Être invité le même jour et à la même heure à deux banquets différents organisés pour le Nouvel an chinois. Voilà qui aurait initié le «changement». La vague qui déferle depuis le 11 novembre a désormais atteint les rives des sociétés chinoises.
Il n'est plus question que la Fédération des sociétés chinoises organise un banquet le dimanche 19 janvier à la Chinese Culture House à Baie-du-Tombeau. Pendant que le même jour, à la même heure, l'United Chinese Associations (UCA) reçoit ses invités pour le début de l'année du serpent, au Hua Lien Hall, à Trianon. Face aux deux invitations, les autorités ont invité les deux regroupements de sociétés chinoises à accorder leurs violons. Pour se mettre à table lors d'un banquet unique, au Swami Vivekananda International Convention Centre (SVICC) à Pailles, dimanche.
Pour mieux comprendre, il faut remonter le fil de l'histoire. Notre guide : Yves Chan Kam Lon, secrétaire de la Fédération des sociétés chinoises et président du comité organisateur du banquet, côté fédération. La Fédération des sociétés chinoises existe depuis 1991. À ses débuts, il y a 34 ans, elle a le monopole des activités, dont «trois éditions de la World Chinese Conference, notamment en 1992 et 2012». «À l'époque, pour la Fête du printemps, il y avait un défilé dans la rue Royale. Madame Ding Dong chantait ; il y avait des animations pour garder les traditions vivantes.» C'était la fédération qui organisait le banquet et recevait les dignitaires de l'État.
Cela dure jusqu'en 2014, ce qui correspond au changement de gouvernement. Et l'avènement du régime du Mouvement socialiste militant. Le mot aurait été passé à la fédération que ni le Premier ministre ni les ministres d'alors n'assisteraient au banquet de la Fête du printemps. Un message qui a été entendu par la fédération qui n'a plus organisé de dîner annuel. Ce qui a créé un «vide».
«Réunir la communauté»
Un autre groupe a alors pris les devants pour marquer les grandes occasions et «réunir la communauté». Après avoir opéré de manière informelle, le groupe devient l'United Chinese Associations. L'UCA est enregistrée en décembre 2017 puis présentée officiellement en février 2018. Sa mission : promouvoir l'unité entre les diverses associations. Et pour le service des morts, deux fois l'an, assurer la sécurité dans les cimetières où sont enterrés les ancêtres d'origine chinoise, comme à Bois-Marchand. Un cimetière qui a été plusieurs fois victime d'actes de vandalisme. «Il faut environ Rs 30 000 pour l'entretien, le désherbage. Si chaque famille qui a des proches enterrés à Bois-Marchand contribuait Rs 1 000 par an, cela nous aurait grandement aidé», plaide Lindsay Thingee, président de l'UCA depuis juillet 2024.
L'UCA s'impose comme la force dominante en regroupant 33 sociétés chinoises - dûment reconnues par le Registrar of Associations - notamment les vénérables Heen Foh Lee Kwon et Nam Shun Fooy Koon. Ainsi que la Chinese Business Chamber, l'Hua Lien Club, le Golden Lion Circle, l'Attila Cultural Group et la Wing Chung School entre autres. «L'ancien régime a mis la fédération à l'écart. Elle est entrée en hibernation», constate Yves Chan Kam Lon. «La fédération n'avait plus le droit d'organiser ni le banquet ni le défilé du Nouvel an. La Chinese Culture House n'organisait plus d'activités non plus.» L'UCA, qui prend en main les activités, est à l'avant-plan pendant environ dix ans jusqu'en 2024.
Nouveau changement de gouvernement, le 11 novembre 2024. La fédération propose d'organiser la Fête du printemps 2025. «Cela n'est pas retenu. Les autorités ont souhaité que la fédération travaille avec l'UCA, même si certains pensaient que la fédération n'avait pas les moyens d'organiser un banquet», confie Yves Chan Kam Lon. À la fédération, on se rend à l'évidence : «On ne peut pas mettre tous les membres de l'UCA dans l'opposition ; il faut les récupérer. C'est comme si que nous répétions ce que l'ancien régime avait fait», explique Yves Chan Kam Lon.
Après des «pressions», une grande réunion des deux regroupements est décidée. Pour le banquet, la fédération a une liste de «750 invités», répartis en 75 tables de dix personnes. «C'est déjà complet.» De son côté, l'UCA a aussi 75 tables, mais au lieu de dix personnes, elle va accommoder 12 personnes par table, parce qu'elle a plus de membres. Là aussi on affiche complet. Chacun des deux groupes aura son propre service-traiteur.
Cette collaboration de la Fédération des sociétés chinoises et de l'United Chinese Associations va-t-elle durer après le banquet du Nouvel an ? Yves Chan Kam Lon l'espère. «J'ai proposé que l'on mette en place une confédération, comme pour les syndicalistes. L'essentiel, c'est de laisser les deux groupes respirer.» Lindsay Thingee, président de l'UCA estime : «L'avenir nous le dira. Notre philosophie est de réunir au maximum la communauté d'autant plus qu'elle est petite. Mais cela ne dépend pas uniquement de nous.»
Fédération des sociétés chinoises: Mario Hung démissionnaire
Après avoir montré des affinités avec l'ancien régime, au sein de la Fédération des sociétés chinoises, il a été demandé à son président, Mario Hung Wai Wing, de step down. Ce qu'il a fait. La vice-présidente, Joyce Chan Yin, est devenue acting president de la fédération. Les prochaines élections de l'exécutif de la fédération sont prévues en mars 2025.
La part de l'état
Quelle est la contribution de l'État à la Fête du printemps, qui est l'une des fêtes nationales ? «Il prend en charge la location du SVICC pour le banquet», indique Yves Chan Kam Lon. Le vendredi 10 janvier, le Conseil des ministres a pris note des activités organisées par le ministère des Arts et de la culture en collaboration avec l'ambassade de Chine et le Centre culturel chinois. Les activités démarrent le 18 janvier avec le «National Gala Show» au J&J Auditorium. Au programme, des prestations du Hangzhou Opera and Dance Drama Theatre. Le lendemain, place au banquet, au SVICC. Le 25 janvier sera jour de défilé des chars, organisé par l'UCA en collaboration avec l'ambassade de Chine, le Centre culturel chinois. Départ à 16 heures sous la première porte de Chinatown, direction la place d'Armes puis le Caudan.