Ile Maurice: Dharam Gokhool, président de la république - «C'est sage d'attendre que le président Trump prenne ses fonctions avant de poursuivre les discussions sur les Chagos»

Le président de la République nous répond sans filtre pour la première édition de la nouvelle saison de l'émission politique Décryptage. Il parle de sa nouvelle vie, de ses priorités et du style qu'il entend imprimer à la tête de l'Etat...

Déjà cinq semaines que vous êtes en poste, comment vivez-vous ce rôle à la tête de l'État ?

La première chose que j'ai faite, dès que j'ai prêté serment comme président, c'était de rencontrer les médias. Et j'ai bien fait comprendre que ces derniers seront des partenaires stratégiques de la présidence, parce que c'est à travers vous les médias que nous pouvons cibler la population. J'ai accepté de venir à la nouvelle saison de Décryptage dans cet esprit de dialogue. J'ai aussi eu plusieurs autres invitations. Je vais y répondre dès que j'aurai plus de temps.

Pour en revenir à moi, je dois dire que mon nom circulait comme potentiel président de la République bien avant ma prestation de serment. Cela pouvait arriver comme cela pouvait ne pas arriver, mais moi je suis entré, dès lors, dans une phase de réflexion. Je l'ai dit, je commençais à réfléchir à comment j'allais assumer mes responsabilités présidentielles, qui sont énormes. Vous devez être à la hauteur des attentes de toute la population, soit quelque 1,3 million de Mauriciens.

En quoi consiste la vie au quotidien du président?

Le poste de président est prévu sous l'article 28 de la Constitution, qui définit aussi son rôle et ses responsabilités. Un aspect très intéressant est que le président doit s'informer de tout ce qui se passe dans le pays. Et pour cela, le Premier ministre et moi-même, nous nous rencontrons chaque jeudi pour passer en revue la situation dans le pays et sur le plan international. C'est un moment très important ; je suis informé mais je partage également mes réflexions.

Vous avez un mandat de cinq ans, quelles sont vos priorités ?

La première chose que j'ai voulu faire, c'est voir le calendrier des activités de la présidence. Il y a des prestations de serment et d'autres fonctions nationales et internationales, comme la fête de l'Independence, Africa Day (...) ; j'ai alors fait une réflexion sur comment on peut innover. Je pense que je ne dois pas rester enfermé dans les activités existantes. J'ai dit que je serai un président de proximité, je reçois beaucoup d'invitations et mon secrétariat a pas mal de problèmes (à tout accepter). Je suis attristé de dire non, mais mon temps est limité.

J'aurais pu aller au bureau plus tôt tous les jours, mais cela aurait créé un peu de problèmes aux automobilistes qui sont déjà sur la route. Je quitte donc mon domicile à 9 h 15 et j'arrive à 9 h 30 et je quitte le bureau vers 15 h 30, 15 h 45. J'apporte beaucoup de travail chez moi, je fais énormément de homework. Par exemple, avant de rencontrer des délégations internationales, je dois lire tous les briefs (à ce sujet), me préparer et savoir quelle conversation j'aurai avec eux.

Une façon d'écouter la population est de créer un President forum for innovative ideas, parce que beaucoup de personnes ont des idées, mais ne savent pas comment les canaliser. On va l'essayer sur une base pilote. Elles donneront leurs idées et on travaillera sur ces idées ; si elles peuvent être implémentées, nous les ferons suivre par les autorités concernées.

Deuxième projet : plus d'inclusion aux personnes à besoins spéciaux. On a déjà la SENA mais j'irai plus loin. Il faut faire en sorte que la population soit conscientisée aux problèmes auxquels les enfants à besoins spéciaux font face. Un policier qui faisait le sentry chez moi a un enfant autiste et il m'a raconté ses difficultés, c'est incroyable. J'ai l'intention d'inscrire l'International day of persons with disabilities au calendrier de la présidence.

Et troisièmement, j'ai réalisé que les jeunes veulent jouer leur rôle dans la société et ne savent pas de quoi est faite notre Constitution (...) Je pense relancer le projet de sensibiliser les jeunes à la Constitution. La présidence a à coeur qu'ils connaissent leurs droits fondamentaux.

Lors de votre rencontre hebdomadaire avec le PM, chaque jeudi, parlez-vous des problèmes auxquels fait face le pays ?

Je ne révèle aucun secret. Au départ, je ne savais pas comment appréhender cette réunion, je parlais sur de nombreux sujets puis j'ai revu cela. Je ne peux pas revenir sur des problèmes qui sont déjà gérés par les ministères, je viens avec des problèmes de fond. Par exemple, nous faisons face à un manque d'eau, un problème structurel. Nous regardons le problème from a scarcity mentality, c'est-à-dire, comment on va rationner l'eau, mais je pense qu'il faut shifter à une abundance mentality. Un touriste, une fois arrivé à Maurice, va croire que l'on n'a pas d'eau quand on est entouré de verdure...

Vous avez également abordé le dossier Chagos avec Navin Ramgoolam ?

Oui, ce dossier est dans le domaine public. Je pense que c'est une décision sage d'attendre que le président Trump prenne ses fonctions pour poursuivre les discussions.

