Des milliers de personnes se sont réunies samedi 18 janvier dans le nord du Liberia pour les funérailles de l'ex-chef de guerre devenu politicien, Prince Johnson, réputé pour sa cruauté et acteur majeur des guerres civiles qui ont ravagé le Liberia entre 1989 et 2003. Prince Johnson est décédé ce 28 novembre 2024 à l'âge de 72 ans.
L'inhumation de samedi marque la fin de cinq jours de funérailles nationales au cours desquelles son corps a été exposé devant le Parlement à Monrovia avant d'être transporté dans son comté natal de Nimba, dans le nord du pays. Plusieurs hauts responsables, dont le président Joseph Boakai et le vice-président Jeremiah Koung, ont fait le déplacement dans le nord du pays. Point d'orgue d'une semaine d'hommages, ces obsèques suscitent une vive controverse.
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Prince Johnson, rendu célèbre par une vidéo le montrant en train de siroter une bière pendant que ses hommes torturaient à mort le président Samuel Doe en 1990, était toujours un sénateur influent dans son pays. Il n'a jamais exprimé de regret sur son passé et n'a jamais été jugé.
La mort du président Doe fut l'un des premiers épisodes sanglants qui allaient faire basculer le Liberia dans des guerres civiles qui, jusqu'en 2003, ont été marquées par une litanie d'atrocités (massacres de civils, tortures, viols, enrôlement d'enfants soldats à grande échelle et cannibalisme) imputables à toutes les parties. Des guerres civiles qui ont fait quelque 250 000 morts et mis à genoux le pays.
Après les conflits, Prince Johnson a agi comme faiseur de roi aux trois dernières élections présidentielles, jusqu'à sa mort fin novembre près de la capitale à l'âge de 72 ans.
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Les obsèques de Prince Johnson ravivent le débat sur l'impunité
Maxson Mpakio, militant des droits de l'homme et fervent défenseur de la création d'un tribunal pour les crimes de guerre, déplore que Prince Johnson soit mort sans jamais avoir été jugé : « C'est douloureux, cette jubilation que je vois, cette célébration d'un meurtrier, d'un criminel de guerre. C'est un coup dur. Je suis ému, dans le sens où, après avoir investi tant d'années dans le plaidoyer pour la création d'un tribunal des crimes de guerre et des crimes économiques pour le Liberia, afin que ceux qui portent la plus grande responsabilité dans la guerre soient punis, voir cet individu non seulement échapper à la justice, mais aussi être célébré comme un héros, c'est insupportable. »
C'est une douleur immense pour nous, ceux qui avons perdu des proches, des membres de nos familles tués par son initiative ou de ses propres mains. Comment les proches du feu Samuel K. Doe peuvent-ils se sentir aujourd'hui, alors qu'un homme comme Prince Y. Johnson s'en va sans avoir été jugé ? Sans que nous ayons au moins eu l'opportunité de lui poser une question simple : Pourquoi avez-vous fait cela au Liberia.
00:51 Maxson Mpakio, militant des droits de l'homme et fervent défenseur de la création d'un tribunal pour les crimes de guerre
« Un faste qui remet en cause l'engagement de l'État sur les crimes de guerre »
Adama Dempster, militant des droits humains, redoute que ce traitement privilégié n'enracine davantage une culture d'impunité : « Sachant que le sénateur Prince Johnson est cité dans le rapport de la Commission Vérité et Réconciliation comme l'un des principaux responsables de multiples atrocités commises pendant la guerre civile libérienne, il est profondément triste pour nous, militants pour la justice, de le voir bénéficier d'un hommage funéraire officiel avec tout ce faste ».
En outre, la plupart des victimes et des survivants espéraient qu'un processus serait mis en place pour que Monsieur Johnson réponde devant la justice pour les nombreuses atrocités associées à son nom pendant la guerre civile. Certes, la présence officielle du gouvernement à ces funérailles peut s'expliquer par le protocole, puisque Prince Johnson a occupé un poste de haut niveau. Cependant, cela soulève également des questions sur la sincérité d'un gouvernement qui a déjà signé un décret présidentiel et approuvé une résolution conjointe pour la création d'un tribunal des crimes de guerre et économiques. Ces funérailles nationales jettent un doute sérieux sur l'engagement réel du Liberia envers la justice et la responsabilité dans le traitement des crimes de guerre.
01:04 Adama Dempster, militant des droits humains : «il est profondément triste pour nous, militants pour la justice, de le voir bénéficier d'un hommage funéraire officiel avec tout ce faste»
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