Burkina Faso: Ecrivain public - Un métier dans le tourbillon de la digitalisation

23 Janvier 2025

Les écrivains publics jouent un rôle crucial en aidant certains usagers dans la rédaction de certains documents administratifs. Officiant devant les palais de justice ou certains services beaucoup sollicités, ceux-ci offrent leurs compétences ou accompagnent ceux qui ont des difficultés dans le cadre de l'établissement de quelques actes administratifs. Autrefois beaucoup en vogue, ce métier bat de plus en plus de l'aile à cause de la digitalisation des actes administratifs. Nous sommes allés à la rencontre de certains de ces écrivains publics qui, malgré l'ère du numérique, continuent de vivre de ce métier.

Mardi 26 octobre 2024. Il est 9 heures 30 minutes devant le Tribunal de grande instance (TGI de Bobo-Dioulasso, sis au quartier Lafiabougou, secteur 20 de la ville, près de l'aéroport international. Tout au long de la voie menant au palais de justice, se sont installés des jeunes communément appelés écrivains publics. Aboubacar Konaté et Ibrahim Kafando sont deux d'entre eux. Ils ont pour travail commun la rédaction des demandes. Assis sur une chaise avec une petite table sur laquelle on retrouve un lot de feuilles de demande, un cahier sous couvert et un bic bleu, Aboubacar Konaté, titulaire d'un diplôme en Eaux et forêts confie exercer ce travail depuis bientôt 9 ans.

Pour lui, ce métier est une passion. « Moi particulièrement c'est un métier que j'ai aimé parce que depuis ma classe de 6e je savais rédiger les demandes. Donc c'est ce qui m'a vraiment encouragé à exercer ce métier », raconte M. Koné. Ibrahim Kafando, assis également sur sa chaise, témoigne avec un visage jovial que son métier lui permet d'aider plus les justiciables et gagner sa vie. « On aide plus qu'on gagne, parce que c'est devenu notre passion. On oriente beaucoup de justiciables, surtout pour ce qu'il faut pour les documents administratifs », affirme-t-il.

Les deux écrivains publics estiment cependant que leur métier est mal vu par la population. « Nous dirons que 70% de la population nous prennent pour des escrocs parce qu'ils se disent qu'on n'a pas eu de travail, raison pour laquelle on est venu s'installer devant la justice pour arnaquer les gens », dit Aboubacar Konaté avec un air de désolation. Du TGI de Bobo-Dioulasso, nous nous rendons à un autre site au secteur 5 sur l'avenue Charles-De-Gaulle, à côté du haut-commissariat.

Daouda Sanou y exerce comme écrivain public. Il nous fait savoir que ce métier pour lui, est d'aider et de soutenir les gens et non pour le gain. Il ajoute que c'est un métier qui est encouragé par la population. « Il y a des citoyens qui nous encouragent en nous disant qu'on fait du bon travail en accompagnant la population avec nos écrits. D'autres nous font des gratifications », explique Daouda Sanou.

Métier toujours indispensable

Avec la digitalisation, bon nombre de documents peuvent se faire en ligne. Daouda Sanou, Aboubacar Konaté et Ibrahim Kafando témoignent que la digitalisation a une forte influence sur leur métier. Conséquence, l'affluence n'est plus comme avant. « Avant on pouvait rédiger plus de 10 demandes dans la journée au prix unitaire de 300 à 500 F CFA. Mais de nos jours, avec la digitalisation, il y a plus de marché. C'est difficile parce que les justiciables font eux-mêmes leur dépôt en ligne.

Le problème de timbre aussi réduit la clientèle », laisse-t-il entendre. Daouda Sanou abonde dans le même sens. « Nombreux sont les candidats qui déposent eux-mêmes leur dossier en ligne. Mais la minorité vient toujours vers nous pour demander de l'aide. Il y a une différence parce qu'avant, avec les dépôts de concours, on pouvait faire cent demandes par jour. Mais de nos jours avec la digitalisation, c'est un peu compliqué », déplore-t-il. Cette digitalisation, poursuit M. Sanou, les a orientés vers la rédaction d'autres demandes, notamment les demandes de stages ou d'emploi. Mais force est de reconnaitre que certains écrivains se sont adaptés à cette digitalisation. C'est le cas de Ibrahim Kafando.

« Avec cette digitalisation, on peut faire des dépôts de casier judiciaire pour des gens en ligne. Et on lui fait savoir qu'il sera facturé à une telle somme. Après 72 heures, on lui envoie via son WhatsApp et il nous envoie nos frais », indique-t-il. De ce fait, il affirme que cette digitalisation impacte leur métier en matière de gain. « Les gains ont un peu baissé parce que l'affluence n'y est plus. Et le problème de timbres fiscaux qui se pose aujourd'hui, il est très difficile d'en avoir. Ce qui diminue aussi nos gains parce qu'un justiciable ne va pas venir acheter une demande sans timbre », souligne-il.

Toutes les catégories socioprofessionnelles sollicitent les services des écrivains publics. « On rencontre tout type de clients. Les directeurs d'école, des enseignants, des financiers, des étudiants nous sollicitent, parce qu'ils trouvent que nous sommes mieux placés pour le faire », explique Ibrahim Kafando. Catherine Traoré, agent commercial d'une société de la place témoigne qu'elle est satisfaite des prestations qu'offrent ces écrivains publics. « Nous venons vers ces écrivains publics pour régler nos problèmes de demande. En plus, ils nous permettent de gagner en temps et nous les encourageons pour le travail abattu », déclare-t-elle. Pour elle, la digitalisation aura un impact sur l'avenir des écrivains publics.

« De nos jours, on voit que quelques documents sont déjà numérisés, on a plus besoin de faire une demande manuscrite pour avoir un certificat de nationalité. Dans les jours à venir on n'aura plus besoin de ses écrivains publics parce que tout va vers la digitalisation », se convainc Catherine Traoré. Waahid Guira, étudiant en fin de formation en communication, relativise cependant les choses. Pour lui, les écrivains publics sont indispensables pour la société. Ils sont à l'écoute et offrent un rendu satisfaisant. « Malgré la digitalisation il y aura toujours des documents manuscrits et les gens viendront toujours vers les écrivains publics pour solliciter leur aide », fait-t-il savoir.

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