Petit à petit, on assiste à la mise en place de la saison 2025. Enfin une bonne nouvelle pour tous les professionnels du giron hippique, dont l'entraîneur Samraj Mahadia. La Horse Racing Division (HRD), le retour du Mauritius Turf Club (MTC), l'épisode Ribeiro, son amertume de la saison passée sont autant de sujets que le «champion trainer 2023» aborde dans l'entretien.
Voilà maintenant trois mois que le rideau est tombé sur la saison 2024. Quels enseignements tirez-vous de cette campagne, vous qui avez terminé à la deuxième place derrière Dominic Zaki après avoir été sacré champion en 2023 ?
Je peux dire que la situation s'est considérablement dégradée de semaine en semaine en 2024. Nous sommes tombés à un niveau bien bas avec un amateurisme extraordinaire à tous les niveaux, que ce soit dans l'organisation des courses ou même en ce qui concerne la HRD. Nous étions tous emballés à ses débuts, avec la séparation des pouvoirs tout en s'alignant sur les recommandations du rapport Parry. They have not been up to expectations. C'était très médiocre.
La saison dernière a été assez particulière, raccourcie deux fois avec plusieurs soucis sur et en dehors des pistes. Cette saison est-elle à mettre aux oubliettes, selon vous ?
Totalement, mais il ne faut pas oublier que cette saison a été très dure. Elle a été sans doute la pire que j'ai connue en tant qu'entraîneur. Je ne peux qu'espérer que l'on ne revive plus cela à l'avenir. À l'écurie, c'est un véritable sentiment de dégoût qui nous a animé autant les propriétaires que moi même. Nous ressentions un sentiment d'amertume en allant aux courses les samedis.
Quelle en était la cause ?
C'est surtout le déroulement de certaines courses. Dans beaucoup d'épreuves, mes coursiers n'ont pas pu courir leurs chances. Au final, tout le dur travail effectué dans les coulisses n'a pas servi à grand-chose. Mes propriétaires sont, certes, compréhensifs, but they pay the bill at the end of the month! Nous n'avons pas eu de jockey étranger l'année dernière. Malgré plusieurs tentatives, nous nous sommes retrouvés devant des obstacles impossibles à franchir. Nous avons finalement dû faire confiance à des cavaliers mauriciens. Certains ont bien fait, d'autres moins. J'avais dit que je mettrai la clé sous le paillasson si la situation ne s'améliorait pas au niveau des stakesmoney notamment. Mais le MTC nous a dévoilé son plan pour la saison. Nous avons revu notre business plan en conséquence. Si nous avons pu survivre à 2024, nanye pa fer nou per aster!
L'écurie Mahadia a aussi dû composer avec l'épisode Ribeiro l'année dernière. Avec le recul, quel regard jetez-vous sur toute cette affaire ?
C'était un coup dur pour l'écurie et le jockey. Cela a complètement gâché notre saison. Le jockey a ses torts. Oui, il n'a pas nié avoir consommé de la cocaïne lors d'une fête avant son départ pour Maurice, mais le taux de cette substance dans son organisme était infime. Jusqu'à présent, les commissaires n'ont pas pu me confirmer la concentration du produit dans son urine. Personnellement, j'estime qu'ils ont été très sévères envers lui. Il a fait une erreur, inconsciemment.
La police l'a interrogé, il n'a pas été poursuivi. Le bureau du Directeur des poursuites publiques a même «rayé» le dossier. Il a regagné le Brésil sans casier judiciaire. Je n'arrive toujours pas à comprendre l'acharnement dont il a été victime avec une disqualification de 20 mois au terme de deux enquêtes. Il n'a même pas pu faire appel, faute de moyens financiers. Aurait-il subi le même traitement s'il était rattaché à une autre écurie ? Je me pose la question. En toute honnêteté, je pense qu'on a vu bien pire l'année dernière notamment avec un jockey qui s'est jeté de son cheval...
L'embauche d'une cravache étrangère demeure une priorité pour vous. Cette démarche n'est-elle pas paradoxale dans la mesure où la saison sera assez courte, avec toutes les dépenses que cela représente pour sa venue ?
Ma philosophie n'a pas changé. Pour avoir une stabilité à l'écurie, il nous faut un jockey. Mo pa tro krwar dan sa zafer sanz-sanz lame-la. Enn semenn enn zoke lot semenn enn lot. Pour pouvoir être compétitif au plus haut niveau, il nous faut un titulaire étranger, mais qui connaît aussi déjà la piste du Champ-de-Mars car on ne pourra pas attendre qu'il trouve ses marques, ce qui pourrait prendre sept-huit journées. Il nous faut quelqu'un qui connaît bien les rouages du turf mauricien. Nou pena letan pou perdi.
Le nom de Roberto Perez est cité avec insistance sur les réseaux sociaux. Sera-t-il le prochain jockey titulaire de l'écurie Mahadia ?
Je suis effectivement en pourparlers avec Perez, mais il n'est pas le seul jockey avec qui je négocie actuellement. J'ai pris contact avec S'manga Khumalo et Muzi Yeni d'Afrique du Sud. Il y a aussi le Français Marc Lerner, entre autres. En ce qui concerne les Sud-Africains, ils ne sont disponibles que pour trois ou quatre mois, ce qui reste compliqué. Je n'ai pas encore pris ma décision, mais Perez definitely ticks all the boxes. C'est un bon jockey qui a remporté pas mal de courses chez nous. Il est sur ma short list, mais rien n'est confirmé à ce stade.
Il se dit que la saison 2025 se déroulera probablement sur une vingtaine de journées. Parviendrez-vous à rentrer dans vos frais ?
