Sous le thème « L’émergence de l’intelligence artificielle : quels défis et opportunités pour le développement et la stabilité de l’Afrique ? », un panel d’experts s’est réuni ce 23 janvier pour discuter des perspectives et des enjeux liés à l’intelligence artificielle (IA) sur le continent africain.
Cette conférence, modérée par M. Grégory Rayko, responsable de la rubrique internationale de The Conversation France, a rassemblé des personnalités de renom, notamment M. Thomas Mélonio, économiste en chef et directeur exécutif du département de l’innovation à l’AFD, et Mme Sandra Kassab, directrice du département Afrique de l’AFD depuis janvier 2025.
Croissance économique et IA - Une dynamique prometteuse
M. Thomas Mélonio a ouvert les discussions en analysant la croissance économique actuelle de certains pays africains.
Il a ainsi souligné que des nations comme le Bénin, le Cap-Vert, la Côte d’Ivoire, l’Ouganda et la Tanzanie affichent des taux de croissance dépassant les 6 %, un signe encourageant d’une dynamique stable et soutenue.
Le Sénégal, boosté par ses ressources pétrolières et gazières, devrait également connaître une progression économique notable. Dans le même élan, la même source précise que, la République démocratique du Congo et la Zambie, grâce à leurs gisements de cuivre, disposent d’atouts stratégiques pour renforcer leur positionnement économique, à condition de maximiser la valeur ajoutée de leurs ressources.
Cependant, Mme Françoise Rivière et Mme Julia Brouillard intervenantes, de ce panel, ont alerté sur les défis liés au financement du développement.
Selon elles, l’aide publique au développement (APD) ne représente plus que 2 % du PIB africain en 2022, marquant une baisse significative en termes d’impact. Cette diminution des flux financiers traditionnels, combinée à une hausse de l’endettement public passé de 31 % du PIB en 2010 à 67 % en 2023, met en évidence un besoin urgent de diversifier les sources de financement, notamment via le secteur privé.
L’intelligence artificielle comme moteur de transformation
L’intelligence artificielle, au cœur des discussions, a été présentée comme un outil stratégique pour relever ces défis économiques. M. Paulin Melatagia Yonta, enseignant-chercheur à l’Université de Yaoundé I, a rappelé que l’IA n’est pas un concept récent, mais son développement exponentiel depuis 2020, notamment avec les IA génératives, ouvre de nouvelles perspectives pour l’Afrique. Il a cité la startup sénégalaise AWA comme un exemple de réussite africaine dans ce domaine. Toutefois, il a mis en garde contre certains risques, tels que la dépendance aux données stockées hors du continent et le rôle limité des ingénieurs africains dans la conception de ces technologies.
M. Cheikh Ndongo Consultant Data / IA représentant légal et Board Advisor Datapop Alliance, et M. Fabien Gicguelay, Coordinateur et conseiller digital, Expertise France, filiale du Groupe AFD, ont salué ces réflexions en soulignant l’importance de l’IA pour l’inclusion numérique, notamment à travers le développement d’applications adaptées aux langues locales. Ils ont également évoqué le potentiel de l’IA dans l’agriculture de précision et son rôle dans la transformation du marché de l’emploi, en tant qu’outil de soutien plutôt qu’en substitut au capital humain.
Des défis persistants et une résilience admirable
Mme Sandra Kassab, dans son intervention finale, a tenu à rappeler la résilience impressionnante du continent face aux défis mondiaux, notamment la pandémie et la guerre en Ukraine.
Avec une croissance économique de 3,5 % en 2024, légèrement supérieure à la moyenne mondiale, l’Afrique prouve sa capacité à s’adapter. Cependant, elle a mis en garde contre les pressions inflationnistes, l’instabilité géopolitique et les tensions financières globales, qui freinent la pleine réalisation de ce potentiel.
La conférence a également mis en lumière l’urgence de renforcer les infrastructures numériques et de favoriser une appropriation locale de l’intelligence artificielle. « L’avenir de l’IA en Afrique dépendra de la capacité des jeunes talents africains à développer des solutions adaptées aux réalités du continent », a conclu Paulin Melatagia Yonta.
Vers une transformation inclusive et durable
Si les défis économiques et technologiques restent nombreux, l’intelligence artificielle offre des opportunités inestimables pour l’Afrique. En mobilisant ses ressources, en valorisant ses talents et en misant sur des solutions innovantes, le continent pourrait transformer ces obstacles en moteurs de développement durable et de stabilité. Une dynamique à suivre de près dans les années à venir.