Pour Harrish Reedoy, président de l'United Deputy Rectors and Rectors Union (UDRRU), cette journée internationale met en lumière le rôle crucial de l'éducation dans la transformation des individus et des sociétés. Cependant, plusieurs défis majeurs restent à relever, à commencer par la pénurie d'enseignants et les retards dans les recrutements. «La pénurie d'enseignants constitue un problème majeur, aggravé par des délais importants dans les procédures de recrutement. Cette situation surcharge les enseignants en poste et compromet la qualité de l'enseignement offert aux élèves», déplore-t-il.
Il souligne également le manque de soutien aux enseignants. «Les enseignants doivent jongler entre des tâches administratives, la gestion des classes et l'adoption de nouvelles approches pédagogiques. L'absence d'un soutien psychologique et professionnel adapté pour les aider à relever ces défis est alarmante», ajoute Harrish Reedoy. Les élèves, quant à eux, font face à des défis émotionnels, sociaux et comportementaux de plus en plus complexes. «Problèmes de santé mentale, instabilité familiale, abus de substances... Ces situations appellent des interventions ciblées et un renforcement des structures de soutien», explique le président de l'UDRRU.
Harrish Reedoy s'inquiète également du décalage entre le curriculum actuel et les besoins d'un monde en constante évolution. «Les compétences telles que la pensée critique, la résolution de problèmes et la maîtrise du numérique sont encore trop peu intégrées. Résultat : les élèves se retrouvent mal préparés pour l'enseignement supérieur et le marché du travail», constate-t-il. Enfin, il met en lumière les lacunes dans l'environnement scolaire. «De nombreuses écoles secondaires publiques manquent de ressources essentielles. Par exemple, certaines ne disposent pas de gymnases tandis que les laboratoires d'informatique sont souvent équipés d'ordinateurs obsolètes ou insuffisants. Ces disparités affectent surtout les établissements en régions rurales, créant de graves inégalités éducatives», déplore-t-il.
Des disparités scolaires criantes
Pour faire face à ces défis, Harrish Reedoy propose des solutions concrètes. «Le ministère de l'Éducation doit accélérer le recrutement des enseignants. Un système de recrutement rapide comblerait les lacunes actuelles et allégerait la pression sur les enseignants en poste. Il est également essentiel de mettre en place des programmes de développement professionnel continu pour permettre aux enseignants d'adopter des méthodes pédagogiques modernes, de gérer leurs classes efficacement et de répondre aux besoins spécifiques des élèves. Ces formations doivent être intégrées à leur charge de travail», ajoute-t-il. Sans oublier que les écoles doivent être pourvues d'infrastructures technologiques. «Toutes les écoles doivent être dotées d'une connexion Internet fiable, d'ordinateurs modernes et de salles de classe intelligentes. Les enseignants doivent également être formés pour intégrer ces outils efficacement dans leurs pratiques pédagogiques.»
Mais les propositions ne s'arrêtent pas là. Harrish Reedoy insiste sur la nécessité de moderniser le curriculum pour y intégrer les compétences du 21e siècle telles que la pensée critique, les compétences numériques et la sensibilisation à l'environnement. «La collaboration avec des experts et des parties prenantes est cruciale pour concevoir un curriculum qui réponde aux réalités locales et globales», explique-t-il. Il préconise également de revitaliser le Bureau d'écoute et de soutien (Student Care and Counselling Desk) afin de mieux répondre aux besoins émotionnels et comportementaux des élèves. «Cela passe par la formation d'un plus grand nombre d'éducateurs aux techniques de conseil, ainsi que l'établissement de partenariats avec des travailleurs sociaux et des psychologues», précise-t-il.
