Il faut s'attendre à une cérémonie grandiose pour marquer la lecture du discours programme par le président de la République, Dharam Gokhool, cet après-midi. Ce, suivant l'installation d'un nouveau gouvernement dirigé par Navin Ramgoolam après la victoire électorale de l'Alliance du changement, le 11 novembre 2024.
Très peu d'informations ont filtré du contenu de ce discours très attendu qui se veut être un moment marquant, en esquissant les grandes lignes stratégiques du gouvernement. Cet exercice, plus qu'une simple formalité, constitue une opportunité pour établir une feuille de route concrète et répondre aux défis économiques, sociaux et environnementaux auxquels le pays est confronté aujourd'hui.
Concrètement, le discours programme reprend les grands axes des mesures phares énoncées dans le manifeste électoral de l'Alliance du changement et proposées à l'électorat durant la dernière campagne électorale. Loin d'être un catalogue de propositions et d'annonces, le grand oral du nouveau président définira la vision économique que Navin Ramgoolam et son équipe entendent développer pour le pays durant la présente mandature et les grands chantiers que le gouvernement se propose d'ouvrir.
La publication récente du rapport State of the Economy, qui met en lumière la dilapidation des ressources financières sous l'administration précédente et des statistiques faussées sur la croissance, le Produit intérieur brut et le ratio de la dette publique, offre un tableau alarmant de la situation économique. Le discours programme devra répondre directement à ces problématiques avec des mesures audacieuses et des objectifs réalistes.
Au ministère des Finances, où la responsabilité de la rédaction des mesures prioritaires a été confiée au chief economist, Gilbert Gnany, l'urgence est à la refonte complète de la gestion des finances publiques. Il est attendu que le gouvernement annonce des mesures pour réduire le gaspillage, rationaliser les dépenses et renforcer la transparence dans l'utilisation des fonds publics. Une Fiscal Responsibility Act devrait figurer en bonne place. Le Premier ministre, comme le leader du Mouvement militant mauricien, Paul Bérenger, aujourd'hui le numéro 2 du gouvernement, ont plus d'une fois insisté sur l'adoption d'une telle loi pour éviter qu'un bilan économique aussi désastreux que celui laissé par le gouvernement précédent se reproduise et engager des poursuites contre ceux qui en ont été responsables.
Dans la même foulée, on peut espérer des mesures concrètes sur le front de la politique monétaire, avec une roupie qui n'arrive pas à se stabiliser face à un dollar en forte hausse depuis l'élection de Donald Trump. Une situation qui impacte directement sur le pouvoir d'achat des ménages et sur le coût de la vie.
Outre la reconstruction de l'économie, il y a des défis sectoriels. Avec un taux de chômage en hausse chez les jeunes, le discours programme devra détailler des stratégies pour stimuler les secteurs porteurs tels que le tourisme, l'économie bleue et les technologies de l'information. L'accent devra également être mis sur les petites et moyennes entreprises, qui sont le moteur de l'économie locale. Parallèlement, la dépendance excessive de Maurice vis-à-vis des importations rend le pays vulnérable aux fluctuations des prix mondiaux. Le gouvernement devra présenter des initiatives pour renforcer la production locale, encourager l'agriculture durable et explorer les énergies renouvelables afin de réduire la facture énergétique.
La confiance dans les institutions publiques a été érodée ces dix dernières années. L'Alliance du changement devra proposer des réformes institutionnelles pour garantir une gouvernance efficace, la lutte contre la corruption et une justice impartiale. Le discours programme indiquera sans doute le sort qui sera réservé à la Financial Crimes Commission tant décriée par l'opposition d'alors et l'opinion publique depuis qu'elle a remplacé l'Independent Commission against Corruption. Le manifeste électoral a proposé de la remplacer par «une puissante institution anti-corruption». On saura si le modèle britannique du Serious Fraude Office sera privilégié.
Sur le plan de la diplomatie, on saura si l'espoir de la signature prochaine du traité sur les Chagos avec les Britanniques est toujours permis, compte tenu de la posture adoptée par la nouvelle administration Trump ces derniers jours. Le discours programme sera également scruté sous l'angle des réformes sociales. L'éducation et la santé restent des secteurs prioritaires, mais les attentes sont grandes quant à l'adoption de mesures pour faire face au vieillissement de la population, un défi majeur pour le système de protection sociale et le marché du travail.
Il ne sera pas seulement jugé sur son contenu, mais également sur sa faisabilité. La population attend des mesures concrètes et réalisables, loin des promesses électorales. Il s'agit pour l'Alliance du changement d'établir une rupture claire avec la gestion précédente et de prouver sa volonté de remettre le pays sur la voie de la prospérité. Dans un contexte économique et social compliqué, le discours devra concilier ambition et pragmatisme pour convaincre que l'Alliance du changement est à la hauteur des attentes.
Le verdict, lui, sera rendu par le peuple, non pas à travers des applaudissements dans la salle, mais par la réaction de chaque citoyen face aux réformes annoncées et à leur mise en oeuvre. Cette étape n'est qu'un début - le vrai test commence maintenant.