Avec 22 courses du Dakar à son palmarès, Pascal Thomasse prend sa retraite, «sans regrets». Pour son baroud d'honneur, cet ancien champion de France des rallyes avait peint son Optimus Evolution 5 aux couleurs du quadricolore de l'île Maurice, patrie qui l'a adopté depuis 13 ans. A 73 ans, il en a connu des Dakar et celui de 2025 était, selon lui, le plus difficile de tous.
Quel est le sentiment qui vous anime à la fin de ce Dakar 2025 ?
C'est plein de sentiments partagés, de la fierté, du bonheur et de l'émotion puisque c'est ma dernière course. Cela fait 40 ans que je fais de la compétition, j'ai eu plein de succès. On finit en beauté quand même puisqu'on était dans les quinze premiers pendant toute la course et il n'y a eu qu'un problème mécanique qui nous a retardés, mais on finit 31e . Je ressens aussi beaucoup d'émotion puisque j'ai coaché Yazeed Al Rajhi (Ndlr: le vainqueur cette année) pendant un an, il y a dix ans de cela. Le fait qu'il gagne ce Dakar, qui est mon dernier Dakar, est un cocktail détonnant d'émotions.
Vous avez coaché un futur vainqueur du Dakar. Pouvez-vous nous en dire plus ?
J'avais été approché par le directeur de Citroën Sport à l'époque, Yves Matton qui était aussi l'agent de Yazeed qui était un pilote de WRC qui faisait le championnat du monde et qui voulait se mettre au rallye-raid. Et il cherchait quelqu'un pour l'apprendre à conduire en rallye-raid, l'orienter dans l'achat des véhicules et lui chercher un coéquipier qu'il a actuellement. À l'époque, Yazeed n'était pas connu et tous les bons coéquipiers veulent être avec des pilotes qui veulent gagner le Dakar, donc imaginez les négociations financière.
On peut dire que je lui ai mis le pied à l'étrier. Il y avait une grande histoire entre nous, j'allais en Arabie Saoudite tous les mois pendant une semaine et je lui trouvais des voitures comme indiqué dans le contrat. J'étais hébergé par ce milliardaire qui pèse 30 milliards de dollars. Et quand il m'a demandé combien je voulais gagner pendant cette année, il a dit au patron de Citroën : «tu es sûr qu'il est compétent parce qu'il m'a demandé beaucoup», c'était beaucoup d'argent. Il m'avait pris parce que j'avais fait 9e en 2013 avec une petite voiture et cela l'avait impressionné.
On partait faire des séances d'essais au Maroc et tenez-vous bien, je le coachais depuis... l'hélicoptère ! J'ai vécu une année extraordinaire. C'est un garçon charmant, même s'il est milliardaire. Quand il me voit, il traverse la rue et m'embrasse. Ce n'est pas moi qui ai fait sa carrière, mais c'est valorisant pour moi de le voir gagner.
Quelle a été la principale difficulté de ce Dakar, pour vous ?
Tout a été difficile, le climat a été horrible. Il faisait 2 ou 3 degrés la nuit, surtout quand on dormait sous les tentes dans le bivouac de l'étape marathon. La course a été horrible avec jamais autant de cailloux, de dunes ou de navigation. Comme les voitures deviennent de plus en plus compétitives, les organisateurs essayent d'augmenter la difficulté du terrain pour les premiers pilotes. Mais quand tu es amateur et que tu n'as pas les moyens, c'est super difficile. Ça a été un Dakar, pas épouvantable, mais vraiment difficile. On a «bouffé» des cailloux, de la poussière et des dunes, c'est le Dakar le plus dur que j'ai fait et pour les autres concurrents qui ont une dizaine de Dakar à leur actif, ils ont trouvé cela très dur, que ce soit avec l'étape de 48h chrono, l'étape marathon ou les trois dernières étapes dont celle dans l'Empty Quarter.
S'il fallait retenir un ou deux moments forts de ce Dakar, lesquels ce seraient ?
