Depuis ces dernières 48 heures, silence de l'Union africaine. Dernière prise de parole en date du président de la Commission de l'organisation continentale, le 25 janvier. Communiqué jugé pour le moins « déroutant » par plusieurs observateurs. Car bien qu'appelant à la cessation immédiate des hostilités, Moussa Faki Mahamat n'y nommait même pas le M23 et ne mentionnait pas l'implication de l'armée rwandaise. Face à une situation mouvante à l'issue incertaine, les États africains semblent choisir l'attente et la prudence.
Pour le journaliste camerounais Jean-René Meva'a Amougou, spécialiste des relations continentales, « comme souvent, bien que parfaitement conscients de la gravité de la situation, les États africains se cachent derrière le principe de non-ingérence et choisissent d'attendre. » Attendre de voir comment le rapport de forces va évoluer sur le terrain et ce que donneront les initiatives diplomatiques régionales. « Personne n'osera rien dire au Rwanda ou encore à l'Ouganda », ajoute le journaliste, « par peur des conséquences » sur les liens bilatéraux entre pays.
Sur le plan diplomatique, le président rwandais a aussi beaucoup d'influence sur l'Union africaine qu'il a présidée de 2018 à 2019. Pour Richard Moncrieff, directeur Afrique Centrale d'International Crisis Group (ICG), la diplomatie rwandaise, « à force de travail, a réussi à semer la confusion et à diffuser sa grille de lecture de la situation dans l'esprit des diplomates du continent et au-delà ».
Mais avec rapidité, ces derniers jours, « la réalité s'est imposée à tous », ajoute l'analyste. « Le rapport de forces est établi » Pour Richard Moncrieff, « le message de Kigali adressé à Kinshasa est clair. Rien ne peut pour l'instant se faire à Goma sans l'aval du Rwanda. »
Paul Kagame a également présidé la Communauté d'Afrique de l'Est (2019-2021) qui organise un sommet extraordinaire demain, à l'initiative du président William Ruto qui dirige actuellement l'organisation régionale. Dimanche soir, M. Ruto avait annoncé la tenue « dans les prochaines 48 heures » de ce sommet, avec la présence des présidents congolais et rwandais. « J'ai discuté de tenir la réunion mercredi avec à la fois le président Paul Kagame et le président Félix Tshisekedi, et les deux ont confirmé leur participation », a déclaré hier lundi devant des journalistes le président William Ruto, rapporte l'Agence France presse.
Le processus de Luanda en panne
Le président Ruto a ajouté ne pas croire « à une solution militaire » dans la région congolaise. « Une implication directe du M23 et de tous les autres acteurs dans l'est de la RDC est une nécessité », a-t-il ajouté. De fait, une demi-douzaine de cessez-le-feu et trêves ont déjà été décrétés puis violés dans l'est de la RDC. Le dernier cessez-le-feu avait été signé fin juillet.
En décembre, dans le cadre d'un processus de paix chapeauté par l'Angola, désigné médiateur par l'Union africaine, une rencontre entre M. Tshisekedi et M. Kagame a été annulée faute d'entente sur les conditions d'un accord et notamment sur l'ouverture d'un dialogue avec le M23, une requête de Paul Kagamé mais refusée par Félix Tshisekedi. La RDC et le Rwanda avaient pourtant adopté en novembre un document qualifié d'important pour la poursuite du processus de paix dans l'est de la RDC, un plan d'action opérationnel (Conops).