Sénégal: Violences faites aux femmes - Des droits-de-l'hommistes invitent l'Etat du Sénégal à se conformer à ses engagements internationaux

Dakar — La Fédération internationale pour les droits humains (FIDH), de concert avec les organisations qui en sont membres au Sénégal, ont appelé, vendredi, à Dakar, l'Etat sénégalais à se conformer à ses engagements internationaux en matière d'avortement en cas de viol ou d'inceste, en particulier l'article 14 du protocole de Maputo autorisant cette pratique dans ces deux cas.

L'article 14 du Protocole de Maputo engage les États-parties à prendre toutes les mesures appropriées pour protéger « les droits reproductifs des femmes, particulièrement en autorisant l'avortement médicalisé, en cas d'agression sexuelle, de viol, d'inceste et lorsque la grossesse met en danger la sante mentale et physique de la mère ou la vie de la mère et du foetus ».

« On demande à l'Etat du Sénégal de se conformer à ses engagements juridiques internationaux [dans ce domaine]. Ce n'est pas compliqué », a assené Joseph Faye, secrétaire général de la Ligue sénégalaise des droits de l'homme (LSDH), au cours d'une conférence de presse visant à présenter les conclusions et recommandations d'un rapport consacré à ce sujet.

Intitulé « Double peine : les survivantes de viol et d'inceste contraintes de poursuivre leur grossesse au Sénégal », ce rapport a été élaboré par l'Agence nationale de la statistique et de la démographie (ANSD) sur la situation des violences faites aux femmes, en novembre 2024.

« A mon humble avis, s'il y a quelque chose à redresser, ce sont les dispositions de l'article 305 de la Constitution sénégalaise que le juge national continue d'appliquer en écartant les dispositions de l'article 14 du protocole de Maputo, violant ainsi les dispositions de l'article 98 de la Constitution sénégalaise qui étaient claires, en disant que les traités régulièrement ratifiés avaient une valeur supérieure à la loi », a déclaré Joseph Faye.

« Quand on parle de ce qui est droit, on fait référence dans notre contexte à la loi. Et dans ce cas-là, c'est l'article 98 de la Constitution sénégalaise, l'article 14 du protocole de Maputo et les dispositions de l'article 305 qui condamnent l'avortement sur toutes ses formes », a défendu M. Faye.

Joseph Faye considère que « le juge national, en continuant à appliquer les dispositions de l'article 305, viole la Constitution annonce de l'article 92 ».

« Nous souhaitons que l'Etat du Sénégal, qui a signé et ratifié le protocole de Maputo depuis 2004, puisse l'intégrer dans l'ordre juridique national. Ne serait-ce que pour les jeunes filles qui, le matin, en quittant leurs parents pour aller à l'école, sont agressées sexuellement en cours de route et sont obligées de suspendre leur scolarité et de subir une grossesse à cette période de leur vie », a plaidé Joseph Faye.

Oulimata Sène, juriste consultante chargé de projet à l'Association des juristes sénégalaises (AJS), estime qu'en 2025, « il est urgent que le gouvernement s'exprime sur le sujet, garantisse le respect de l'État droit et mène des actions concrètes pour la promotion et une meilleure protection des droits des femmes ».

Le Sénégal doit cela « aux petites filles et aux femmes du pays », a ajouté Mme Sène au cours de cette rencontre avec les journalistes.

Elle ajoute que les organisations concernées demandent à l'Etat de prendre les dispositions législatives et judiciaires nécessaires pour une meilleure protection des femmes et des filles victimes de violences physiques, sexuelles psychologiques et économiques.

Il est également attendu de l'Etat qu'il mette un dispositif efficace d'assistance juridique et judiciaire des victimes de viols et d'inceste, notamment par la mise en place d'un service d'assistance juridique spécifiquement dédié à leur accompagnement.

La FIDH et ses organisations membres - LSDH, NDH, RADDHO -, en partenariat avec l'AJS, saluent « les militants et militantes au courage remarquable qui continuent leur combat pour la légalisation de l'avortement médicalisé au Sénégal en cas d'inceste ou de viol, et luttent pour l'universalité des droits des femmes et des filles malgré les nombreuses menaces et attaques à leur encontre ».

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