Burkina Faso: Dossiers pendants, dossiers « pendus » !

23 Janvier 2025

La justice burkinabè a lancé l'opération casier vide. Plus de deux milles dossiers en souffrance auront enfin une issue judiciaire. C'est un travail de taille qui ne manquera pas de soulever la poussière de toutes ces années de « réclusion » endurées au fond des mouroirs des tiroirs ou des cantines presqu'oubliés. C'est un soulagement pour les mis en cause dont le sort sonne le cliquetis du déclic, parce qu'il ne sera plus renvoyé aux calendes grecques. C'est aussi un soulagement pour les familles de ces infortunés, arrachés aux leurs depuis des lustres, pour certains.

Deux mille dossiers à traiter en dix jours, c'est possible aujourd'hui ! Pourtant, il n'y a pas longtemps, une telle initiative relèverait d'illusion de profanes qui « ne connaissent rien en la justice ». Il n'y a pas longtemps, une telle croisade serait jugée ou taxée de « sacrilège » ou d' « utopie » et peut-être même que des mouvements de robes et de toges s'en suivraient.

On peut même imaginer les écriteaux de slogans des pancartes en mauvaise humeur crier tous les juridismes en vogue pour dire non à une justice

« impulsive », « compulsive » et « expéditive ». Et dire que certains de ces deux milles dossiers à éplucher remontent à plus de dix ans, voire quinze ans. Il y en a qui ont attendu jusqu'au bout de leur vie sans avoir gain de cause. Ils sont morts sans voir un dénouement à leur dossier.

« Le temps de la justice n'est pas celui des hommes », cette phrase est devenue une chanson. Comme pour dire que même à une tombe, on peut rendre justice ! Il ne faut donc pas se presser ! La justice prend son temps pour bien faire chaque chose en son temps, parce que juger est un travail presque divin puisque seul Dieu en a vraiment l'apanage.

Juger, c'est trancher, c'est décider sur la base de preuves ou de faits de qui a raison ou de qui a tort. Juger, c'est libérer ou condamner ! Bref, on ne juge pas les Hommes à la sauvette comme on pèse ou soupèse un poulet avant de l'acheter. Il n'y a pas d'urgence qui vaille plus que les procédures de taille sans faille ; il faut respecter l'orthodoxie en se conformant au droit rien qu'au droit, sans sauter la moindre virgule.

Pour une question de forme, il faut démolir le processus et revenir aux fondamentaux, parce que la forme tient le fond en l'état. Tant pis si les faits sont têtus et le fond tend à remonter à la surface, la justice n'est pas une course de vitesse. C'est une course de fond parfois jalonnée de haies à enjamber pour parvenir à la vérité.

Accusés, patentez, même si c'est derrière les barreaux, restez zen ! Même si cette attente peut paraître comme une peine ! Silence, vous comparaitrez quand le fond et la forme se toucheront à l'horizon du droit en formant une ligne droite perpendiculaire à la motivation des agents « démunis ».

L'indépendance de la justice est consacrée et elle est même sacrée.

Point d'injonction, aucune immixtion ; pour être juste, il faut être libre ; libre de juger, sans pression ni menace, sans aucune influence ! Mais pour qui juge-t-on au juste ? Est-ce pour le prévenu à la barre, pour la victime ou pour la société ? Où étaient-ils, tous ces dossiers pendants ou pendus à la potence du temps qui passe sans que rien ne se passe ? Pourquoi c'est maintenant et pas avant que cette opération se tient ? Au-delà du principe de séparation des pouvoirs, « seul le pouvoir arrête le pouvoir ».

Deux mille dossiers à évacuer en dix jours, c'est un exploit qu'il faut saluer et rééditer dans d'autres secteurs d'activités pour soulager la corvée des citoyens et redorer le blason de l'administration publique. Ainsi, le patient ne marchera pas jusqu'à bout de souffle pour rencontrer vainement le spécialiste de son mal. Le contribuable ne ferait plus le pied de grue devant un guichet sans réseau.

Il n'attendrait plus un an pour une autorisation dont le délai de délivrance est de quarante-cinq jours. Il ne devrait plus attendre parce qu'il n'aurait pas voulu sacrifier à la tradition de la compromission qui passe par la concussion pour avoir satisfaction. Souvent, les dossiers attendaient, parce que les propriétaires n'ont pas déposé un « caillou » dessus !

AllAfrica publie environ 500 articles par jour provenant de plus de 110 organes de presse et plus de 500 autres institutions et particuliers, représentant une diversité de positions sur tous les sujets. Nous publions aussi bien les informations et opinions de l'opposition que celles du gouvernement et leurs porte-paroles. Les pourvoyeurs d'informations, identifiés sur chaque article, gardent l'entière responsabilité éditoriale de leur production. En effet AllAfrica n'a pas le droit de modifier ou de corriger leurs contenus.

Les articles et documents identifiant AllAfrica comme source sont produits ou commandés par AllAfrica. Pour tous vos commentaires ou questions, contactez-nous ici.