C'est l'étape de 48 heures chrono. Il y a 1 000 km, dont 250 km de dunes, à parcourir en deux jours et sans assistance. Et là, on termine dans les vingt premiers. L'autre moment fort, c'est la relation extraordinaire et exceptionnelle avec mon coéquipier Arnold Brucy. J'avoue que j'adorais presque me perdre parce que quand on était perdu, il est tellement structuré et tellement organisé qu'on ne se perdait pas très longtemps. Il est jeune, c'est un futur très grand coéquipier et je pense que d'ici quelques années, il pourra monter dans une voiture qui pourra gagner le Dakar parce qu'il a le niveau.
Vous avez pris la décision d'arrêter, est-ce définitif, car mine de rien, vous maîtrisez de plus en plus les dunes de l'Arabie Saoudite ?
C'est marrant que vous me posiez cette question, car tout le monde me la pose en ce moment. Il y a plus de deux cents personnes qui me l'ont demandé : est-ce que je vais arrêter ou continuer parce que justement, j'ai fait un très beau Dakar. J'ai l'âge que j'ai (Ndlr : 73 ans) et à un moment, le corps lâche un peu et on est moins performant. Ceci dit, cette année, j'ai roulé comme il y a 30 ans parce que j'avais les mêmes performances. La preuve, c'est qu'à trois ou quatre jours de l'arrivée, j'étais deuxième dans la team MD Sport alors qu'il y a dix véhicules où il y a des jeunes pilotes compétents. On était en lice pour une quinzième place au général et la victoire en deux roues motrices. Je veux partir maintenant et je suis très heureux de partir et je ne regrette rien. Je pense que je reviendrai sur le Dakar, sans doute avec un autre rôle de coach ou d'accompagnateur, mais je pars tranquille.
Est-ce que vos amis de MD veulent votre retour ? Qu'ont-ils dit sur votre participation cette année-ci ?
Chez MD, ils veulent que je revienne parce que je suis le pilote qui a fait le développement de la voiture et qui a apporté les résultats. Et cette année encore, après avoir cassé la pièce de la voiture, parce que je fais partie des pilotes qui vont le plus vite, ils ont fait la modification sur toutes les autres voitures le soir même. Quand t'as quelqu'un comme moi qui va vite et qui est fiable, t'as envie de le garder et cela permet de faire évoluer la voiture. Sans prétention aucune, je pense être une référence dans le milieu du rallye-raid, soit quelqu'un qui a une valeur, quelqu'un qui est sérieux, honnête et fiable.
Quel bilan peut-on faire du parcours de Pascal Thomasse à plusieurs Dakar?
Dans la vie d'un sportif de sport automobile, le Da- kar, c'est une vie. Vingt-deux Dakar, c'est vingt-deux années. Quand on prépare un Dakar, on le fait pendant six mois par exemple en trouvant le budget. Personnellement, le Dakar m'a fait vivre six mois. Le Dakar, c'est une référence qui nous apporte plein de choses et plein de relations et il a fait une grande partie de ma vie. Je dis merci aux organisateurs du Dakar parce que c'est une course exceptionnelle. C'est le seul endroit où tu peux côtoyer des professionnels et des amateurs. Le Dakar sera encore là pour encore de belles années.
Infos
Son palmarès au Dakar
2025 : 31e
2024 : 122e (48e ultimate, co-pilote Arnold Brucy)
2023 : 19e (copi. Gérard Dubuis)
2020 : 31e (copi. Christophe Crespo)
2015 : abandon
2014 : ab. (copi. Pascal Larroque)
2013 : 9e (copi. Pascal Larroque)
2012 : 26e (copi. Pascal Larroque)
2011 : 17e (copi. Pascal Larroque)
2010 : ab. (copi. Pascal Larroque)
2009 : 28e
2007 : abandon
2006 : abandon
2005 : 40e
1991 : abandon
1990 : abandon
1989 : abandon
1988 : 20e
1987 : abandon
1984 : 12e
1983 : 50e
Caractéristiques de la voiture
Marque : MD
Modèle : OPTIMUS
Motorisation : V8 Chevrolet (6,2 litres)
Puissance : 400 cv
Longueur : 4,11 m
Capacité réservoir : 400l.
Préparateur : MD Rallye
Assistance : MD Rallye
Classe : T1.2 : Voitures Tout-terrain
Prototypes 4x2