Dans un contexte démocratique, la liberté d'expression et de manifestation constitue un pilier essentiel pour le fonctionnement de la société. L'affiche intitulée « Stop aux marches de soutien inutiles » invite à réfléchir sur les pratiques citoyennes, mais elle soulève également une question fondamentale : qui décide de l'utilité ou de l'inutilité d'une initiative dans une société libre ?
Les marches et manifestations, qu'elles soient de soutien, de revendication ou de sensibilisation, incarnent l'essence même de la participation citoyenne. Dans une démocratie, ces actions permettent à chaque citoyen ou groupe de citoyens de s'exprimer, de défendre une cause ou de promouvoir des idées. Ce qui peut sembler « inutile » pour certains peut être porteur de sens et d'espoir pour d'autres.
Comme le disait Pierre-Claver Akendengué, grand intellectuel gabonais, dans ses prises de position poétiques et politiques : « La liberté de chacun s'arrête là où commence celle des autres. » Cette réflexion invite à respecter l'expression de tous, même si elle nous semble étrangère ou inutile à première vue. Les marches, comme toute autre forme d'expression collective, sont des outils d'éveil, de revendication et de consolidation du vivre-ensemble.
Refuser à d'autres le droit de marcher ou d'exprimer leur soutien, sous le prétexte de désaccord ou de jugement personnel, témoigne d'une forme d'intolérance qui peut fragiliser le socle démocratique. Une démocratie véritable ne se construit pas sur l'uniformité des idées, mais sur la coexistence pacifique des divergences. Invectiver une initiative, simplement parce qu'on ne la partage pas, limite le débat et brime indirectement les libertés individuelles.
Cette idée rejoint également les réflexions du défunt président sud-africain Nelson Mandela, qui rappelait que « Priver les autres de leur liberté revient à renier sa propre humanité. » Mandela, champion de la lutte contre l'apartheid, a su démontrer que même les actions jugées inutiles par certains -- marches, grèves, boycotts -- pouvaient devenir les outils les plus puissants de transformation sociale et politique.
L'utilité ou non d'une marche ne peut être jugée uniquement par son impact immédiat. Une mobilisation peut avoir un effet symbolique puissant, un effet psychologique pour ses participants, ou même une portée historique qui n'apparaît qu'avec le recul. De Martin Luther King à Gandhi, les grandes avancées sociales et politiques ont souvent été initiées par des actions que certains qualifiaient à l'époque d'inutiles ou insignifiantes.
Promouvoir les libertés individuelles, c'est aussi respecter le droit de chacun à exprimer ses opinions et à agir en conséquence, même si cela ne correspond pas à nos propres convictions. Encourager le dialogue, écouter les points de vue divergents et s'abstenir de jugements hâtifs ou péremptoires sont des attitudes fondamentales pour maintenir la cohésion sociale dans une démocratie.
En définitive, au lieu de condamner les marches de soutien, il est plus judicieux d'interroger leur sens et de chercher à comprendre les motivations qui les sous-tendent. Dans une société démocratique, chaque initiative citoyenne, aussi modeste soit-elle, a le droit d'exister et de s'exprimer. Car, en définitive, c'est dans l'addition de ces voix, grandes ou petites, que réside la vitalité démocratique.
Promouvoir les libertés, c'est accepter la diversité des formes d'expression, même celles qui ne nous conviennent pas.
Eugène-Boris ELIBIYO, Citoyen Gabonais, Observateur de la vie publique du pays, Représentant pour le Gabon de l'ONG Internationale Francophonie sans Frontières (FSF).