Sur 20 journées, ce sera difficile d'être rentable. Mais si les bruits qui circulent sur les stakesmoney sont fiables, cela voudrait dire que nous serions dix fois mieux lotis en comparaison à ce que proposait People's Turf. Il n'y a définitivement pas photo. Sur 25 journées de courses, je pense que le coup reste jouable pour qu'on puisse s'aligner sur le budget de l'écurie. Tout dépendra du stakesmoney. Mieux vaut avoir 25 journées avec des stakesmoney convenables que 40 journées avec des dotations dérisoires. w Le coup d'envoi se fera probablement en juin.
En tant qu'entraîneur ayant plusieurs employés à votre charge, comment entrevoyez-vous la situation ?
Très difficile, je dois l'avouer. Il ne faut pas oublier que la saison 2024 a pris fin le 6 octobre dernier. Avec une reprise en juin, cela représente environ huit mois sans compétition. Comme on le dit si bien dans le jargon mauricien, nou pe roul lor zant! Je dois ici remercier mes propriétaires, car malgré la situation particulièrement difficile, ils sont restés solidaires. C'est grâce à eux que l'écurie continue de rester en vie. De plus, certains envisagent aussi de faire de nouvelles acquisitions. Un grand merci à eux car sinon, nous ne serions plus là.
Justement, quel sera le nombre des nouvelles unités pour l'écurie Mahadia cette année ?
Je pense que nous aurons une dizaine de nouveaux chevaux. Nous en avons déjà acheté une demi-douzaine provenant d'Afrique du Sud. Nous devrions atteindre notre objectif. Si nos propriétaires en achètent d'autres au cours de la saison, ce ne sera que du bonus.
Vous avez évoqué la HRD en début d'entretien. Vous n'êtes pas sans savoir qu'il a un gros exercice de restructuration au niveau de la Gambling Regulatory Authority en ce moment...
C'est une bonne chose car la HRD a été very average l'année dernière. Pour ma part, je savais qu'elle serait démantelée. On entend dire qu'il y aurait une nouvelle entité. Le plus important, c'est d'avoir des professionnels de courses. Ou pa kapav gagn enn dimounn ki asiz dan enn biro e ki zame li pa finn touss enn seval dan so lavi. Mais il faut aussi des gens qui connaissent le setup mauricien. Les courses qui se déroulent en Europe ou ailleurs sont différentes de celles que nous avons ici. La spécificité est différente, de même que notre piste et la façon dont nos jockeys montent. Il faut comprendre le Mauritian racing pour pouvoir en juger. Le mot-clé reste bien évidemment l'intégrité.
Un mélange de commissaires étrangers et mauriciens est-il primordial selon vous ?
Définitivement. Je pense ici à des personnes comme Alain Rousset, le Dr Abdullah Atchia ou même Yahia Nazroo, qui est un legal advisor. Car il ne faut pas oublier que l'aspect légal prend de plus en plus son importance dans le giron hippique. Il faut impérativement avoir une personne qui possède une bonne connaissance légale sur le panel des commissaires.
La compétition s'annonce palpitante cette année avec le retour annoncé des écuries Gujadhur et Foo Kune notamment. C'est forcément une bonne nouvelle pour les turfistes...
Absolument. J'accueille leur retour très favorablement. Il y a aura probablement aussi les écuries Rameshwar Gujadhur, Merven, Maingard, voire même Soodesh Seesurrun à la tête de sa propre écurie. Nous parlons ici de la crème des entraîneurs, qui ont fait la gloire de l'hippisme mauricien et du MTC. Ils ne viendront certainement pas avec la fleur au fusil. La famille Gujadhur, par exemple, possède beaucoup de moyens pour acheter de bons chevaux, tout comme Paul Foo Kune. C'est forcément bon pour la compétition. Nous allons aussi devoir nous armer afin de rivaliser avec eux. C'est pour cela que je fais un peu un clear out au niveau de mon effectif...
La vente récente de cinq de vos chevaux à la Global Equestrian Ltd s'inscrit-elle dans cette logique ?
Ce n'est un secret pour personne que je possède un gros effectif. Pendant deux ans, j'avais à ma disposition le yard de l'écurie Gujadhur, mais avec son retour imminent à la compétition, je vais devoir transférer mes chevaux ailleurs. Je dois faire face à un problème de boxes, mais aussi de coursiers vieillissants. Certains parmi eux sont avec moi depuis l'ouverture de mon écurie. Il a fallu faire de la place pour les nouvelles unités, d'où la vente de ces coursiers.
La demi-douzaine de coursiers de la famille Nagadoo et du River Palace Syndicate seraient aussi sur le départ. Vous confirmez ?
Tout à fait. Arveen Nagadoo a fait une demande pour une écurie. Je pense qu'il possède maintenant les aptitudes pour rouler son propre yard. Il a été à mes côtés pendant presque trois ans. Je lui ai enseigné tout ce que j'ai pu. Je serai très content qu'il puisse réussir dans cette nouvelle aventure. Sans faire offense à l'ancienne garde des entraîneurs, je pense qu'il nous faut encourager la nouvelle génération. They are the future of racing. Je n'ai aucun doute qu'Arveen fera très bien si on lui en donne la chance.
Quelles sont vos attentes pour cette saison 2025 ?
Je pense que tout le monde attend le retour du MTC avec impatience. Le public surtout. La compétition sera très rude et c'est ce que nous recherchons : des arrivées époustouflantes et surtout give the public a run for their money. J'espère qu'on aura de bons chevaux et de bons jockeys et que la compétition sera fair and square. Que le meilleur cheval et le meilleur entraîneur l'emporte. Que le spectacle soit.