Ile Maurice: Kaylene Pallen - Enchaîner avec les JO de Los Angeles 2028 après ceux de Paris 2024

«La chance sourit aux audacieux», dit l'adage et dans le cas de la Mauricienne Kaylene Pallen, 30 ans, nous pouvons y ajouter «et à ceux qui persévèrent».

Malgré ses difficultés premières d'adaptation en France, cette jeune femme a réussi à obtenir son master et post-master en architecture auprès de l'école d'architecture publique de Paris La Villette, une des plus prisées de Paris. Recrutée initialement comme stagiaire par le comité national des Jeux Olympiques de Paris 2024, au bout de six mois, elle a été nommée chef de projet puis architecte principale sur un des sites des jeux. Le démontage de toutes les structures ayant pris fin il y a trois mois, Kaylene Pallen s'est accordé un repos bien mérité à Maurice, avant d'attaquer les réunions de préparation des JO de Los Angeles de 2028.

Kaylene Pallen est la fille de Louis Pallen, ancien Chief Fire Officer, aujourd'hui à la retraite. Scolarisée au Lorette de Rose-Hill, elle songe d'abord aux filières scientifiques, sauf qu'entre elle et la chimie, le courant ne passe pas. Influencée quelque part par son frère aîné Ivan, qui est à l'époque graphiste, elle se dirige vers la filière technique, optant pour les mathématiques, la physique, l'art et design comme matières principales en Form VI. Si jusque-là, sa mère Mariline, femme au foyer, et son père lui ont laissé carte-blanche dans le choix de ses matières à l'étude, ce dernier insiste pour qu'elle concourt pour la bourse d'État. E

lle cède et se classe 17e après les lauréats. Comme métier, elle pense à l'architecture, qui demande aussi bien des connaissances techniques que de l'imagination et de la créativité. Du fait il n'y ait pas encore d'école d'architecture à Maurice, lorsqu'elle boucle son cycle secondaire, elle décide de faire des demandes d'admission auprès d'universités en Malaisie et en Chine. Et à tout hasard, elle le fait aussi auprès d'universités françaises via Campus France Maurice et contacte les écoles d'architecture publiques de Paris La Villette, de Belleville et de Malaquais. «Dans ma tête, c'était Paris ou rien.» Entre les trois institutions, son premier choix est Paris La Villette car elle sait que cette université offre de nombreuses possibilités en master et post-master.

En attendant d'être fixée, elle effectue un long stage dans le cabinet de l'architecte Ahmed Rawat à Curepipe. Ce dernier est de l'école française. «Ahmed Rawat m'a enseigné les bases de l'architecture. Et lorsqu'il m'a appris à dessiner à la main, cela m'a donné l'envie de continuer ce que j'avais commencé au Lorette de Rose-Hill», dit-elle. Sans compter que la bibliothèque de cet architecte est immense et qu'elle a tout le loisir de bouquiner. La chance lui sourit car elle est acceptée par l'école d'architecture de La Villette à Paris.

Adaptation difficile

Cette école d'architecture n'a pas de campus. Ses ressources financières étant limitées, la première année, Kaylene Pallen prend une chambre au Foyer Catholique. Et comme c'est le cas pour pratiquement tous les étudiants étrangers en France, elle doit s'adapter à l'enseignement des matières en français. Et puis, les admissions universitaires en première année sont nombreuses et les examens très durs afin de ne retenir que les meilleurs.Kaylene Pallen doit alors s'accrocher. La solitude lui pesant, elle décide de louer une maison avec une autre Mauricienne à Aubervilliers en banlieue parisienne. Pour obtenir de meilleures notes, elle refait sa deuxième année et la chance, une fois de plus, lui donne un coup de pouce. Un couple d'amis français de ses parents, qui n'ont pas d'enfant, accepte de l'héberger gracieusement pendant toute la durée de ses études. Et c'est à Chantilly dans l'Oise qu'elle va habiter. Pour aller en cours, elle doit prendre le train et ensuite terminer le parcours jusqu'à son école à vélo et vice-versa à la fin de ses cours dont certains se terminent parfois à 22 h 30. Lors de ses vacances à Maurice, elle fait des stages dont un au sein du cabinet d'architecture, JFA Architects.

Kaylene Pallen complète sa licence en quatre ans et son master en deux ans. Elle embraye avec un post-master d'une année. En parallèle, elle prend un emploi dans une agence d'architecture à Paris, tout en planchant sur sa recherche de fin d'études qui porte sur le littoral mauricien et les zones humides et l'architecture adaptable idéale en cas d'augmentation de la densité de la population locale et touristique. Son emploi lui plaît moyennement car c'est l'aspect recherches sur le terrain qui la passionne. Ayant eu vent en 2019 que le comité préparant les JO de Paris 2024 a lancé des appels à candidature, notamment pour trouver des chargés de mission en architecture, Kaylene Pallen, qui désire tester autre chose, envoie son portfolio et sa lettre de motivation.

