Engagé dans une course au maintien avec l'AJ Auxerre, l'attaquant Lassine Sinayoko, deux buts en Ligue 1, explique à RFI à quel point son inefficacité ne le fait pas de douter quant à ses performances avec son club de coeur. Lors d'un entretien organisé par la Ligue de Football professionnel (LFP) pour RFI, le Malien a également confié son espoir de voir les Aigles disputer le Mondial 2026 malgré des éliminatoires mal engagées.
Lassine, depuis 2017 vous êtes passé par toutes les strates de l'AJ Auxerre : les U19 nationaux, la réserve et aujourd'hui l'équipe seniors. Une telle longévité au sein d'un même club, c'est rare dans le football moderne ?
Je sais que ce n'est pas donné à tout le monde et que le football de maintenant amène à faire beaucoup de changements avec les mercatos. Mais ce club, c'est le seul qui m'ait fait confiance en venant me chercher. Je me dois de lui rendre la pareille. C'est pour ça que je prolonge à chaque fois (il est actuellement lié jusqu'en 2026).
Est-ce qu'il y a un homme qui vous a particulièrement guidé durant vos premières années au club ?
Coach (Jérémy) Spender, l'entraîneur des U19. J'avais fait plusieurs essais à Auxerre et à chaque fois ça ne passait pas. Quand j'étais à l'Entente Sannois Saint-Gratien en U17, Auxerre était dans notre poule. J'avais fait un gros match à l'aller contre eux et malheureusement leur attaquant s'était blessé. Coach Spender a tout fait pour que je vienne. Il m'a donné des conseils pour être accepté par le coach de la CFA. Je lui en suis redevable.
Un autre acteur majeur du club, c'est Guy Roux. Que représente-t-il pour vous ?
C'est un monument ici. Tout le monde lui accorde énormément de respect. De temps en temps, il vient voir les entraînements, les matchs. Il donne de petits conseils pour être plus efficaces, nous enlever le stress. C'est un plus.
Aviez-vous un attaquant de référence en grandissant ?
Je savais que je ne pouvais pas jouer contre lui, mais mon joueur préféré, c'était Neymar. Ce qu'il fait avec le ballon, ça donne du plaisir. Tout le monde s'identifie à ce genre de joueurs. Et actuellement, j'apprécie beaucoup Gabriel Jésus. Je regarde ses déplacements, son jeu collectif. C'est un attaquant incroyable et pas jugé à sa juste valeur.
Que vous manque-t-il pour vous en rapprocher ?
La finition. Le fait d'être clinique. Sans aucune prétention, tout le reste, je le fais assez bien. J'arrive à garder de mieux en mieux les ballons, à aller dans la profondeur, les remises, etc. Il ne me manque que les stats. C'est ça le plus dur dans le foot, savoir à quel moment tirer ou faire la passe. Ce serait mon plus grand axe de progression avec le jeu de tête.
Avec Auxerre, vous avez basculé cette saison de la Ligue 2 à la Ligue 1. Quelles sont les grandes différences ?
Pour moi, c'est un tout autre monde. En L1, ça va beaucoup plus vite. Dans les 30 derniers mètres, offensivement ou défensivement, tu baisses l'attention une fois et tu peux le payer cash. En L2, c'était rattrapable.
Vous marquez moins que la saison dernière. Même si vous êtes passé à l'échelon supérieur, vous arrive-t-il de douter ?
Si je mets le doute dans ma tête, les problèmes vont commencer. Toute l'équipe a confiance en moi. Moi-même, j'ai confiance en moi. À partir de là, le doute n'est pas permis. Je ne me préoccupe pas de ça parce que je fais beaucoup d'autres choses qui sont très bien. Je ne me cantonne pas aux statistiques.
Il y a presque un an, le Mali sortait de la CAN 2024 en quarts de finale après un scénario invraisemblable face à la Côte d'Ivoire (1-2 ap.). Du temps s'est écoulé. Avec du recul, avez-vous une explication à ce scénario complétement fou ?
