Seul candidat à l'élection à la présidence de la Fédération comorienne de football prévue ce mercredi 22 janvier, Saïd Athoumane va logiquement rempiler pour un nouveau mandat. Dans cet entretien avec RFI, il reconnaît les défis financiers et infrastructurels qui l'attendent pour son prochain mandat, mais nourrit également un grand espoir, le rêve, de voir les Comores se qualifier à la prochaine Coupe du monde en 2026 avec Stefano Cusin.
Comment analysez-vous le fait de ne pas avoir d'adversaire pour cette élection à la présidence de la Fédération comorienne de football ?
Je le prends comme une marque de confiance de la part des acteurs du football aux Comores. Parce qu'il y a des résultats tangibles, visibles, qui témoignent du progrès que nous avons fait pendant plusieurs années, notamment pendant ce dernier mandat, ces quatre dernières années. Il y a bien eu une liste concurrente, mais elle n'a pas pu avoir les parrainages requis. Donc, je pense que c'est une façon pour les acteurs du football de dire qu'ils nous renouvellent notre confiance.
Personnellement, comment vous analysez-vous votre bilan ? Satisfaisant ou il y a encore beaucoup de choses à améliorer ?
Non, on ne peut se satisfaire pour l'instant, car on a toujours l'ambition de progresser. Dans un pays comme le nôtre, on doit faire beaucoup d'efforts pour le développement du football local en matière d'infrastructures, par exemple. Une fédération ne peut pas à elle seule mener une politique ou une stratégie de construction d'infrastructures. Il doit y avoir les municipalités, le gouvernement, les autorités publiques, mais on essaye de faire le maximum, on essaye d'avoir au niveau local des compétitions, des championnats réguliers, que ce soit au niveau des équipes nationales locales, des jeunes, des femmes. Il y a eu beaucoup de progrès avec l'équipe A' prime aussi.
Aujourd'hui, l'équipe qui nous donne le plus de visibilité, celle qui a plus d'impact bien sûr, c'est l'équipe nationale A, qualifiée de belle manière pour la CAN. On est peut-être la nation qui a le plus progressé durant l'année 2024 au classement FIFA. Donc, il y a des résultats qui sont tangibles.
La visibilité est le plus sur l'équipe nationale A, dont on a loué les progrès, et qui s'est qualifiée brillamment à la CAN. Mais comment se porte le football comorien qu'on ne « voit pas » pour parler des féminines, des petites catégories, du championnat local, etc. ?
De mon point de vue, on progresse. Parce que, le plus grand défi, c'était d'abord de pouvoir stabiliser, pérenniser; avoir des compétitions régulières, même si c'est amateur. Une des difficultés, c'est l'absence de sponsors locaux pour les différents clubs. Nous sommes un petit pays. En termes économiques, nous sommes fragiles au niveau du secteur privé, et donc la fédération doit accompagner toutes ces différentes catégories. Cela demande des moyens que nous n'avons pas toujours parce que notre principal pourvoyeur de fonds, notre principal partenaire, c'est la FIFA. Il y a bien sûr la CAF aussi.
De son côté, le gouvernement comorien nous soutient, mais beaucoup plus au niveau de l'équipe nationale A. Et ce n'est pas toujours facile d'avoir des sponsors, ce ne sont pas des mécènes. Les sponsors vont dans des pays où ils sont sûrs de pouvoir écouler leurs produits, mais nous n'avons qu'une population d'un peu moins d'un million d'habitants avec un pouvoir d'achat assez faible.
En octobre 2023, une crise a secoué la fédération avec un mouvement initié par des joueurs de la sélection dénonçant des manquements au niveau de la fédération. Comment avez-vous vécu cette situation un peu tendue ?
Cette crise a été un mal pour un bien. Certains joueurs étaient intervenus sur RFI pour en parler. Moi-même, j'avais été interrogé et j'ai eu l'occasion de m'expliquer. Disons que cette crise a été ce qui a refondé notre équipe nationale. C'est ce qui a fondé un nouvel état d'esprit. Et c'est ce qui a fait que nous avons été performants.
D'où vient la crise ? Nous-mêmes (la fédération), on s'est rendu compte de certains dysfonctionnements. Je ne vais pas entrer dans les détails, mais le message que j'avais compris, c'est que certains joueurs ne voulaient pas qu'on change de staff. Ils avaient leurs raisons. Par contre, une des décisions les plus importantes que nous avons prises, c'était de ne pas céder. Depuis, je pense qu'il y a beaucoup de choses qui ont changé, l'état d'esprit, la mentalité, parce que chaque joueur sait que s'il n'est pas performant, il ne sera pas convoqué. On fonctionne comme toutes les autres sélections. Tout le monde s'est rendu compte que personne dans la vie n'était indispensable. C'est ce qui a fait qu'on en est là aujourd'hui et qu'on s'est qualifié pour cette CAN.
Ce qui prouve que le choix de Stefano Cusin comme nouveau sélectionneur était judicieux...
On avait plusieurs CV, mais d'abord, il y avait les réalités de notre pays, les réalités de la fédération. Et financièrement, on est limité. Et donc, on devait d'abord recruter quelqu'un qui accepte nos propositions salariales. Bien sûr, ce n'était pas le seul critère. Mais Stefano Cusin, c'est quelqu'un qui a eu une certaine expérience dans le foot mondial, notamment dans certains pays africains, des pays assez difficiles, parfois en guerre. On s'est dit qu'un homme qui a entraîné des pays où il y avait certaines difficultés se sentirait bien aux Comores, qu'il aurait les moyens de s'épanouir et d'exercer pleinement sa fonction d'entraîneur.
Les Comores sont qualifiées pour la deuxième CAN de leur histoire, mais avant la compétition au Maroc, il y aura les dernières journées des éliminatoires de la Coupe du monde 2026. Les Comores sont leaders de leur poule après quatre journées. Est-ce que vous pouvez rêver d'une qualification au Mondial ?
Oui, mais c'est normal qu'on rêve d'une qualification à partir du moment où on est premiers de notre groupe, à partir du moment où on a fini premier aussi de notre groupe pour les qualifications de la CAN. Mais on reste humble et réaliste. Il n'est pas interdit de rêver même si l'on sait que, dans le groupe, il y a des équipes favorites et de grandes nations du football, comme le Mali et le Ghana. Surtout que , jusqu'à présent, on doit jouer nos matchs à l'extérieur.
Justement, faire en sorte que la sélection se produise à domicile au stade de Malouzini sera l'un de vos principaux chantiers pour ce nouveau mandat ?
On est en train de travailler depuis un moment, mais on ne peut pas non plus le faire sans l'appui du gouvernement. Nous dépendons du financement du gouvernement, qui est propriétaire du stade international de Malouzini, où doivent se dérouler les rencontres. Le président de la République nous a reçus à plusieurs reprises et il est prêt à débloquer les moyens qu'il faut. Maintenant, il y a un certain nombre de travaux qu'il va falloir faire. Autant en septembre, on pourrait espérer jouer à domicile, autant je doute pour le mois de mars. Si cela se réalise, ce serait une agréable surprise, mais je ne suis pas sûr qu'on puisse être à 100% dans les délais.