Ile Maurice: Discours-programme - Un pont vers l'avenir pour rompre avec le passé

Avec le discours-programme, l'Alliance du changement, au pouvoir depuis le 11 novembre 2024, entame une nouvelle étape de sa gouvernance. Finis les applaudissements et les congratulations : le tandem Ramgoolam-Bérenger doit maintenant passer à l'action pour transformer en réalité, d'ici 2029, l'ambitieux projet de société largement plébiscité par l'électorat l'année dernière et présenté dans le programme gouvernemental.

Placé sous le thème A Bridge to the Future, ce discours-programme identifie les grands enjeux économiques, sociétaux et environnementaux du pays, et ouvre d'importants chantiers pour y répondre. Ce document amorce un véritable virage stratégique, marquant une rupture avec le passé, un engagement cher au leader du Parti travailliste et l'actuel Premier ministre. Une idée-phare qu'il avait défendue tout au long de la dernière campagne électorale et qui est au coeur des 40 pages de ce document.

S'il y a un mot qui revient comme un leitmotiv dans le Grand oral du président de la République, c'est bien celui de reconstruire. Il s'agit de reconstruire une économie marquée par une gestion désastreuse, un service de santé souvent défaillant, un système d'éducation qui «drops out» trop d'enfants ou encore une démocratie affaiblie par des abus. Bref, tout à refaire pour redessiner le futur de Maurice.

L'économie au cœur des priorités

Le chantier le plus important reste, de loin, celui de l'économie, comme le souligne l'état des lieux présenté dans The State of the Economy. La reconstruction économique proposée repose sur un nouveau modèle qui privilégie une croissance fondée sur les activités à forte valeur ajoutée. Cette approche s'éloigne de la stratégie traditionnelle basée sur des secteurs traditionnels tels que l'agriculture et le textile pour s'appuyer sur des domaines plus innovants comme l'économie bleue, verte et numérique.

Plus encore, ce nouveau modèle économique rompt avec l'approche précédente, axée sur une croissance tirée par la consommation. À la place, il met l'accent sur l'investissement comme moteur de développement. Ce choix, bien que fondamental, n'est pas nouveau. Comme le souligne l'économiste Azad Jeetun : «The new economic model is thus a return to our original economic approach and philosophy. Investment is a sine qua non for higher growth and employment generation which in turn enables enhanced consumption and sharing of fruits of development.»

L'ancien modèle, soutenu par l'ex-ministre des Finances, a été critiqué par de nombreux économistes. Ces derniers ont alerté sur le poids excessif de la consommation dans le PIB, représentant plus de 70 %, un niveau jugé anormalement élevé. Un tel modèle entraîne des contraintes et des limites majeures : l'endettement des ménages, une trop forte dépendance aux importations (plus de 75 % de ce que la population consomme importés), une balance des paiements fragilisée et une roupie trop souvent sous pression face au dollar. Sans oublier des pressions inflationnistes.

Cependant, pour que ce nouveau modèle économique donne des résultats, il est fondamental que les principales institutions du pays soient bien gouvernées, foncièrement indépendante, protégées des ingérences politiques. L'exemple de la Banque de Maurice, cité dans le discours-programme comme un modèle de reconstruction, doit inspirer d'autres institutions. Cela dit, certaines nominations controversées dans des organismes clé ont déjà suscité des critiques.

Innover pour l'avenir

Au-delà de l'économie, la feuille de route met en avant des secteurs clé appelés à devenir de nouveaux pôles de croissance, comme l'économie océanique, en favorisant la recherche, l'innovation et le développement à travers un National Research Institute. Ces audacieuses ambitions nécessiteront des ressources financières importantes et des compétences adaptées.

Si les ambitions présentées dans ce discours programme sont réalisées, elles pourraient devenir un modèle de prospérité inclusive et de durabilité. Mais pour que ce pont vers l'avenir ne reste pas une simple promesse, il faudra que les intentions se traduisent en actions concrètes.

Un mandat de cinq ans est à la fois long et court. L'heure des bilans pourrait sonner plus vite qu'on ne le pense.

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