La chance est une fois de plus de son côté car elle est acceptée. Mais comme elle n'a pas encore terminé son post-master, elle est d'abord recrutée comme stagiaire. Six mois plus tard, son post-master en poche, elle est confirmée comme chef de projet. Son rôle, en compagnie d'autres collaborateurs, est d'élaborer un Master plan pour voir comment harmoniser les structures temporaires sur tous les sites des jeux, lancer des appels à candidatures pour trouver des fournisseurs. Elle doit aussi avoir des réunions avec les membres du comité olympique, avec les techniciens de la ville de Paris pour tenir compte, entre autres, de la sécurité, aspect pour lequel elle consulte son père, discuter avec les représentants des fédérations nationales et internationales, les traiteurs, bref, tous ceux concernés de près par les JO. Au final, elle est confirmée comme architecte et coordinatrice de livraison site et infrastructures et se voit confier un site à développer, à savoir les Invalides où vont se dérouler les épreuves de tir à l'arc et de course contre la montre.

Son premier challenge dans la partie projet est de présenter son esquisse de son site au comité olympique avec un budget prévisionnel pour tous les aménagements. Ce cap passé, elle doit revoir ses plans car la fédération d'athlétisme a rajouté deux disciplines à celles déjà désignées pour se tenir aux Invalides, soit le marathon pour hommes et femmes et le marathon pour tous, épreuves qui doivent avoir lieu sur l'avenue du Maréchal Gallieni. En peu de temps, elle doit revoir l'emplacement des deux plateformes d'entraînement et d'épreuves finales, de même que les gradins. Elle et son équipe de 14 coordinateurs et d'environ dix employés de GL Events, entreprise spécialisée dans le secteur de l'événementiel, qui sont des exécutants, démontent, en quatre jours, tout ce qui avait été préalablement monté et font les réaménagements nécessaires. La gageure est de donner un fort cachet esthétique à ces structures temporaires car les JO seront retransmis par les télévisions du monde entier. «Pour certains, ce n'est pas de l'architecture car ces structures ne sont pas pérennes et ne laissent pas d'empreintes. Mais pour moi, c'est de l'architecture. Et même si elles sont temporaires, elles sont tout autant fonctionnelles et on essaie de marquer les esprits par l'esthétisme.»

Une course contre la montre

Lorsque les JO démarrent, le travail est fait et elle a le temps d'aller voir certaines disciplines, notamment le marathon pour femmes, épreuve concourue notamment par la Mauricienne Marie Perrier, et la cérémonie de clôture. Si elle n'a pu rencontrer l'athlète mauricienne en personne, Kaylene Pallen a ressenti de la fierté en entendant les Mauriciens encourager leur compatriote et en les voyant agiter le quadricolore national. Son troisième challenge est d'avoir à tout planifier pour démonter les structures afin de faire de la place pour accueillir celles des Jeux Paralympiques, huit jours après. «Nous avons démonté les structures du para tir-à-l'arc en 48 heures pour mettre l'avenue du Maréchal Gallieni en configuration du para-marathon.» Elle a également ressenti de la fierté par rapport au feed-back rapporté par la presse. «Parmi toutes les personnes interrogées, une maman a déclaré qu'elle n'aurait jamais mis les pieds sur l'Avenue Maréchal Gallieni si des tribunes n'y avaient pas été aménagées. Cela a fait chaud au coeur.»

De sa participation à cet événement planétaire, elle dit avoir gagné en termes de connaissances et de maturité. Paris 2024 lui a également porté chance au niveau sentimental car elle y a rencontré son partenaire, qui est aussi architecte et qui travaille, lui, pour le cabinet d'architecture et d'événementiel américain Populous. Ce cabinet d'architecture, qui a des assises mondiales, avait été coopté pour les JO de Paris 2024.

Jusqu'à octobre dernier, les équipes des JO de Paris 24 s'affairaient à tout remettre en ordre dans la capitale française pour que les sites de la ville reprennent leurs aspects habituels. Après quoi, Kaylene Pallen s'est accordé des vacances mauriciennes. Un repos bien mérité mais de courte durée cependant car elle a récemment reçu une offre pour rejoindre l'équipe des Event Designers pour les JO de Los Angeles 2028. «J'aime les gros challenges, les projets à grande échelle et la possibilité d'évoluer au sein d'une grande équipe pluridisciplinaire telle qu'une organisation responsable de grands évènements internationaux. Je sais que les JO de LA 2028 seront complètement différents de ceux de Paris. Je vais y côtoyer d'autres personnes, l'architecture américaine est différente également et le budget colossal.»

Le fait qu'elle ait démarré sa carrière sur un projet aussi important que les JO lui a fait réaliser que le métier d'architecte va bien au-delà de la pratique dite classique, le plus souvent exercée au sein d'un cabinet. L'architecture et l'aménagement urbain temporaires ont, selon elle, des enjeux encore plus forts en termes de calendrier et de médiatisation, ainsi qu'une responsabilité de démontage et de remise en état des lieux d'exploitation temporaire. Maintenant qu'elle a le pied dans cet étrier particulier, elle sait que l'avenir lui réserve d'autres propositions de travail importantes. «La seule contrainte sera d'avoir à bouger tous les quatre ans. Mais nous n'y sommes pas encore.» Et qu'en est-il d'un retour éventuel à Maurice ? «Maurice n'a pas encore de projets d'envergure tels que je les apprécie dans mon domaine de spécialisation. Toutefois, la prochaine fois que les Jeux des Îles seront organisés à Maurice, j'aurais souhaité avoir la chance d'y contribuer d'une manière ou d'une autre. Ce sera ma contribution à mon pays natal. Les gros challenges me correspondent davantage...»

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