Togo: Les grands chantiers de FAURE

29 Janvier 2025
analyse

Le Président togolais Faure Gnassingbé, aujourd’hui médiateur de la CEDEAO dans la crise qu’elle traverse, suite au départ devenu définitif des trois pays de l’AES (Mali, Burkina Faso et Niger), doit aussi faire face à une situation intérieure, avec les élections sénatoriales qui doivent se tenir en 2026.

En effet, avec la nouvelle Constitution adoptée en mai 2023, le pays s’est engagé dans l’ère de la 3ème république, conditionnée par la mise en place des institutions de cette 3ème République avec l’avènement du Sénat, dont les membres tardent à être élus.

Pour rappel, il faut souligner que le Sénat comprendra 61 membres, dont 41 seront élus par les représentants de collectivités territoriales, à l’occasion des élections sénatoriales prévues le 02 Février 2025, et les 20 autres désignés par le Président du Conseil, leader du parti majoritaire, c’est-à-dire l’actuel président Faure.

Justement, le président du conseil qui est une innovation de la nouvelle Constitution, avec toutes les compétences du chef de l’Etat de la 2ème République, aura la plénitude du pouvoir exécutif et sera désormais « le maitre du jeu ». Le Hic c’est qu’au niveau de l’opposition on soupçonne l’actuel président d’avoir des visées sur ce poste, étant donné que son mandat s’achève en Février 2025.

L’enjeu de ces sénatoriales pour le projet politique du Président Faure est, donc, de pérenniser le système Unir avec le parachèvement du dispositif institutionnel (législatif et exécutif), qui de bout en bout sera entre les mains du Parti Présidentiel UNIR et de ses alliés. Dès lors le temps presse pour lui.

D’ici là, il faudra franchir l’étape des élections sénatoriales, avec un gros nuage au-dessus de celles-ci, car deux grandes organisations politiques togolaises à savoir, le parti Alliance Nationale pour le Changement (ANC) et la Dynamique pour la Majorité du Peuple (DMP regroupant des partis et des organisations de la société civile) menacent de boycotter les élections sénatoriales du 2 février 2025.

Or, cette étape importante dans la mise en œuvre de la nouvelle Constitution, promulguée le 30 mars 2024, risque d’être entachée, si l’UNIR s’accapare, comme c’est très probable, de tous les postes en compétition. Déjà à l’Assemblée le parti présidentiel a raflé les 108 députés sur 113.   A moins que Faure n’use de son pouvoir discrétionnaire de nomination pour « équilibrer », avec les 20 membres qu’il va nommer au sein du Sénat, en cooptant parmi eux des membres de la société civile, ou certains petits partis.

Faure devra résoudre cette équation des sénatoriales pour disposer d’un dispositif institutionnel apte à lui permettre de basculer définitivement dans un régime parlementaire et de poursuivre sa gouvernance au Togo avec les mêmes prérogatives. L’opposition semble ne pas lui faciliter la tâche, elle qui menace de boycotter ce scrutin. Elle devra en tout cas tirer les conséquences de ce second boycott.  Au demeurant, le Président Faure sait bien que la poursuite de sa médiation est liée au sort qui sera réservée à ce changement de régime constitutionnel, car son mandat doit s’achever en droit en 2025.

Son rôle de médiateur dans la crise de la CEDEAO, qu’il assure avec son homologue sénégalais Bassirou D. Faye, n’a pas jusqu’ici posé problème, même si certains analystes ont vite fait de parler d’une éventuelle adhésion du Togo à l’AES, à la lumière de récentes déclarations de son ministre des affaires étrangères.

Il faut cependant faire observer que la question, au fond est beaucoup plus complexe que cela.  Ce dont –il s’agit plutôt, en plus de l’aspect politique intérieure, c’est bien le repositionnement diplomatique du Togo sur l’échiquier politique ouest africain, où il était absent depuis un moment. Le quatuor (Côte d’ivoire, Nigéria, Sénégal, Bénin) en première ligne ayant conduit à l’impasse qu’a été la décision d’user de la force contre les pays de l’AES.  Aujourd’hui il est vrai la voix du Togo est beaucoup écoutée, dans un contexte où la question djihadiste semble reléguer au second plan la crise de la CEDEAO, elle-même complètement larguée sur la question sécuritaire en Afrique de l’Ouest. Faure joue sa carte au plan interne avec cette réforme institutionnelle et joue ses intérêts économique et stratégiques au niveau régional. Aura-t-il toutes les cartes en sa faveur, février n’est pas loin ?

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