Vous prônez la proximité. Vous êtes très sollicité par les influenceurs aussi. Etes-vous au courant de la polémique sur les réseaux sociaux à ce sujet en ce moment ?

Certainement, j'ai suivi l'affaire et j'écoute. J'ai pris bonne note de ce qui a été dit sur les réseaux sociaux. Mais je dois dire qu'il y a une nuance dans la manière que cela a été traité sur les réseaux sociaux et dans la presse. Mais ayant dit cela, au chapitre 2 article 12, notre Constitution indique que Maurice est une démocratie et que nous avons la liberté d'expression. (...) I try to do my best, but my best may not be good enough for everybody. Je prends note de cela et je vais essayer de me corriger. Je pense que les amis qui parlent sur les réseaux sociaux peuvent prendre en considération que je suis président depuis à peine un mois et demi, il est possible qu'il y ait des choses qui surviennent et qui méritent correction.

Est-ce que votre participation à ces vidéos était surtout pour marquer une présence internationale ?

Non, quand j'ai regardé les vidéos dans leur ensemble, j'ai vu que des choses positives ont été dites. Par exemple, ils disent que Maurice est une démocratie, que l'éducation et la santé sont gratuites. Ils disent beaucoup de choses positives, mais bien-sûr ils auraient dû être plus précis sur certains autres points. Car cela crée certaines confusions. Je pense qu'avec ce qui est arrivé, chacun tirera sa leçon car il y va de la réputation de notre pays.

Qui dit président de la République, dit château du Réduit. Comment se passe votre vie là-bas ?

Le château du Réduit est la demeure officielle du président mais il faut noter que très peu de mes prédécesseurs y ont habité à plein temps. J'ai passé depuis le 7 décembre dernier, deux weekends au château. Cela, afin de mieux comprendre son environnement, le bâtiment et la forêt. J'adore la forêt. Et quand je vois que certains arbres sont en mauvaise condition, je suis triste ; j'attire alors l'attention des autorités à ce sujet. Puis, je m'organise pour le travail quand je suis là-bas.

On imagine que c'est aussi un grand changement pour votre épouse, vos enfants...

Oui, pour mon épouse et moi, cela a été un grand changement. Mon épouse est une personne simple mais elle commence à comprendre que j'ai des responsabilités et elle m'épaule. Elle s'adapte. Mon fils, ma belle-fille, mon petit-fils de quatre mois et ma fille, eux aussi s'adaptent. C'est formidable le soutien qu'ils m'apportent. Cela m'aide beaucoup à faire les choses bien. Je ne veux pas laisser tomber les Mauriciens. I want to make them proud...

Y-a-t-il des défis auxquels vous devez faire face ?

Oui, il y a des défis. Par exemple, la time management. Je dois savoir gérer mon temps pour faire le maximum. J'ai envie d'être en contact avec plus de gens. Comment refuser l'invitation d'une organisation qui oeuvre beaucoup pour la bonne cause ? J'aurais aimé tous les rencontrer. Par ailleurs, avec mon équipe de sécurité, il est souvent difficile de bouger ( NldR : cela gêne normalement les automobilistes sur la route), je préfère les inviter au château du Réduit. Comment faire pour satisfaire toutes ces demandes ?

Pensez-vous qu'il aurait fallu abolir le poste de vice-président de la République ?

Quand la Constitution a été draftée, il y a un principe fondamental qui a été prôné, c'est la séparation des pouvoirs. Nous avons le judiciaire, l'exécutif et le Parlement. Ces trois organes doivent opérer en toute indépendance. C'est un des piliers de la Constitution. Il y a une raison pourquoi les concepteurs de la Constitution ont créé le poste de vice-président. Allons dire que le président est en voyage ou qu'il est malade, on fait alors appel au vice-président.

Si le vice-président est aussi pris, en troisième, on fait appel au chef juge. Ce dernier qui a toute son indépendance doit exercer le poste de président, c'est un peu une anomalie... Je pense moi que les arrangements dans la Constitution ont été faites dans le but de préserver la séparation des pouvoirs. Cependant, une Constitution est appelée à évoluer, si l'on veut des changements, il faut passer par des débats, des procédures établies, puis apporter ces changements. Mais valeur du jour, je peux dire que le poste de vice-président a toute son importance même si cela coûte de l'argent.

Vous parlez d'anomalies, pouvez-vous élaborer ?

Par exemple, le président appose sa signature sur des projets de loi. Si cela est fait par le chef juge et qu'il y a une contestation, cela pose un problème non ? Pour éviter tout potentiel conflit d'intérêt, je pense que le système actuel fonctionne...

Vous avez tous deux fait vos débuts au MMM. Y-a-til une symbiose entre Robert Hungley et vous-même ?

Cela va au-delà. On se comprend. On a une human touch. On communique...

Pour finir, peut-être un message aux Mauriciens ?

Souvent on me demande ma vision. Ma vision, c'est l'attente des Mauriciens. S'ils vivent bien et sont fiers d'être Mauriciens, c'est cela la vision. Moi, je veux incarner cette vision. Et que pour ce que cela arrive, nous devons nous attaquer aux priorités, qui seront présentées dans le programme gouvernemental que moi-même je vais lire bientôt. Nous allons nous pencher sur les priorités pour qu'on arrive à cette vision...

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