Sénégal: Trois questions à Cheikh Mbow, directeur exécutif de la COSYDEP sur les grossesses en milieu scolaire - « Renforcer la protection des filles par des dispositifs spécifiques »

16 Janvier 2025
interview

Dans son rapport publié il y a quelques jours, le Groupe pour l'étude et l'enseignement de la population (Geep) indique avoir recensé 1202 cas de grossesse en milieu scolaire en 2024 au Sénégal. Selon vous, comment expliquer cette situation ?

C'est une information qui inquiète tous ceux qui se soucient du droit à l'éducation et à la réussite des enfants, notamment les filles. Des études antérieures avaient montré que les grossesses constituent une barrière à la scolarisation et à la réussite des filles. Beaucoup de facteurs peuvent expliquer les grossesses en milieu scolaire : la pauvreté qui fait que les filles sont laissées à elles par rapport à leurs besoins spécifiques ; la crise des valeurs combinée au délitement du contrôle parental qui entraîne des comportements peu responsables dans la société ; la pratique du mariage précoce dans certaines communautés ; l'absence d'une éducation aux médias pour faire face à l'influence négative de certains de leurs programmes ainsi que des réseaux sociaux ; le déficit de prise en charge conséquente de la problématique par les curricula et l'environnement des apprentissages ; l'absence d'initiatives efficaces en matière d'éducation liée au sexe ; l'absence d'un dispositif efficace de protection des filles.

Quelles peuvent être les conséquences de ces grossesses sur la scolarisation des filles ?

Les conséquences sont multiples. En fait, elles peuvent aller du ralentissement de la scolarisation à sa compromission définitive. Les grossesses aussi sont sources de redoublement et d'abandon. Les changements d'états chez la fille peuvent avoir des répercussions négatives sur ses performances scolaires. Il faut aussi y ajouter les conséquences sur les plans social, psychologique et moral car, pouvant entraîner la stigmatisation de la fille et son rejet par la communauté. Il est évident que cela ne milite pas pour la réussite scolaire des filles même si l'Etat du Sénégal a pris des dispositions qui permettent à la fille victime de grossesse de reprendre les études après accouchement.

Comment faire reculer les grossesses en milieu scolaire à défaut de l'éradiquer et de garantir le droit à l'éducation ?

Cela nécessite de renforcer la protection des filles par des dispositifs spécifiques. Il faudra planifier l'élargissement de la carte scolaire, à tous les niveaux, pour éviter l'éloignement de l'établissement par rapport au cercle familial. En plus, il faut aussi renforcer la sensibilisation et l'information des parents, des filles et des enseignants. Il serait aussi nécessaire de mettre en place, autour des établissements scolaires, un dispositif d'alerte et de gestion des cas, adossé à une application stricte des textes de protection.

Il est aussi important de renforcer l'éducation aux valeurs tout en rendant plus stricts le contrôle et la surveillance, pour limiter l'utilisation des réseaux sociaux et l'influence des médias classiques. Il faut également soutenir les filles en luttant contre leur vulnérabilité et en proposant des réponses spécifiques à leurs besoins spécifiques : toilettes séparées, appui pendant la période des menstrues, soutien économique, assistance psychosociale. Ces actions doivent être complétées par un renforcement de capacités des filles en leadership et développement personnel. En tout état de cause, la COSYDEP a engagé ses antennes à exploiter ce rapport pour intensifier le plaidoyer sur la question.

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