La réduction des inégalités entre les écoles est un autre point clé. «En particulier dans les régions rurales, le gouvernement doit garantir une répartition équitable des ressources. Cela inclut la construction de gymnases, la modernisation des laboratoires d'informatique et l'approvisionnement en matériels pédagogiques adaptés à tous les établissements», souligne Harrish Reedoy. Selon lui, les parents et la communauté doivent également jouer un rôle actif dans le soutien à l'éducation. «Les écoles doivent organiser des ateliers et des séminaires pour impliquer davantage les parents dans l'éducation de leurs enfants, tout en promouvant une culture de collaboration et de responsabilité partagée», ajoute-t-il.
Face à ces nombreux défis, Harrish Reedoy lance un appel à l'action. «Les obstacles dans le secteur de l'éducation sont importants, mais pas insurmontables. En les affrontant avec détermination et en travaillant ensemble, nous pouvons transformer le paysage éducatif mauricien. L'UDRRU reste résolue à défendre l'amélioration de notre système éducatif. J'appelle le ministère, les enseignants, les parents et tous les acteurs concernés à unir leurs efforts pour bâtir un avenir où chaque enfant aura accès à une éducation de qualité et pourra exploiter pleinement son potentiel.»
De son côté, Yugeshwur Kisto, président de la Government Secondary School Teachers' Union, met en lumière la crise des vocations enseignantes. «Cette situation est particulièrement préoccupante, car elle touche la base même de notre système éducatif. Pour y remédier, il est indispensable de revaloriser significativement le métier d'enseignant. Cela passe par une amélioration notable des conditions de travail, unerevalorisation salariale et la mise en place d'un programme structuré pour accompagner les nouveaux enseignants. La formation continue doit également être repensée afin de favoriser un développement professionnel enrichissant et constant», explique-t-il.
Il alerte également sur l'inégalité croissante au sein du système éducatif. «L'écart entre les établissements se creuse dangereusement, donnant lieu à un système à deux vitesses. Pour y remédier, il est essentiel de repenser la distribution des ressources éducatives. Il faut mettre en place un programme de soutien scolaire accessible à tous et garantir un accès équitable aux outils numériques», ajoute-t-il.
La question du bien-être des élèves constitue une autre grande préoccupation. «Les niveaux alarmants de stress et d'anxiété chez les élèves, souvent exacerbés par une pression académique excessive, nécessitent une approche globale. Cela inclut l'intégration de psychologues scolaires dans chaque établissement, ainsi que la mise en oeuvre de programmes de gestion du stress. De plus, il est crucial de repenser notre système d'évaluation afin de réduire la pression liée aux examens, tout en maintenant l'excellence académique», insiste Yugeshwur Kisto.
La gestion des ressources éducatives pose un autre défi majeur. «Les infrastructures vieillissantes et le manque de matériel pédagogique moderne nuisent à la qualité de l'enseignement. Un plan ambitieux de rénovation et de modernisation doit être instauré, soutenu par des partenariats public-privé innovants et une meilleure optimisation des ressources existantes», préconise-t-il.
Pour relever ces défis, une approche systémique est indispensable. «Il nous faut une vision à long terme coordonnée entre tous les acteurs du secteur éducatif. Cela passe par une augmentation significative du budget de l'éducation et par la recherche de financements alternatifs. L'engagement de toutes les parties prenantes, des enseignants aux parents, en passant par le secteur privé, est crucial», affirme-t-il. Yugeshwur Kisto plaide pour une mise en oeuvre progressive et réfléchie des réformes. «Des projets pilotes permettront de tester et d'affiner les solutions avant leur généralisation. Une évaluation continue et des ajustements réguliers seront essentiels pour garantir l'efficacité des mesures adoptées.»
En conclusion, il souligne que, bien que les défis soient nombreux, ils ne sont pas insurmontables. «La clé de la réussite réside dans notre capacité à maintenir une vision claire et à long terme, à mobiliser les ressources nécessaires, et à encourager une collaboration étroite entre tous les acteurs du secteur éducatif. L'avenir de notre nation repose sur notre aptitude à transformer ces défis en opportunités pour construire un système éducatif plus équitable, performant et adapté aux exigences de notre époque», conclut-il.