Ça me fait toujours autant mal parce que le match, on le maîtrisait. Ce soir-là, il leur est arrivé un truc incroyable, mais tu refais le match dix fois, pas sûr qu'ils le gagnent plus de deux fois. C'est ça qui fait mal. Le peuple s'en est relevé. Tout le pays espère qu'à la prochaine CAN, on fasse de meilleures choses.
Le sélectionneur malien de l'époque Éric Chelle a rebondi en rejoignant récemment le banc des Super Eagles du Nigeria. Avez-vous été en contact avec lui ?
Je suis très content pour lui parce qu'avant d'être un bon coach, c'est une bonne personne. Il a eu le courage de me mettre titulaire dans une compétition aussi importante que la CAN devant des joueurs qui jouent dans des clubs plus huppés, en Ligue des champions. Ce qui lui arrive est mérité. J'entendais beaucoup dire que l'élimination à la CAN était à cause de ses remplacements, etc. Pour moi, ça n'a rien à voir. Au match précédent face au Burkina, il avait fait les mêmes changements et ça, c'était très bien passé. Personne n'avait rien dit. Il faut toujours un bouc émissaire.
En raison de blessures, vous n'avez évolué qu'une fois sous les ordres du nouveau sélectionneur Tom Sainfiet. Avez-vous tout de même pu vous imprégner de sa philosophie de jeu ?
Son style de jeu est complètement différent de celui de l'ancien coach. L'utilisation du ballon est différente. Le 4-4-2 losange a disparu pour jouer avec des excentrés et un attaquant comme la plupart des clubs en Europe. On a moins le ballon et on joue plus en contre-attaque. Tout le monde essaie de suivre. Vu le talent dans la sélection, ça va le faire. Tout le monde est uni pour faire de grandes choses.
D'après vous, l'équipe actuelle va-t-elle briser le plafond de verre et rapporter au pays son premier titre majeur ?
Quand je vois la qualité qu'on met à l'entraînement et même pendant les matchs, je me dis pourquoi pas nous. On n'a rien à envier aux autres sélections. Il suffit que tout le monde tire dans le même sens et qu'on ait ce facteur chance qu'on n'a pas eu ces dernières années. L'effectif est bien garni en termes de talent et en nombre.
Le Mali n'est pas en très bonne posture dans les éliminatoires du Mondial 2026 (4e de la Poule I à quatre points du leader, Les Comores). Peut-on imaginer la possibilité d'aller aux États-Unis pour disputer le Mondial ?
Ce serait dingue ! Comme jouer la CAN, qui était un rêve, jouer la Coupe du Monde, ça fait partie des objectifs. C'est vrai qu'on est mal partis, mais ce n'est pas fini. On va tout faire pour atteindre cet objectif. On peut encore gagner tous les matchs, on a l'effectif pour. Il faut y croire.
Il y a eu des résultats négatifs à la maison (Mali 1-1 Centrafrique, Mali 1-2 Ghana). Pourquoi est-ce si difficile de jouer devant votre public ?
Je ne sais pas parce que nous avons un très gros avantage en étant habitués à jouer sous cette chaleur-là. Le public nous soutient, on n'a rien à lui reprocher. Après ce n'est pas facile à cause du terrain surtout pour une équipe comme la nôtre qui joue beaucoup avec le ballon. On n'incrimine personne. Je comprends que le public soit en colère en cas de contre-performance.
Qu'en est-il de la fronde menée par le capitaine Hamari Traoré ? Est-ce encore un sujet entre vous ?
Ça se règle petit à petit. On voit déjà des améliorations dans les conditions réclamées par toute l'équipe. Par exemple, le terrain. On voit les efforts même si tout ne peut pas changer du jour au lendemain. Ce n'est pas qu'Hamari, il s'agissait d'un message collectif. Il a été entendu, il y a du mieux. Si ça continue comme ça, les générations futures n'auront pas les problèmes que nous avons pu avoir.