Cameroun: Les cardiologues veulent que le sport soit obligatoire en entreprise pour stopper les AVC

30 Janvier 2025

DOUALA — La Société camerounaise de cardiologie (SCC) propose au gouvernement du Cameroun de rendre l'activité physique et sportive obligatoire dans toutes les entreprises qui opèrent sur le territoire national.

Selon les explications d'Anastase Dzudié, le président de la SCC, l'adoption d'une telle mesure permettrait de réduire le stress et de maintenir une bonne forme au sein des travailleurs et de la population, diminuant ainsi les risques de maladies cardiovasculaires.

Cette suggestion fait partie d'un ensemble de 10 propositions baptisées « Smart View » que l'organisation estime nécessaires pour réduire la prévalence des maladies cardiovasculaires au sein de la population camerounaise.

"En attendant que le nombre de cardiologues progresse, on peut s'appuyer sur les quelque 30 000 infirmiers en activité. Ils pourraient être formés à la prise en charge des maladies cardiovasculaires comme on l'a fait par le passé avec le Sida"Anastase Dzudié, hôpital général de Douala

En effet, selon un document rendu public fin 2024 par la SCC au cours d'une conférence à Douala, 37 % de la population âgée entre 30 et 79 ans souffrent d'hypertension artérielle.

Dans ce document intitulé « Santé vasculaire au Cameroun : l'appel à l'action », l'hypertension artérielle est à l'origine de 75 % des accidents vasculaires cérébraux (AVC) ainsi que de 50 % des insuffisances cardiaques.

Plus grave, à en croire Anastase Dzudié, par ailleurs cardiologue en service à l'hôpital général de Douala, 50 % des personnes qui souffrent d'insuffisance cardiaque meurent au bout de trois ans.

Le document produit par la SCC souligne aussi que l'obésité fait partie des facteurs à risque des dysfonctionnements cardiaques. Elle « touche 15 % de la population générale et, au-dessus de 40 ans, elle touche quasiment la moitié de la population », peut-on y lire. Mais elle est plus préoccupante chez les enfants, avec une moyenne de 6 % d'enfants de moins de 5 ans touchés.

Dès lors, la SCC appelle le gouvernement camerounais à passer à l'action ; car, rappelle la SCC, une première hospitalisation pour AVC au Cameroun coûte 900 000 F CFA. Un montant inaccessible pour plus de la moitié de la population, soutient-elle..

Formation des infirmiers

Parmi ses autres propositions, la SCC recommande la formation des infirmiers à la prise en charge des maladies cardiovasculaires. Pour une population estimée à 30 millions, « nous ne sommes que 120 cardiologues, par conséquent très peu pour couvrir l'ensemble de la population », constate Anastase Dzudié.

« En attendant que le nombre de cardiologues progresse, on peut s'appuyer sur les quelque 30 000 infirmiers en activité. Ils pourraient être formés à la prise en charge des maladies cardiovasculaires comme on l'a fait par le passé avec le Sida », explique-t-il dans un entretien avec SciDev.Net.

Pour la SCC, il faudrait en outre inculquer aux population la culture de souscrire une assurance maladie et apprendre aux enfants à manger sain et à bouger. Cette dernière recommandation est une nécessité « dans l'environnement camerounais où prospèrent des médicaments et aliments contrefaits », précise Francine Kemayou qui est membre de la SCC.

L'organisation encourage également le gouvernement à investir dans la fabrication locale des médicaments pour le traitement des maladies cardiovasculaires et dans la recherche scientifique.

Parmi les autres propositions figure la sensibilisation ; car il est important, estime la SCC, que la population prenne conscience de ces maladies. Il y a également le dépistage pour faire connaitre à chaque personne son statut.

« En 2017, nous avons lancé une campagne de dépistage des maladies cardiovasculaires. La même année, nous avons eu 17 000 cas. En 2018, 20 000 personnes et en 2019, 30 000 personnes à risque », se souvient Francine Kemayou.

Mobilisation communautaire

Pour relever tous ces défis, la SCC pense qu'une collaboration entre la société civile, les médias et d'autres associations est nécessaire.

Interrogé par SciDev.Net, Fogue Foguito, directeur exécutif de Positive-Génération, une organisation de promotion de la santé et des droits humains, affirme que cette démarche peut aboutir par principe, mais craint que la SCC « ne verse dans les faiblesses des sociétés savantes ».

Notamment « l'expertise et l'expérience en matière de mobilisation communautaire » qu'elle n'a pas, dit-il. Il propose en conséquence « la mise en place d'une stratégie de mobilisation et de partenariat bien définie et acceptée par tous ».

Par ailleurs, il soutient qu'une mutualisation des efforts des associations et de la société civile pourrait contraindre le gouvernement camerounais à « mettre en place des politiques de santé publique spécifiques à ces maladies ».

Pour cet acteur de la société civile, l'accès de tous à des médicaments abordables et à des équipements de diagnostic pourrait aider à prémunir la population contre ces maladies.

Tous ces efforts concertés permettraient, estime la SCC, de faire des économies d'1,5 milliard de FCFA par an, de contrôler annuellement 1 500 cas d'AVC et d'éviter des milliers de décès.

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