Nairobi — Les abus commis en temps de guerre ont été fréquents en 2024, tandis que l'obligation de rendre des comptes a été limitée
En 2024, les gouvernements d'Afrique centrale ont impunément restreint les droits civils et politiques, en particulier lors d'élections, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui dans son Rapport mondial 2025. En ce qui concerne les conflits armés dans la région, les forces de sécurité gouvernementales et des groupes armés non étatiques ont commis de graves violations du droit international humanitaire, sans craindre d'avoir à rendre des comptes pour leurs actes.
Dans la 35e édition de son Rapport mondial, qui comprend 546 pages, Human Rights Watch analyse les pratiques relatives aux droits humains dans près de cent pays. Dans une grande partie du monde, écrit la directrice exécutive Tirana Hassan dans son essai introductif, les gouvernements ont réprimé, arrêté et emprisonné à tort des opposants politiques, des activistes et des journalistes. Des groupes armés et des forces étatiques ont illégalement tué des civils, forcé beaucoup d'entre eux à quitter leur foyer et les ont empêchés d'accéder à l'aide humanitaire. Dans de nombreux cas parmi plus de 70 élections nationales tenues en 2024, des dirigeants autoritaires ont gagné du terrain sur la base de rhétoriques et de programmes politiques discriminatoires.
« Des gouvernements en Afrique centrale ont réprimé les droits humains et les libertés fondamentales, notamment dans le cadre d'élections et de référendums, laissant parfois penser qu'ils tentent de monopoliser le pouvoir », a déclaré Lewis Mudge, directeur pour l'Afrique centrale à Human Rights Watch. « Néanmoins, nous continuons d'espérer que les victimes d'abus obtiendront justice dans des pays comme la République démocratique du Congo ou la République centrafricaine, où de nouveaux efforts sont déployés pour poursuivre les personnes impliquées dans de graves violations des droits humains. »
- Les autorités ont réduit au silence les voix dissidentes en engageant des poursuites politiques contre elles au Rwanda et en République centrafricaine, tandis que l'opposition politique et des groupes de la société civile ont été victimes de graves abus au Burundi, au Tchad et en République démocratique du Congo. La liberté des médias a été restreinte au Burundi et en RD Congo.
- Les élections générales au Tchad et au Rwanda se sont déroulées dans des conditions largement considérées comme n'étant ni libres ni équitables, les autorités ayant restreint la liberté d'expression des opposants politiques, des médias et des électeurs. Au Burundi, les autorités ont restreint l'espace politique de l'opposition avant les élections de 2025.
- Les civils ont été durement affectés par les conflits en République centrafricaine et en RD Congo, où les actions des belligérants ont par ailleurs entravé l'acheminement de l'aide humanitaire. L'armée congolaise et des milices alliées, ainsi que l'armée rwandaise et le groupe armé M23, ont commis des violations du droit de la guerre dans la province du Nord-Kivu, dans l'est de la RD Congo. Les hostilités ont forcé environ 2,5 millions de personnes à fuir leurs maisons. Plus de 700 000 personnes se sont réfugiées au Tchad pour échapper au conflit armé au Soudan.
- Si des progrès ont été réalisés dans le domaine de la justice en Afrique centrale, les résultats en matière de reddition des comptes sont toutefois mitigés en 2024. Au Rwanda, des fonctionnaires pénitentiaires et des prisonniers ont été reconnus coupables de meurtre et de coups et blessures volontaires à l'encontre de prisonniers à la prison de Rubavu à l'issue d'un procès historique, nourrissant l'espoir que d'autres victimes de torture obtiennent justice. La Cour pénale spéciale de la République centrafricaine a poursuivi ses enquêtes sur des crimes internationaux commis dans le pays depuis 2013. Peu ou pas de compte ont été rendus pour les abus commis par les belligérants dans la province du Nord-Kivu, en RD Congo, ou par les forces de sécurité du Tchad, qui ont pourtant tué au moins 11 personnes lors d'une fusillade post-électorale en mai.
Les gouvernements d'Afrique centrale devraient respecter leurs obligations en vertu du droit international et prendre des mesures plus fortes pour faire respecter l'état de droit et les libertés fondamentales, y compris pendant les élections, a déclaré Human Rights Watch. Les autorités devraient également renforcer la protection des civils lors des conflits armés, notamment en facilitant l'acheminement de l'aide humanitaire, tout en obligeant les responsables d'exactions à rendre des comptes, quel que soit leur rang ou leur position.