L’Alliance des États du Sahel, devenue entretemps une confédération, a célébré ce 28 Janvier 2025, l’An I de son existence et donc a posé l’acte final de son départ de la CEDEAO, au terme du délai de préavis statutaire prévu par les statuts de la CEDEAO.
Cet anniversaire, célébré dans les différentes capitales des 3 pays, laisse néanmoins planer beaucoup d’appréhensions sur certaines questions à la fois politiques, économiques et surtout sécuritaires. Si de parts et d’autres on joue la carte de la sortie non conflictuelle, tout en restant ferme sur le principe de la « rupture », il y a néanmoins un point sur lequel tout le monde semble s’accorder ; c’est sur l’ouverture nécessaire à la période de transition de 6 mois suggérée par la CEDEAO, afin de mettre en place de nouveaux instruments et d’opérer les réajustements institutionnels qu’appelle la nouvelle donne.
Au demeurant, il y a un avant-goût d’impréparation, si on observe des cas similaires à travers le monde où des négociations sérieuses ont été menées avec des équipes conjointes sur les différents aspects et conséquences de la rupture. Le cas du BREXIT entre l’Union européenne et la Grande-Bretagne est là.
Or, dans le cas d’espèce, il a été question de désigner deux médiateurs dont la mission était, dans une hypothèse basse, d’empêcher le départ des trois pays de l’AES de la CEDEAO.
À lire les différents communiqués et déclarations, c’est bien maintenant (1er janvier 2025 d’après le ministre malien des affaires étrangères Abdoulaye Diop) que les aspects techniques de la rupture liée aux projets communautaires, au statut des personnels et des bureaux de la CEDEAO dans les pays de l’AES, voire des textes de la CEDEAO eux-mêmes vont être examinés.
S’il est vrai que les pays de l’AES, sûrs de leur projet, ont posé des jalons importants, notamment avec la mise en service des passeports AES en lieu et place de ceux de la CEDEAO et l’harmonisation de leur procédure et système informatique douanier, la libre circulation n’est pour l’instant pas remise en cause.
Cependant, le moratoire « unilatéral » de la CEDEAO ne manque pas de soulever une première série de questions, notamment celui de la contribution des pays de l’AES au budget de la CEDEAO, aux projets communautaires en cours dans leurs pays respectifs : qu’en sera-t-il du projet de monnaie unique dès lors qu’ils ont acté, ce 28 janvier 2024, la fin de leur adhésion à l’organisation communautaire ?
Ne parlons pas de la liquidation des droits des personnels des pays membres, qui est une question très complexe, qui laisse planer le spectre des agents de la défunte compagnie Air Afrique, dont le sort est encore pour certains non résolu.
Loin d’être un signal pour un nouveau départ, cet anniversaire, quoique marquant le début d’une nouvelle ère pour les pays de l’AES, n’en constitue pas moins une fin de la CEDEAO, du moins sous sa forme actuelle, si l’UEMOA résiste au choc. Un autre enjeu au regard des énoncés de l’agenda AES qui parle de monnaie commune, qui pourrait faire tomber tout l’édifice autour de la BCEAO et du CFA.
Pour ceux qui, au départ, avaient qualifié l’irruption de ces régimes militaires comme un feu de paille qui s’éteindrait rapidement et qui les regardaient sous le prisme de régimes autoproclamés illégitimes parce que non issus d’élections, la résilience des pays de l’AES ne manque pas de surprendre.
Justement, c’est la raison pour laquelle cet anniversaire est de ce point de vue singulier. Ces régimes naguère considérés comme « populistes » sont devenus populaires à force de subir toutes sortes de sanctions et devant faire face au péril djihadiste. Sinon comment comprendre la liesse populaire, qui sonne comme un plébiscite, ayant sanctionné le premier sommet des chefs d’état de l’AES en juillet à Niamey ?
La CEDEAO qui semblait avoir les cartes en main par l’effet du nombre 8 contre 3, se retrouve aujourd’hui à gérer les contrecoups institutionnels, politiques et économiques de la naissance et du développement de l’AES sur ses flancs.
Envisager un accord de coopération dans ces conditions semble la voie la plus pertinente pour rétablir les relations diplomatiques normales et sauver ce qui peut l’être encore. C’est-à-dire la sécurité régionale sans laquelle il serait illusoire de parler d’intégration économique, voire de développement.