialisées dans ces domaines technologiques de pointe. Cette orientation permettrait à Maurice de se positionner comme un hub régional majeur, capable de fournir des solutions concrètes en matière de Fintech et de Regtech, répondant ainsi aux besoins croissants dans la région.»
Pour lui, les technologies ciblées par le gouverneur de la banque centrale ont deux avantages : elles sont non seulement capables de créer de nouveaux secteurs d'activités, générant ainsi de nouvelles sources de croissance économique mais aussi de renforcer le niveau de compétitivité des piliers économiques existants. «Les secteurs du manufacturing et du retail, en particulier», ajoute le secrétaire général de la MCCI, «peuvent bénéficier significativement de l'automatisation et de l'innovation pour améliorer leur productivité, la qualité de leurs produits et services, et diversifier leur offre. La MCCI s'engage déjà concrètement dans cette direction à travers ses différentes initiatives. En témoigne le lancement récent de deux outils innovants par GS1 Mauritius Ltd, en partenariat avec Mauritius Network Services Ltd (MNS) : Docucheck et Track2Asset. Ces solutions, basées sur la technologie blockchain, améliorent la traçabilité et l'authenticité des documents et des actifs, démontrant ainsi le potentiel pratique de ces technologies avancées dans notre contexte local.»