Il y a deux ans jour pour jour, le 22 janvier 2023, un dimanche matin, est annoncée la découverte du corps sans vie de Martinez Zogo. L'information provoque une onde de choc et une grande vague d'émotion dans la capitale camerounaise où l'animateur radio était très connu. S'ensuivent des moments d'emballement médiatique et une indignation généralisée qui va gagner tout le pays et au-delà.
Ce 22 janvier 2023, peu avant 9h, écrit notre correspondant à Douala, Polycarpe Essomba, la Toile camerounaise est prise d'une soudaine frénésie. Via les téléphones portables circulent des photos d'un corps sans vie que des proches parents, amis et collègues vont, peu de temps après, identifier comme étant celui de Martinez Zogo. Le corps a été découvert par des promeneurs, dans une clairière, dans la banlieue nord de Yaoundé.
En même temps que l'information se répand telle une traînée de poudre, les détails sur l'état de la dépouille abondent. Des témoins rapportent des traces de violences, de coups et de sévices sexuels visibles sur le corps. Ce récit va provoquer une véritable onde de choc dans la capitale, et bien au-delà. Chez les journalistes s'installe un vrai sentiment d'insécurité. Certains s'estiment traqués et se cachent, avant, plus tard, de quitter le pays. Dans cette atmosphère frénétique s'ouvre une vague d'interpellations.
Un procès englué dans les questions de procédure
D'aucuns espèrent alors que les commanditaires et responsables de l'enlèvement, de la torture et de l'assassinat du directeur d'Amplitude FM seront vite identifiés et jugés. Cet espoir sera vite déçu. Deux ans plus tard le procès ouvert est englué dans les questions de procédures, alors que les habitants de Yaoundé particulièrement, demandent toujours à comprendre les raisons qui ont conduit à la disparition brutale de celui qui, dans la ville, plus qu'une vedette, était une sorte de « voix des sans voix » pour des milliers d'auditeurs. Par ses dénonciations sans fards des faits de mal-gouvernance et de corruption dans son émission Embouteillages dans laquelle il n'épargnait personne chez les responsables publics.
Charly Tchouemou, actuel rédacteur en chef de la radio Amplitude FM, témoigne de l'émotion qui a été la sienne en cette journée fatidique : « Nous avons eu l'alerte via les réseaux sociaux et l'appel de quelques-uns de nos confrères des autres médias, qui m'ont appelé quand ils ont eu aussi les images pour avoir réellement l'information. »
« J'ai appelé le patron de la radio, j'ai appelé mes confrères, mes collaborateurs, comme un seul homme, on s'est levé, poursuit Charly Tchouemou, nous nous sommes rendus du côté d'Ebogo 3. Grande était notre stupéfaction, consternation totale de découvrir ce corps, nu, en état de putréfaction très avancé. Du coup, pour alerter la population, j'ai fait un direct à partir de cet endroit pour confirmer que c'était réellement le corps de Martinez Zogo qui se trouvait de ce côté d'Ebogo. »
« La vérité n'est pas quelque chose qui va de soi »
Me Claude Assira représente l'État du Cameroun et la Direction générale de la recherche extérieure (DGRE). Il rappelle qu'il est dans l'intérêt de tous de ne pas laisser ce dossier s'enliser davantage, de garder l'attention médiatique et celle du public sur cette affaire pour qu'elle ne sombre pas dans l'oubli : « La vérité n'est pas quelque chose qui va de soi. Les forces qui sont en présence aujourd'hui ont beaucoup d'intérêt à ce que la vérité ne se sache pas. Peut-être que le tribunal même est de bonne foi, mais il subit, lui aussi, l'ensemble de ces pressions qui viennent d'un côté comme de l'autre. Donc, par conséquent, je pense qu'il n'y a que le regard du public, le regard des tiers sur ce procès qui va permettre de libérer le tribunal. »
« Parce que si vous venez aux audiences, vous avez vu que, au tout début, les salles étaient pleines, il était impossible d'entrer, continue Me Claude Assira. Mais au fur et à mesure du temps qui passe, l'intérêt a tendance à diminuer. Or, je pense que le regard du public, au-delà du Cameroun, eh bien je pense que c'est tout ça qui va amenuiser les risques de captation de ce procès. Or, Martinez Zogo, c'est un peu de nous tous, c'est un peu de notre liberté d'agir, de la liberté de la presse, de la liberté de dénoncer. Donc nous tous, nous y avons intérêt à ce que la lumière soit faite sur les raisons, sur les conditions dans lesquelles il a été tué et par qui il a été tué ».