Madagascar: Naître et ne pas être

Six mille enfants naissent sans copie d'acte d'état civil dans le quatrième arrondissement. Un chiffre terrifiant. Il y en a autant sinon plus dans les autres arrondissements. Et davantage un peu partout dans les endroits isolés du pays. Si c'est la réalité dans la capitale, on a une idée de ce qui se passe dans les contrées où il n'y a aucune trace de l'administration en particulier d'un officier de l'état civil.

Une situation résultante de la pauvreté conjuguée à un manque total d'éducation. Dans les quartiers pauvres, les femmes mettent au monde des bébés sans savoir que les naissances doivent être enregistrées et que chaque enfant doit avoir une copie d'acte de naissance qui garantit sa citoyenneté. Mais ici les enfants naissent partout sauf dans une maternité ou dans un centre de santé équipé. Bien évidemment, les naissances ne sont pas enregistrées et les enfants sont privés d'acte de naissance. Ils ont juste un surnom comme seule identité.

Sans copie, ils ne vont pas à l'école et ne sont pas inscrits sur la liste électorale.

Des organismes internationaux ou des ONG tentent de pallier cette lacune à travers des projets d'enregistrement rétroactif des naissances, mais la tâche est colossale.

Il y a 20 ans, l'Unicef avait déclaré que 2,5 millions des enfants de moins de 18 ans n'avaient pas de copie pour un million d'adultes. L'UNICEF estimait que ce chiffre représente le quart du nombre total des enfants dans cette tranche d'âge. Il est probable qu'avec l'avancée de la pauvreté, le manque d'éducation, l'insuffisance des centres de santé de base, ce chiffre aurait pu être multiplié par deux ou trois. Et si rien ne change, la situation va empirer d'une année à l'autre. D'ici vingt ans, la majorité de la population risque d'être invisible. Bien sûr, c'est une situation favorable aux politiciens. Les jugements supplétifs et les ordonnances massives sont totalement justifiés. Et ceci explique pourquoi les bénéficiaires d'ordonnances sont de mère et de père inconnus.

Le drame est que la société produit des êtres sans aucun avenir, sans aucune perspective pour la vie. Sans état civil, ces enfants ne vont pas à l'école, ne trouveront pas de travail et s'exposent facilement au métier de bandits. L'insécurité actuelle est en partie causée par cette situation. La répression policière est juste une action dissuasive mais ne résout pas le banditisme de manière définitive. Chaque enfant qui naît sans copie correspond à un électeur sans âme, un faux acteur de la démocratie, à un bandit en devenir.

Le pire est que cette situation ne fait même pas un sujet de débat et ne figure pas dans les préoccupations des candidats députés ou maires alors qu'ils sont les premières victimes. L'électorat est composé d'individus dépourvus de savoir et de connaissance et donc incapables de voter en leur âme et conscience. Et on parle d'élection démocratique.

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