La pollution de l'air a un effet alarmant sur la santé mondiale. En 2019, elle a été responsable de 4,2 millions de décès dans le monde. L'inhalation de l'air pollué nuit à la santé de bien d'autres façons que par ses simples effets sur les poumons. Plus de 70 % des décès dus à la pollution atmosphérique sont attribuables à des maladies cardiovasculaires, c'est-à-dire des affections touchant le coeur et les vaisseaux sanguins, telles que les crises cardiaques et les accidents vasculaires cérébraux.
Pendant de nombreuses années, les maladies cardiovasculaires ont été considérées comme un problème touchant davantage les pays plus prospères, mais ce n'est plus le cas aujourd'hui.
En Afrique, les maladies cardiovasculaires sont désormais la deuxième cause de décès après les infections respiratoires et la tuberculose. Le nombre de décès dus aux maladies cardiovasculaires est beaucoup plus élevé dans les pays à faible revenu, où l'accès au diagnostic et au traitement est limité par les ressources disponibles. Mais quel rôle joue la pollution dans cette situation?
Les scientifiques Marvellous Adeoye, Mariachiara Di Cesare et Mark Miller expliquent ce que l'on sait et ce que l'on ne sait pas sur la pollution de l'air et la santé cardio-vasculaire en Afrique.
Quelle est l'ampleur du fardeau des décès cardiovasculaires en Afrique ?
Bien que les maladies infectieuses restent une préoccupation majeure en Afrique, les cas de maladies cardiovasculaires augmentent, en particulier dans les zones urbaines. Entre 1990 et 2019, les maladies cardiovasculaires ont fait un bond passant de la 6e à la 2e cause de décès en Afrique subsaharienne. Les chiffres les plus récents montrent qu'au cours de la même période, le nombre de décès dûs aux maladies cardiovasculaires dans la région est passé de 650 000 à 1,2 million.
Plusieurs facteurs expliquent cette hausse des décès dûs aux maladies cardiovasculaires: les changements de mode de vie, la tendance à vivre en milieu urbain et une population croissante et de plus en plus âgée.
Un autre problème est que le continent n'est pas prêt à faire face à l'augmentation du nombre de cas de maladies cardiovasculaires. L'Afrique connaît une pénurie dramatique de spécialistes en médecine cardiovasculaire. En 2018, la région ne comptait qu'environ 2 000 cardiologues pour l'ensemble du continent, qui compte 1,2 milliard d'habitants.
Quelle est l'ampleur de la pollution de l'air en Afrique ?
Alors que la pollution de l'air commence à diminuer au niveau mondial, il existe d'énormes variations régionales, avec la qualité de l'air qui continue à se détériorer dans de nombreux pays à revenu faible ou intermédiaire, y compris en Afrique.
Les estimations des niveaux de pollution de l'air montrent qu'ils sont élevés en Afrique et qu'ils s'aggravent, en particulier dans les zones urbaines. Les niveaux de pollution de l'air sont, en moyenne, trois fois plus élevés que ceux observés dans les régions à revenu élevé telles que l'Europe. Dans l'ensemble, 60 % des pays africains ont connu une augmentation des particules de pollution en suspension dans l'air entre 2010 et 2019.
Les sources courantes de pollution de l'air en Afrique comprennent les émissions des véhicules et les activités industrielles, ainsi que l'incinération des déchets agricoles après la récolte. L'utilisation de combustibles solides dans les habitations, comme le bois, le charbon de bois et les excréments d'animaux séchés, libère également des polluants dans l'atmosphère.
Ce mélange de pollution atmosphérique peut générer toute une série de polluants atmosphériques susceptibles d'affecter la santé de différentes manières. Les polluants comprennent des particules de différentes tailles en suspension dans l'air et des gaz tels que le dioxyde d'azote, l'ozone, le monoxyde de carbone et le dioxyde de soufre.
Qu'est-ce qui manque ?
Les recherches menées dans d'autres régions du monde montrent clairement que la pollution atmosphérique a un impact sur la santé cardiovasculaire. Toutefois, les données relatives à l'Afrique sont limitées en raison du manque de données sur la qualité de l'air - seules 24 des 54 nations africaines sont équipées pour mesurer la qualité de l'air d'une manière ou d'une autre - et d'études portant sur les conséquences pour la santé.
Notre recherche n'a trouvé que six études universitaires explorant l'impact de la pollution de l'air sur les maladies cardiovasculaires dans la région. La majorité d'entre elles se concentrent sur les populations urbaines d'Afrique du Sud.
Il est donc difficile de déterminer l'impact de la pollution de l'air sur la santé dans l'ensemble de l'Afrique.
Néanmoins, notre analyse a permis d'identifier des études montrant des associations claires entre plusieurs polluants atmosphériques et l'augmentation des hospitalisations et des décès dûs à des maladies cardiovasculaires.
Que faut-il faire ?
Il est indispensable d'étendre la surveillance de la qualité de l'air à l'ensemble du continent, puis d'utiliser ces données pour évaluer les liens entre les différents polluants atmosphériques et les maladies cardiovasculaires.
Nous avons besoin de données provenant de différents pays d'Afrique et de zones urbaines et rurales. Cela permettra aux décideurs politiques de cibler les réglementations et les interventions de santé publique.
L'éducation à la santé publique est également essentielle pour sensibiliser aux facteurs de risque liés au mode de vie et aux effets de la pollution atmosphérique sur la santé. Elle permettra aux individus de prendre des mesures pour réduire leur exposition et améliorer leur santé cardiovasculaire.
Marvellous Adeoye, Global health researcher, University of Essex
Mariachiara Di Cesare, Professor in Population Studies and Global Health, University of Essex
Mark R Miller, Reader in Air Pollution and Health, University of Edinburgh