Il y a deux ans, au Cameroun, les proches du présentateur Martinez Zogo le voyaient pour la dernière fois vivant. Sa mort a secoué le Cameroun. L'enquête a été émaillée de rebondissements dans une atmosphère de défiance et d'immixtion d'acteurs politiques. Et à présent, le procès de 17 accusés devant le tribunal militaire de Yaoundé semble enlisé dans des questions de procédure.
Le 17 janvier 2023, le présentateur vedette d'une quotidienne de radio très écoutée à Yaoundé quitte le travail en fin de journée pour rentrer chez lui, mais il est enlevé devant un poste de gendarmerie de la capitale. Son corps nu et supplicié est retrouvé le 22 janvier, sur un terrain à l'extérieur de la ville. Dans son émission sur Amplitude FM, Martinez Zogo dénonçait la petite et la grande corruption, invectivait les puissants, sans jamais s'en prendre au président Paul Biya.
Deux ans après, son corps est toujours à la morgue, 17 accusés sont devant la justice militaire, mais le procès en est encore à des questions de procédure. Flore Zogo, soeur aînée du défunt, parle d'une attente douloureuse et d'un sentiment d'impuissance : « On ne peut rien faire en fait. Si la procédure judiciaire traîne, je pense que c'est quelque chose de prémédité. C'est vraiment politique et je ne sais même pas si ça vaut la peine de le faire. Mais bon, si je peux demander quelque chose, c'est que la justice fasse son travail et rapidement. Nous n'en pouvons plus. Nous voulons connaître la vérité et comme ça se doit et que dans quelques mois, qu'on sache qu'ils sont les commanditaires, les meurtriers, et puis qu'on fasse notre deuil, qu'on fasse nos obsèques dans la dignité et l'honneur que mérite notre frère. »
« Déjà deux ans que nous tournons en rond », soupire pour sa part l'avocat de Justin Danwe, ex-directeur des opérations de la DGRE, qui reconnaît l'implication de son service dans l'enlèvement, mais pas dans l'assassinat de Martinez Zogo. « Deux ans de prison sans être jugé, on est au-delà du délai raisonnable », ajoute Maître Jacques Mbuny.
Quinze audiences et toujours pas de débat sur les faits. Avocat d'un autre accusé, l'homme d'affaires Jean-Pierre Amougou Belinga, soupçonné d'avoir commandité le meurtre, Maître Charles Tchoungang déplore « la multiplication des obstacles pour éviter d'aller au fond ».
De l'enquête au procès, la justice militaire a cumulé les vices de procédure, selon les avocats des prévenus, mais aussi de la famille. Résultat : un calendrier suspendu aux décisions attendues de la cour d'appel.
Pour Maître Seri Simplice Zokou, son client, l'ancien directeur général du renseignement, Leopold Maxime Eko Eko « est victime d'une procédure visant à l'accuser faussement et à lui faire quitter ses fonctions et n'a rien à voir avec la recherche de la vérité. »
Selon Maitre Calvin Job qui représente des proches de Martinez Zogo, la lenteur du procès est la conséquence « du profond malaise de la justice militaire autour d'une affaire aux relents politiques ». Pour lui, « seul un sursaut d'orgueil et d'indépendance » des magistrats fera avancer ce procès.