Nous avons trop longtemps ignoré la grande érosion du sable de nos côtes. Impossible maintenant de l'ignorer, à moins d'être aveugle. Nos côtes rapetissent. La mer monte de 5,5mm chaque année et à Rodrigues de 9 mm. L'ancien gouvernement, pourtant conscient des dégâts, s'est contenté de mesurettes comme planter quelques palétuviers (mangroves). Des mesures draconiennes s'imposaient. L'océanographe Vassen Kauppaymuthoo a eu beau tirer sur la sonnette d'alarme. Résultat : on a permis à nouveau l'extraction de sable.
Tourisme et économie
Notre île s'est bâti une réputation sur le marché mondial du tourisme. Pour 2024, elle a accueilli plus d'un million de touristes. Sablons le champagne et pressons le citron ! Nos plages et nos côtes ne sont plus ce qu'elles étaient, à regarder les cartes postales et nos luxueux hôtels. Nous avons été des enfants gâtés, sautant à pieds joints sur des châteaux de sable. Sommes-nous la dernière génération à pouvoir profiter de ce don de la nature ? Chaque année, 15 millions de tonnes de sable sont extraites dans le monde. Au 21e siècle, 75 à 90 % des côtes seront menacées de disparition. Les plus vulnérables sont celles des plus petites îles. Voir à ce sujet la situation des îles Maldives, non loin de Maurice. La même érosion grignote inexorablement d'abord les îles dans d'autres océans. Des îles qui vivaient aussi de cette manne qu'est le tourisme. Rien n'est pérenne.
Pas de substitut
L'île construit encore de grands et beaux hôtels mais dans quel état seront nos côtes... sea, sun but no sand ? Renversons le sablier. Le sable s'écoule déjà lentement mais sûrement. Ainsi, 37 kilomètres de nos côtes seront, demain (hé oui), affectés.Il faudrait arrêter l'extraction de sable pour de bon et se convaincre que le sable corallien est non-renouvelable. Avonsnous suffisamment replanté des coraux et multiplié les fermes de corail ? Certains avaient même envisagé de remplacer le sable corallien par la roche basaltique. Des consultants australiens ont estimé que Maurice renferme un stock de 58 millions de tonnes de roches en surface et 93 millions sous terre.
Rien à voir avec les millions qui se sont baladés à la veille des élections. Ceux-là glissent entre les doigts. À l'avenir, nous pourrions, peut-être, importer du sable du désert vu l'avancée de la désertification. Hélas, ce sable n'est pas compatible avec celui des côtes marines. Notre île abrite 21 carrières potentielles en divers endroits. Mais pour les exploiter, il faudrait avoir recours aux explosifs et au forage. Des solutions non envisageables. Les instances internationales préconisent que l'on doive conserver au moins «le trait de côte». Rien ne semble prévu de ce côté-là. D'ici une décennie, cette érosion qui avance inlassablement va nuire à l'industrie touristique. Nous aurons une mer, qui ne cessera d'avancer vers l'intérieur. Nous avons bien profité de cette corne d'abondance. Comment se fait-il que les autorités n'aient pas concrétisé des solutions, qui existent ?
À quel coût ?
Il aurait peut-être fallu construire des murs ou des brise-lames, qui auraient diminué la force des assauts des vagues. D'autres ont tenté l'enrochement, voire le ré-ensablement, mais à quel coût ? D'autres vont plus loin en installant des boudins géotextiles. Des solutions en parallèle avec la côte dans le cas des brise-lames, par exemple. Rien à voir avec le fait d'empiéter sur des bouts de plage pour ses besoins personnels. Quelques pays ont fait ces mêmes aménagements mais en perpendiculaire afin d'amoindrir l'énergie des vagues. Cela gâche le paysage. Des solutions plus souples existent mais leur coût est très élevé. Ces solutions ne sont pas durables mais diminuent les risques de submersion.
On peut aussi bâtir des dunes, ce qui est un processus lent. Ces dunes ne stopperont pas l'érosion mais la ralentiront. Nous n'avons pas assez anticipé. Le problème majeur concerne les humains. Il faudra bien, à un certain moment, délocaliser la population qui vit sur les côtes. Ces replis stratégiques impliquent des coûts élevés. La solution la plus facile serait de ne rien faire et d'exercer une surveillance passive en espérant que la nature va se réadapter toute seule. Un miracle quoi ! Maurice va investir dans un système avancé d'alerte pour les vagues.
La fin des coraux
Sans corail et récifs coralliens, pas de sable. Or, d'ici quelques dizaines d'années, selon l'Organisation des Nations Unies, nous ne pourrons que constater l'extinction des coraux. Et 99 % auront disparu d'ici l'an 2100. Cette extinction est due au réchauffement du climat, à la pollution, à l'acidification des mers, à la surpêche. Les coraux sont le poumon des océans comme la Grande Barrière de Corail au nordest de l'Australie ou 90 % sont affectés par le blanchissement. Alors, on se contente de recueillir toutes les espèces dans un aquarium à Monaco en attendant des jours meilleurs. Mister Sandman, c'est une fable.
Pena stepne!