Madagascar: Stratégie anti-corruption - La lutte contre l'impunité constitue une urgence

La nouvelle stratégie de lutte contre la corruption a été adoptée en conseil des ministres, mercredi. Le document devrait être présenté officiellement en février, et veut apporter une nouvelle impulsion à la guerre contre ce fléau.

Mettre fin à l'impunité. Selon le rapport du conseil des ministres de mercredi, tel est l'un des objectifs stratégiques de la nouvelle stratégie nationale de lutte contre la corruption. Il s'agit justement de la principale attente vis-à-vis de ce document qui encadrera la guerre contre ce fléau durant les dix prochaines années. Sauf changement, il sera présenté officiellement en février.

La nouvelle stratégie nationale de lutte contre la corruption a été adoptée durant la réunion hebdomadaire de l'Exécutif, la semaine dernière. Un feu vert qui cadre avec une deadline inscrite dans le chronogramme des accords avec le Fonds monétaire international (FMI). Outre l'ajustement automatique du prix des carburants, l'adoption de ce document-cadre avant la fin du mois est une des conditionnalités pour le décaissement des aides budgétaires de l'institution de Bretton Woods.

Au-delà des accords internationaux, d'aucuns s'attendent à ce que cette nouvelle stratégie soit plus dissuasive et que l'objectif de "mettre fin à l'impunité" ne soit pas de vains mots. Durant les séries de consultations pour évaluer la précédente stratégie nationale et en vue de l'élaboration de celle qui vient d'être adoptée en conseil des ministres, une recommandation s'est faite insistante. Il s'agit de la nécessité d'une répression effective, efficace et dissuasive de la corruption et des délits connexes.

"Un faible niveau de confiance du public dans une répression effective de la corruption mettant fin à l'impunité : faible niveau de sanctions pénales et disciplinaires, contraintes d'ordres juridiques et opérationnels". C'est ce qui est ressorti des consultations d'évaluation de la précédente stratégie nationale de lutte contre la corruption. Ce constat résume l'attente de l'opinion publique par rapport au document que l'Exécutif vient d'adopter.

Selon le communiqué du conseil des ministres de mercredi, l'adoption de la nouvelle stratégie nationale de lutte contre la corruption "s'inscrit dans la Politique générale de l'État (PGE), axée sur la bonne gouvernance et la lutte contre la corruption". La missive ajoute que "le président de la République a déclaré que l'objectif d'un Madagascar gouverné par l'intégrité d'ici 2030 est tout à fait réalisable".

Blocages

Le chef de l'État aurait ainsi indiqué, "une mobilisation et une collaboration collective sont nécessaires pour éradiquer l'impunité", selon le rapport du conseil des ministres, toujours. Il y est ajouté qu'en matière de lutte contre l'impunité, le Premier ministre "a affirmé que de nombreux efforts ont été réalisés par l'État, et que toute personne impliquée dans des actes de corruption sera sanctionnée par la loi". Dans les faits, toutefois, l'application des sanctions de façon impersonnelle n'est pas effective.

Les privilèges d'ordre constitutionnel, légal et réglementaire constituent des blocages à une répression impersonnelle et sont des causes d'impunité. Il s'agit des immunités, des privilèges de juridiction, comme la Haute cour de Justice (HCJ), ou encore des privilèges statutaires, à savoir les autorisations de poursuite. Outre les Forces de défense et de sécurité (FDS), rares sont les responsables qui signent les demandes d'autorisation de poursuite, de crainte de se heurter à des frondes corporatistes.

Jusqu'ici, toutes les procédures de mise en accusation devant la HCJ ont été bottées en touche par l'Assemblée nationale. Une nouvelle commission chargée de traiter les demandes de mise en accusation devant la HCJ est en place à la Chambre basse. Les quatre députés qui siègent au sein de cette Cour ont aussi prêté serment devant la Cour suprême, jeudi.

"Je suis prêt à appliquer les lois qui régissent la Haute cour de Justice. On verra ce qu'il faut faire avec les dossiers reçus", avait déclaré le député Haja Resampa, président de la commission parlementaire, après son élection, en décembre. Il a, néanmoins, ajouté que les prises de décision dépendent des vingt-cinq membres de la commission. Il faudra, ensuite, le feu vert de la séance plénière des députés.

À part une procédure fastidieuse, les questions d'ordre politique, et même ethniques, ont court-circuité les précédentes mises en accusation devant la HCJ. Ces privilèges statutaires risquent de compliquer l'atteinte des deux autres objectifs spécifiques de la nouvelle stratégie nationale de lutte contre la corruption énoncés dans le communiqué du conseil des ministres, à savoir, celui de démanteler les réseaux de corruption, et celui de rétablir la confiance des citoyens envers les institutions.

À la lecture des dossiers communiqués par les instances de lutte contre la corruption, le sentiment que certaines catégories de personnes soient à l'abri des poursuites judiciaires et des sanctions persiste, en effet. Les différents acteurs concernés par les privilèges statutaires ont été impliqués dans les ateliers d'élaboration de la nouvelle stratégie nationale de lutte contre la corruption. Les détails du document ne sont pas encore publiés. Reste à voir s'il a permis de lever les points de blocage.

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