Une semaine après avoir été remis à Emmanuel Macron, le rapport sur le rôle de la France dans la répression des mouvements indépendantistes camerounais est présenté ce mardi à Yaoundé au président Paul Biya. Ce document est le fruit d'un travail mené depuis mars 2023 par des historiens camerounais et français, sous la direction de la chercheuse française Karine Ramondy. Un rapport qui s'inscrit dans le cadre de la politique mémorielle voulue par Emmanuel Macron.
Après avoir initié des travaux d'historiens sur la mémoire de la colonisation et de la guerre d'Algérie puis sur le rôle de la France dans le génocide des Tutsis au Rwanda, le président français appelle, en juillet 2022 lors d'une visite au Cameroun, à la mise sur pied d'une commission conjointe chargée de faire la lumière sur l'action de la France au Cameroun pendant la colonisation et après l'indépendance du pays. « Il convient d'établir factuellement » des « responsabilités », précise alors Emmanuel Macron, tout en estimant qu'il s'agissait là d'un « sujet refoulé » en France comme au Cameroun. L'histoire est en effet méconnue, car la répression menée contre les militants indépendantistes par l'armée française puis, après l'indépendance, par l'armée camerounaise du régime d'Ahmadou Ahidjo a longtemps été tue.
Cette volonté d'Emmanuel Macron tarde à se concrétiser : la commission ne voit le jour qu'en mars 2023. Dirigée par la chercheuse française Karine Ramondy, elle est composée à parts égales d'historiens camerounais et français. Durant vingt mois, ces 14 chercheurs ont analysé la nature de la répression et le rôle joué par la France entre 1945 et 1971. Leur rapport est rendu public ce mardi après avoir été remis au président Biya. Ce que l'on sait pour l'heure, c'est que ce document fait plus de 1000 pages et qu'il est assorti de recommandations.
La défiance est de mise côté camerounais
Pour Anicet Ekane du Manidem, parti qui se revendique de l'héritage des indépendantistes de l'UPC, l'initiative d'Emmanuel Macron vise à disculper la France de son rôle dans la répression de l'époque. « On ne peut pas demander au bourreau de faire le bilan de son oeuvre » dit-il, même s'il n'a pas encore connaissance du contenu du rapport.
Pour le professeur Mathias Eric Owona Nguini, il y a aussi beaucoup de défiance du côté des milieux dirigeants actuels à Yaoundé qui redoutent selon lui de voir la France se défausser sur ses alliés camerounais d'alors. Selon un autre universitaire, le professeur Thomas Atenga, la question cruciale, c'est « qui a fait quoi et sous l'impulsion de qui » dans ce que des spécialistes nomment « la guerre du Cameroun » comme on parle de la guerre d'Indochine ou la guerre d'Algérie.
Dans Le Libéralisme communautaire, le président Paul Biya écrivait que l'indépendance du Cameroun fut « arrachée au colonisateur à travers des luttes acharnées » par « de nombreux et dignes enfants » du pays « dont les oeuvres ont été ((saluées et)) réhabilitées » mais sans les nommer. Et à ce jour, il n'existe pas de commémoration officielle au Cameroun pour Ruben Um Nyobe (abattu par l'armée française en septembre 1958), Félix Moumié (mort empoisonné à Genève en 1960), Ernest Ouandié (fusillé en place publique en 1971) et leurs compagnons de lutte.